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Avec “No Name”, Jack White a presque sorti un nouvel album des White Stripes

Le kid de Détroit a dévoilé sans crier gare “No Name”, un sixième album solo qui revient à la source garage punk du duo qu’il formait avec Meg White. Inespéré autant qu’inattendu.

Le 19 juillet dernier, si vous étiez entré·es dans une boutique Third Man Records à Londres, Détroit ou Nashville, vous en seriez ressorti·es avec un vinyle white label portant la mystérieuse mention “NO NAME” en cadeau. L’objet, qui se négocie aujourd’hui autour d’un prix moyen de 500 balles sur Discogs, ne contenait rien de moins que le sixième album de Jack White, intitulé… No Name

Habile comme pas deux en marketing, Little Jack a dans la foulée encouragé les heureux·ses détenteur·rices de cette galette de réglisse à la pirater et à partager sur Internet les chansons qu’elle renfermait ; au même moment, WDET 101.9 FM, la radio publique de Détroit, l’une des plus écoutées de la région, diffusait l’intégralité du disque, comme pour porter la bonne parole du natif de la Motor City.

Quelques jours plus tard, Third Man Records, le label du monsieur, annonçait que No Name serait bien commercialisé chez une poignée de disquaires et disponible sur toutes les plateformes. Voilà pour le topo storytelling. C’est qu’il en faut, des idées, pour survivre en 2024 dans le racket du rock’n’roll. 

Les White Stripes sans les White Stripes ?

Le plan bien huilé de Mister White exposé, passons à cette question qui nous taraude depuis ces derniers jours : pourquoi Jack White a-t-il attendu si longtemps pour sortir un album de cet acabit ? Comprendre par-là : aussi direct, puissant, forgé dans le brasier du son blues-punk de Détroit et habité par un mysticisme gothique tout sudiste. En d’autres termes, pourquoi a-t-il fallu patienter autant pour réentendre un disque qui nous ramène à la forme garage rock flamboyante des White Stripes ?

La réponse est sans doute dans la question : à quoi bon saborder un tel duo, si c’est pour rejouer la même partition ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que le citizen White aura fait feu de tout bois depuis le split légendaire des White Stripes. Il aura ainsi marché sur les plates-bandes power-pop des Flamin’ Groovies avec les Raconteurs, exalté un blues-rock psychédélique, heavy et grand-guignol avec les Dead Weather et revisité les arcanes du Rock and Roll Hall of Fame dans une discographie solo protéiforme, convoquant autant la mémoire du blues du Delta que le délire (indigeste) funk et prog de Prince.

Retour aux sources

No Name – qui n’en a pas besoin, de nom, tant il place l’urgence au centre de tout – sonne ainsi comme un retour aux sources. Une sorte de parenthèse, qui aurait pu faire office d’œuvre de passation entre la fin des White Stripes et le début des aventures solo de Jack White. Une parenthèse, mais pas un exercice de style ou une démonstration de force, contrairement au sentiment dominant qui nous habite à l’écoute de l’œuvre solo de notre pote de Nashville – il est établi à Music City depuis belle lurette et y enregistre la plupart de ses disques. 

Ainsi, en treize titres et 42 minutes (c’est quand même 12 minutes de trop, si l’on se réfère au canon stoogien), le jeune homme de 49 ans ne se contente pas de jouer le rôle du rockeur blues-punk, il l’incarne, le transpire par tous les pores dilatés de sa peau blanche de personnage de Tim Burton. C’est-à-dire qu’en bon chef d’entreprise qu’il est, installé et respecté, rentrant facilement dans ses frais grâce à ses multiples activités, s’il nous avait dit “Holà, amigo, je rentre en studio mettre en boîte un truc bien blues-punk, bien rough”, on aurait pu craindre le pire. Le resucée, ou pire, le ringard, le passéisme mortifère et réactionnaire du Hackney Diamonds des Stones. 

C’est tout le contraire qui s’est passé. Dès les premiers accords de la bien nommée Old Scratch Blues, Jack White impose en majesté un son d’une puissance sidérante, qui n’a de cesse de montée en intensité. L’effet n’aurait pas été le même si l’interprétation n’avait pas été au niveau. Ici, on retrouve cette voix juvénile et intrépide, qu’aucune corde vocale au monde ne saurait faire vibrer si le cœur n’y était pas. On est à Détroit, avant le premier coup de sang des White Stripes. Mais avec la maîtrise en plus. Jack ne s’arrête pas là.

Effusion de riffs et de saillies orales

Bless Yourself, qui suit, est chargée d’une colère éjaculatoire et libératrice, et a le potentiel de devenir un hymne à l’usage de celleux qui ne veulent plus remettre leur destin entre les mains d’une quelconque autorité religieuse. Et comme on n’ouvre pas un bon disque sans un bon triptyque inaugural, That’s How I’m Feeling, en plage trois, sonnerait presque comme le meilleur morceau de rock des années 2000, placé ici comme pour dire : “Salut les kids, vous adorez Olivia Rodrigo ? Je vais vous montrer d’où vient sa musique.”

Et que dire de Bombing Out et de ses accents soul et rhythm and blues sous stéroïdes, sinon qu’on tient peut-être là l’un des morceaux les plus violemment inspirés de l’Américain depuis un bail ? Et Number One With A Bullet ? Et ce Underground de hillbilly aussi crasseux que classieux ?

Comme ça, l’album s’égraine, dans une effusion de riffs et de saillies orales primales pleines de verve, réinscrivant le rock dans le temps présent, dans un geste qui, loin de la citation, le ramène dans un continuum, comme s’il n’y avait jamais eu de césure depuis les premiers râles du garage rock. Même si l’on a parfois tendance à l’oublier, Jack White est bien plus que ce VRP pour le format vinyle que l’on croise dans le Bottin mondain. 

No Name (Third Man Records). Sortie le 2 août.

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