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"Mélenchon n’en a rien à faire du sport" : la gauche et les JO de Paris, une relation contrariée

Précision de taille : la "trêve olympique et politique" a été décrétée par Emmanuel Macron. Et n’engage pas forcément les troupes insoumises de Jean-Luc Mélenchon. Voilà pourquoi le 25 juillet dernier, à la veille de la cérémonie d’ouverture de ces Jeux olympiques de Paris, le groupe parlementaire LFI à l’Assemblée nationale décide de lancer une "commission d’enquête populaire". Un processus d’auditions d’acteurs concernés ou affectés par l’événement planétaire, jusqu’au 8 septembre prochain, pour faire le bilan des "implications sociales, économiques et écologiques" de ces 33e olympiades.

"Le modèle des Jeux olympiques et paralympiques organisés aujourd’hui par le CIO n’a plus rien à voir avec la cohésion et le plaisir du sport : il consacre le sport business", précisent les Insoumis dans leur communiqué. "Mais ils sont complètement à côté de la plaque !, s’étrangle une écolo, élue de Paris. C’est le seul moment où on est tous ensemble, après avoir vécu une période où l’on risquait de voir arriver l’extrême droite au pouvoir. Et là, on applaudit collectivement des Françaises et des Français, parfois issus de l’immigration. C’est le meilleur rempart !"

"Les Insoumis ont peur que la séquence profite à Macron"

Un certain sens du timing. Car face aux légitimes interrogations politiques, voilà près d’une dizaine de jours que semble s’ériger un obstacle de taille : la ferveur citoyenne. "Savoir, à la suite de ces Jeux, ce qui a fonctionné ou non ne me choque pas. Mais cette commission populaire, c’est absolument ridicule : il y a un temps pour tout", griffe le patron des sénateurs socialistes et ancien ministre des Sports Patrick Kanner, qui étrille "une véritable démarche de grincheux". Grincheux, les Insoumis ? Pas tous, bien sûr - on en croise même quelques-uns en fanzone, soufflent les mauvaises langues. Mais c’est quand même le député LFI Arnaud Saint-Martin, qui sur X, déplore une "couverture chauviniste des JO sur le service public audiovisuel" et dénonce "une régression nationaliste". Ou sa collègue Ersilia Soudais, habituée des polémiques, qui relaie une fausse information sur des triathlètes soi-disant contaminés par l’eau de la Seine, affublée du commentaire : "1,4 milliard d’euros dépensés pour se ridiculiser aux yeux du monde entier…" Avant de faire son mea culpa et de supprimer son message publié sur X.

Complexe situation pour les théoriciens de la conflictualité permanente : les joutes partisanes ont temporairement perdu leur droit, ne serait-ce que le temps des épreuves. Et une difficile contradiction à résoudre - ou pas - pour cette formation, amatrice du champ lexical de l’union populaire en relation pourtant contrariée avec ces JO très en vogue. Un ancien proche s’essaye à une double explication : "Mélenchon n’en a rien à faire du sport, ça ne l’a jamais intéressé. Quand il était député de Marseille il avait horreur d’aller voir l’OM jouer." Et d’ajouter : "Les Insoumis ont peur que la séquence profite à Emmanuel Macron. Mais c’est une erreur, car 1998 avait autant profité à Chirac qu’à Jospin. Il faut rester humble : un homme politique n’aura jamais le tiers du dixième de la notoriété de Léon Marchand."

"On ne fait pas les rabat-joie"

A gauche, certains sceptiques à l’idée d’accueillir ces JOP 2024 se font plus discrets. C’est le cas des Ecologistes, seuls au Conseil de Paris en 2015, à s’être opposés à la candidature de la capitale à l’organisation de l’évènement. "Même si c’est regrettable et en dépit de tout bon sens, Paris va ainsi être candidate à l’organisation des Jeux olympiques et Paralympiques 2024 avant même d’avoir organisé une grande consultation citoyenne", regrettait dans un communiqué de l’époque le parti au tournesol.

Quelques mois avant leur coup d’envoi, David Belliard, adjoint écolo à la mairie de Paris, faisait part de ses doutes dans la presse. "Les Jeux seront une fête, mais le seront-ils aussi pour les locaux ?", s’interrogeait-il auprès de L’Opinion, en février dernier. Quelques mois plus tôt, dans les colonnes du Parisien, le même réaffirmait son opposition aux Jeux olympiques, pour des raisons écologiques. Autant dire que certains socialistes parisiens ont souri, à la vue de cette récente interview de l’adjoint chargé de la transformation de l’espace public et des transports, dans cet hebdomadaire autrichien. "Paris, capitale de la transformation écologique, montre à quel point le changement peut être rapide dans une grande ville […] Les JO 2024 donnent de nouvelles impulsions." "Celle-ci, on va l’accrocher", ironise Lamia El Aaraje, adjointe socialiste.

"On était certes contre, mais on ne fait pas les rabat-joie : on respecte la ferveur, explique une membre verte de l’exécutif parisien. Ça reste des fêtes populaires, de grands moments de fraternité dont on a besoin, et il y a plein d’autres actes climaticides auxquels il faut s’attaquer avant les Jeux. On ne va pas forcément communiquer là-dessus." Certains sont même plutôt très enthousiastes. A l’image d’Anne-Marie Heugas, vice-présidente aux Sports d’Est-Ensemble, Grand Paris : "En Seine-Saint-Denis, ces Jeux sont une opportunité ", explique l’ancienne athlète de haut niveau. Alors chez les écolos, on l’affirme : chaque chose en son temps. "S'ils permettent de dépolluer la Seine, et de promouvoir le tourisme à vélo, c’est une vraie victoire en termes d’écologie. Mais il faudra quand même faire un bilan à tête reposée : quid des distributions alimentaires arrêtées, de tous les gens qu’on a fait dégager de Paris ?", interroge une cadre parisienne.

Au Parti socialiste, en revanche, pas de doute, on jubile. "C’était l’occasion de raconter une autre histoire de Paris, affirme Lamia El Aaraje. Très à l’aise avec son patrimoine et sa modernité. Une ville écologique, humaniste et progressiste", s’enflamme-t-elle. Pour la politique, on reviendra plus tard. "C’est la trêve olympique, même si l’on sait que tout reprendra. Que ces Jeux ne régleront pas le pouvoir d’achat, ni le réchauffement climatique. Mais il faut accepter cette pause recherchée par les Français", implore le baron rose Patrick Kanner, qui essayera même de profiter de l’engouement pour faire avancer sa proposition de loi du sport prescrit sur ordonnance. Et en profite pour ajouter : "Le sport émancipateur est une vraie valeur de gauche !" Comme s’il y avait des doutes.

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