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L'éperon de Murat, sur le Thaurion, abritait un site fortifié aux IXe et Xe siècles, en Creuse

L'éperon de Murat, sur le Thaurion, abritait un site fortifié aux IXe et Xe siècles, en Creuse

Les fouilles de Murat, à Saint-Dizier-Masbaraud, fournissent un témoignage rare sur un site fortifié des IXe et Xe siècles en Limousin. La campagne 2024 est en cours.

Des sites archéologiques comme celui-là, on les compte sur les doigts d’une main en France », souligne l’archéologue Richard Jonvel. Le site en question, c’est celui de l’éperon barré de Murat, sur la commune de Saint-Dizier-Masbaraud, à la confluence de la Leyrenne et du Thaurion. « Barré parce que son accès depuis le plateau avait été barré par un fossé creusé dans la pierre », explique le spécialiste qui mène ici des fouilles archéologiques qui feront date. D’après la datation au carbone 14, le site date du Haut Moyen-Age, entre 800 et 930, une période très peu documentée pour la région et pour laquelle il pourrait donc fournir des clés d’analyse et compréhension. 

Des éléments d’armement retrouvés

Pourtant, il a fallu une part de hasard pour que des fouilles y soient engagées. « En 1963-1964, des membres de l’association des Amis de la Tour, à Bourganeuf, avaient repéré des strates de terres noires qui indiquent des occupations anciennes, et des fragments de meule. Et puis plus rien, raconte Richard Jonvel. Mais au début des années, mon directeur de thèse, Philippe Racinet, professeur d’histoire et d’archéologie à Amiens achète une maison à Murat et un des prospecteurs des années 60 lui en parle. Des relevés et une datation au carbone 14 ont été réalisés et il m’a demandé de venir faire des sondages. On se rend alors compte qu’on a un rempart vitrifié, une technique de fortification assez particulière qui consiste à brûler des pierres et des poutres pour faire durcir le talus. En 2014, on a trouvé des trous de poteaux, des tessons de céramique, un couteau, des clous... »

Depuis les campagnes de fouilles se sont succédé chaque année, sauf en 2022-2023, révélant « un site assez exceptionnel puisque, à part une partie détruite par une carrière, tout le reste est intact. » Pas de construction maçonnée puisque les bâtiments étaient en matériaux périssables, mais environ 300 trous de poteaux ont été trouvés sur la plateforme du promontoire, pour une surface habitable qui avoisinait les 2.000 m2 .

« Nous sommes ici sur de l’habitat laïc aristocratique, avec des cavaliers qui ont les moyens de s’équiper militairement, eux et leurs chevaux. Nous avons trouvé des scramasaxes, une sorte d’épée, des étriers, des carreaux d’arbalète, des flèches, des fers à cheval et à l’époque, ce sont les chevaux pour la guerre qui étaient ferrés. 28 deniers en argent d’Eudes (roi des Francs de 888 à 898) ont également été retrouvés à l’emplacement d’une maison. Au maximum, une centaine de personnes vivaient ici. Sans comparaison régionale, il est très difficile de s’avancer sur la nature de ce site. »  

On peut penser que le Thaurion était un axe de communication important et qu’il s’agissait ici d’un lieu de surveillance avec probablement un péage. Sur le Thaurion, il existe plusieurs éperons rocheux espacés de quelques kilomètres. Il serait intéressant de voir si des sites fortifiés y avaient aussi été aménagés à la même époque.

Fortifié, le site de Murat l’était en effet très sérieusement : outre le fossé côté plateau, deux autres avaient également été creusés du côté de la pointe de l’éperon tandis qu’un talus s’élevait côté nord et certainement aussi côté sud, même si la création d’une route ne permet plus de le repérer. Y a-t-il eu des combats sur le site ? Impossible de répondre en l’état actuel des connaissances, mais les traces d’un incendie, qui peut aussi être issu d’un accident, ont été relevées, les habitants revenant ensuite pour élever un talus défensif plus haut. Le site a ensuite été abandonné vers 950. 

Des trous dans lesquels étaient situés les poteaux de soutènement témoignent de la présence des habitations.

Portes ouvertes samedi 17 août

La campagne 2024 est consacrée à la fouille du premier fossé, côté pointe. Un laborieux travail de déblaiement qui peut néanmoins s’avérer payant, des objets pouvant y avoir été jetés ou perdus à l’époque. C’est dans un talus qu’ont ainsi été trouvés plusieurs objets d’armement. Huit fouilleurs, étudiants en histoire ou archéologie pour la plupart, sont sur le terrain depuis le 29 juillet pour trois semaines intenses, sous la conduite de Richard Jonvel. S’il est chef du service archéologie d’Amiens Métropole, c’est en tant que bénévole, pour l’association Cahmer (centre d’archéologie et d’histoire médiévales des établissements religieux), basée dans l’Oise, qu’il intervient sur le site de Murat, y consacrant l’essentiel de ses congés chaque année. 

Cette campagne sera la dernière, tout le site ayant été fouillé. S’ensuivra une période d’analyse et de valorisation, avec un panneau de présentation qui sera implanté sur le site et l’édition d’un livret. Plusieurs des objets métalliques ont par ailleurs été restaurés par un paléo-métallurgiste et d’autres le seront. « J’espère qu’ils pourront un jour être exposés au musée de Guéret », confie Richard Jonvel qui pourrait revenir en Creuse ces prochaines années pour prospecter sur d’autres éperons du Thaurion. 

Samedi 17 août, le public pourra découvrir le site archéologique de Murat lors des portes ouvertes organisées de 14 h à 17 h 30. Richard Jonvel assurera des visites guidées avec sa passion communicative, avec en prime une très belle vue sur le Thaurion.

 

Nicolas Barraud

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