Imbroglio nippon, la passion à froid
Le dernier film de Takuya Kato est un drame où les non-dits et la culpabilité tissent les fils d’une tragédie intime.
En délicatesse avec son époux, homme économiquement bien nanti qui projette de vendre son appartement et d’acheter une maison (au fil du récit on comprendra qu’ils sont mariés en secondes noces, qu’il a un fils de son premier mariage, qu’il a naguère trompé cette femme, avec qui il cohabite depuis longtemps sans plus copuler jamais, et ce quoiqu’il aspire à avoir un autre enfant d’elle…), Watako entretient secrètement une relation avec un amant (correcteur de son état). Ils se retrouvent, le week-end, dans des hôtels confortables, loin de la ville. Mais voilà que l’amant meurt accidentellement sous ses yeux, écrasé par une voiture. Elle appelle une ambulance, mais pour préserver la clandestinité de cette liaison, choisit de couper la communication et de se défausser sur un quelconque autre témoin pour donner l’alerte. Pétrie de remords à l’idée que son silence a peut-être tué l’amant, et se sentant dès lors responsable de sa mort, Watako tente de poursuivre sa vie conjugale dans le déni de cette passion tranchée net par le sort. Mais de fil en aiguille, les événements (conversation avec la première épouse, rencontre au cimetière avec le père du défunt, bague perdue et retrouvée…) l’obligent, confrontée à sa propre vérité, à faire de sa mélancolie un tremplin vers l’acceptation de soi.
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Format carré de l’écran, tonalité froide des séquences, construction habile d’un récit complexe traversé de flash-backs qui se glissent insensiblement dans la trame des événements, rétention de la musique, retenue et ambiguïté très concertée des dialogues : le climat sévère du film exprime avec exactitude cette difficulté à communiquer dont Takuya Kato, pour son second long métrage, semble faire une constante de la société japonaise. Film d’une grande exigence formelle, La mélancolie vous enchaîne subtilement dans ses rets.
La mélancolie. Film de Takuya Kato. Japon, couleur, 2023. Durée: 1h24.
En salles le 14 août 2024.
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