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GB News, la télé des déplorables

GB News est la sœur britannique de CNews. Une chaîne d’info rompue aux critiques de la presse bien-pensante et aux rappels à l’ordre de l’Arcom anglais. Son public, méprisé par les bonnes âmes, est de plus en plus nombreux. Mais la majorité travailliste qui sortira sûrement des urnes rêve de brider cette voix conservatrice.

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GB News est la sœur britannique de CNews. Une chaîne d’info rompue aux critiques de la presse bien-pensante et aux rappels à l’ordre de l’Arcom anglais. Son public, méprisé par les bonnes âmes, est de plus en plus nombreux. Mais la majorité travailliste qui sortira sûrement des urnes rêve de brider cette voix conservatrice.


« Le régulateur devrait fermer cette chaîne. » « On devrait lui retirer sa licence de diffusion. » Ce ne sont pas des propos sur CNews proférés par quelques députés Insoumis ou commentateur francintérien, mais des remarques sur la chaîne britannique GB News faites par une élue conservatrice modérée et un journaliste politique de renom. GB News et CNews ont en commun d’être conspuées par les élites dominantes du centre et de la gauche. Pour la bonne raison que les deux chaînes savent parler à ce public prolétaire ou petit-bourgeois, vivant généralement en dehors des grandes villes, qui s’inquiète des impacts négatifs de l’immigration non maîtrisée et de la mondialisation. Ceux que David Goodhart appelle les « somewhere » et qu’Hillary Clinton a baptisé les « déplorables ». En plus d’être créditées des mêmes travers – désinformation, racisme, sexisme et favoritisme envers la droite dure –, GB News et CNews sont régulièrement tancées par le gendarme des médias, l’Arcom ou son équivalent britannique l’Ofcom. Elles ont souffert de campagnes de militants d’extrême gauche pour faire fuir les annonceurs. Et elles perdent de l’argent tout en augmentant sans cesse leur audience au point de dépasser ou talonner la concurrence établie, BFM TV et Sky News. Lancée en juin 2021, cinq ans après la transformation d’I-Télé en CNews, GB News a réussi à s’imposer sur un créneau similaire que les autres chaînes refusent de servir : celui de l’électorat populiste. Les deux sont dénoncées comme des chaînes d’opinion plutôt que d’information, mais le fait est qu’elles accueillent des opinions que les autres médias ignorent superbement. Elles sont pointées du doigt pour leur traitement jugé disproportionné des questions d’immigration et d’ordre public, mais ces questions, vitales pour beaucoup de citoyens, sont dédaignées par la doxa politique et journalistique.

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Comme CNews, GB News construit sa programmation autour de personnalités fortes, bien connues du public. Parmi les animateurs, il y a un mélange de professionnels chevronnés venus des chaînes privées, Sky News et ITV (la TF1 anglaise), et de jeunes loups comme Patrick Christys, homme du nord de l’Angleterre qui sait parler au public pro-Brexit, ou Nana Akua, d’ascendance ghanéenne, qui ne ménage pas ses critiques à l’égard du mouvement BLM. Leur franc-parler contraste avec l’approche des animateurs de la BBC, mais quand ces derniers affirment que le Hamas n’est pas une organisation terroriste, où est la neutralité ? Il y a aussi des personnages plus insolites, comme Neil Oliver, célèbre pour ses documentaires archéologiques et historiques, qui fait des éditos sur l’État profond face caméra. L’humoriste Andrew Doyle, l’auteur de deux best-sellers satiriques sur le wokisme, anime une émission sérieuse sur la liberté d’expression, tandis que Leo Kearse, qui se qualifie de « comique de droite », commente les actualités chaque soir avec une gouaille écossaise.

Mais la vraie force de GB News tient à sa façon dont elle emploie des personnalités politiques, Nigel Farage en tête. Ce dernier, ancien chef de UKIP et créateur du parti Reform UK, a sauvé la chaîne, qu’il a rejointe peu après sa création, par son émission en prime time tous les soirs. Deux années de suite, il a reçu le prix du meilleur animateur télé du Television and Radio Industries Club, qu’il a accepté sous les huées des journalistes mainstream. Celui qui l’a remplacé à la présidence de Reform UK, Richard Tice, a rejoint GB News en septembre. Mais il y a aussi des conservateurs, comme le député Jacob Rees-Mogg, brexiteur et ministre sous Boris Johnson, et Liz Truss, qui a sa propre émission régulière. En octobre, la chaîne a annoncé que BoJo lui-même allait commenter les élections britanniques et américaines cette année, mais l’ex-Premier ministre semble avoir changé d’avis depuis.

Un public « imaginaire »

Une chaîne d’information peut-elle recruter des politiques ? La réponse repose sur la distinction que fait le droit britannique entre news – « information » – et current affairs – « débat ». Si le politique ne s’immisce pas dans les news, tout va bien. Avant que Farage décide – au dernier moment – de reprendre sa casquette de leader de Reform et de se porter candidat aux législatives, il aurait pu commenter les élections. Pour autant, l’Ofcom a été saisie de plusieurs réclamations sur la neutralité des politiques. Ce n’est pas un problème pour les téléspectateurs de la chaîne. Ce public a été qualifié par une journaliste de The Guardian d’« imaginaire », mais une étude récente montre qu’il est bien réel, majoritairement masculin, a plus de 47 ans, et se dit pour 51 % appartenir aux classes ouvrières et pour 41 % aux classes moyennes. Certes, en 2019, il a voté conservateur à 51 %, mais tout de même à 22 % pour les travaillistes de Corbyn. Il a voté à 63 % pour le Brexit et en 2024, il serait prêt à voter majoritairement pour Reform UK. Il se peut bien que le succès de Farage se retourne contre sa chaîne. Les candidats Reform risquent de diviser le vote de droite au bénéfice des travaillistes. Cela risque non seulement de coûter son siège à l’animateur conservateur Rees-Mogg, mais aussi de donner une super-majorité au Parlement à des travaillistes impatients de rendre le cadre réglementaire beaucoup plus difficile pour GB News.

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Reste à savoir qui sont les généreux propriétaires qui remettent périodiquement la chaîne à flot. Les actionnaires principaux sont Legatum, une société d’investissement dirigé par le Néo-Zélandais Christopher Chandler, et sir Paul Marshall, le cofondateur d’un important fonds spéculatif. Les deux hommes sont connus pour leur philanthropie. Comme Vincent Bolloré, Marshall est un chrétien fervent qui met sa fortune au service du conservatisme en général et construit patiemment un empire médiatique. Il vient de quitter le conseil d’administration de GB News dans l’espoir d’acquérir le grand quotidien de droite The Daily Telegraph et l’hebdomadaire The Spectator. Il a lancé l’excellent média en ligne antiwoke UnHerd, en 2017, et il est réputé proche du gourou du conservatisme, le Canadien Jordan Peterson. Marshall, comme Bolloré, est critiqué pour mettre son argent au service de causes politiques, mais sans de tels hommes, il serait impossible de résister à la domination des « Pravda » élitistes et des quasi-monopoles d’État.

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