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Quels livres lire par destination ? Londres, underground

Entre leurs pages, ce sont des itinéraires londoniens inédits et incroyablement riches et surprenants que nous font suivre ces auteur·ices. Des pas de côté indispensables à une rencontre sincère avec la capitale anglaise.

Si Londres a été abondamment représentée au cinéma et dans les séries, elle l’est aussi, bien sûr, dans des livres qui vont donner la part belle à ses coulisses, à ce que l’on ne voit pas, mais qui fonde l’esprit de cette ville aussi belle qu’énigmatique. Et comme si vous allez passer un week-end à Londres en ce moment, vous serez tellement rattrapé·es par une réalité à mille lieues de ses musées, de ses jardins, de ses salons de thé, que vous aurez besoin de comprendre ce qu’est cette ville en profondeur, de quoi est faite sa psyché, comment les êtres y vivent, de quoi elle se constitue.

Parce que Londres représente le laboratoire de toute l’Angleterre, secouée en ce moment par de violentes émeutes de groupes d’extrême droite contre la police et les émigrés. Récemment, de larges manifestations contre le racisme viennent d’avoir lieu. Bref, on y assiste à une fracture de plus en plus profonde, alarmante.

Londres sociale

Pour mieux comprendre la vie quotidienne des londonien·nes, la vie des émigré·es, ce melting-pot qu’est Londres, on ne vous conseillera jamais assez de lire les romans de Zadie Smith. De son tout premier, Sourires de loup, à N/W, autour du quartier (entre Queen’s Park et Kilburn) où elle a grandi, et où elle est revenue vivre, jusqu’à son tout dernier, L’Imposture, une plongée dans l’ère victorienne – et comment les Anglais pratiquèrent l’esclavage sur leurs plantations jamaïcaines pour bâtir leurs grandes fortunes – pour saisir l’étendue de l’hypocrisie d’un pays dont certaines franges s’attaquent aujourd’hui à ces émigré·es qu’ils n’ont jamais rechigné à exploiter. Mais aussi pour voir que le “multiculturalisme”, comme on l’a appelé, peut fonctionner, que les communautés peuvent vivre ensemble.

Par les sentiers de traverse

Pour mieux connaître l’histoire de Londres, rien de mieux que l’impressionnante biographie que lui a consacrée Peter Ackroyd, comme si la ville était une vraie personne. Titré Londres, une biographie, c’est un texte vertigineux organisé en sections chronologiques (à partir du Moyen Âge), mais aussi thématiques (l’histoire du silence à Londres, des lumières, etc.). Passionnant.

Afin d’éviter les hordes de touristes tous·tes concentré·es dans les mêmes quartiers, ou faisant la queue pendant des heures devant des musées bondés, on peut choisir de suivre des chemins de traverse et marcher dans les pas de Iain Sinclair, un auteur et marcheur inspiré par la psychogéographie des situs. Lire ses London Orbital et Lights Out for the Territory, c’est découvrir un Londres underground qu’aucun·e touriste ne verra jamais.

La part romanesque

Londres est magnifiquement représenté dans nombre de romans, du quartier de Mayfair, où vivent Bertie Wooster et son butler Jeeves dans les comédies de P.G. Wodehouse, au quartier moins connu de Clapham Common dans le très beau La Fin d’une liaison de Graham Greene – le récit d’une passion clandestine à la façon d’un roman noir –, ou les polars du grand Patrick Hamilton, un auteur trop méconnu, qui restituent si bien les rues de Londres entre les deux guerres. De Hamilton, il faut lire Hangover Square, et Gaslight, tous deux adaptés au cinéma. Le dernier a donné son nom à un concept, le gaslighting, de par sa description d’un certain mode d’abus, ici au sein d’un couple vivant dans l’une de ses grandes maisons bourgeoises que l’on voit dans tous les jolis squares de Londres.

À Londres, Hamilton vivait à Chiswick, Wodehouse à Mayfair, et Greene écrivit son roman là où il l’a situé, dans son appartement en bordure des Commons, face à l’église. D’ailleurs, si l’on aime la littérature, arpenter les rues de Londres est fascinant, car elles regorgent de ces plaques bleues indiquant où vivaient certain·es artistes, dont nombre d’écrivain·es. Ainsi, en quittant King’s road pour nous aventurer dans les rues moins fréquentées de Chelsea, on découvrira que Bram Stoker, l’auteur de Dracula, et Oscar Wilde, étaient voisins.

Zadie Smith : tous ses romans sont publiés chez Gallimard et en Folio.

Peter Ackroyd : Londres, une biographie (Philippe Rey/Fugues).

Iain Sinclair : London orbital (Inculte).

Graham Greene : La Fin d’une liaison (Robert Laffont/Pavillons)

P.G. Wodehouse : Merci, Jeeves (10/18)

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