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Un été littérature – 18) Littérature pour ados

Sa Majesté des Mouches, de William Golding

L’histoire commence de manière un peu étonnante. On ne comprend pas bien ce que ces enfants font là, sur cette île. À peine une ou deux allusions assez vagues. Puis, un peu trop de descriptions de paysages à mon goût, caractéristiques, il me semble, des romans d’une certaine époque.

Sur le fond, le sujet est intéressant : que deviendraient de jeunes enfants, livrés entièrement à eux-mêmes, perdus sur une île loin de la civilisation ? Comment vivraient-ils ? Comment feraient-ils pour se nourrir, se loger ?

Mais surtout, la question posée ici est très rapidement celle de l’organisation : à qui la confier ? Faut-il un chef, une autorité ? Et quelles formes celle-ci peut-elle prendre ? Comment, aussi, prendre en charge les plus petits, apeurés, effrayés par le noir la nuit et la présence possible de bêtes sauvages, alors qu’ils sont contraints, de fait, à devoir dormir en pleine nature ?

Terribles questions existentielles qui vont se heurter, sur fond de jalousie, à une histoire de rivalité, puis progressivement de sentiment de toute-puissance, là où, de prime abord, les adultes, dont on voit qu’ils sont idéalisés en partie à tort par les enfants, leur manquent cruellement. Mais sans qu’ils cherchent à s’en lamenter, se résignant plutôt à leur sort et cherchant à faire face à leur destinée.

Un roman terrible, cruel, abordant à la fois la question existentielle mais surtout celle du besoin d’ordre et des dérives de l’autorité. Une dernière partie assez puissante et angoissante. Dommage que l’écriture soit un peu lente et pas toujours claire. Maintenant qu’il existe un film tiré de ce roman, je pense que pour une fois je l’aurais probablement préféré à ce dernier. Mais bravo tout de même à William Golding pour avoir imaginé cette histoire, dans le contexte de l’immédiat après-guerre.

William Golding, Sa Majesté des MouchesBelin – Gallimard, 336 pages.

 

Malataverne, de Bernard Clavel

Cette histoire se déroule au cœur d’une France très rurale, à une époque où la télévision avait fait son apparition, mais n’occupait encore qu’une minorité de foyers favorisés.

Si les descriptions peuvent paraître aujourd’hui un peu longues par moments (deuxième partie du livre, notamment, qui en comporte quatre), l’intensité de l’histoire monte progressivement en puissance pour atteindre son paroxysme aux deux dernières, à la manière d’une tragédie grecque des temps modernes.

Le livre réussit à captiver le lecteur, à l’impliquer dans l’histoire, celle de trois jeunes adolescents de 15-16 ans qui commencent à commettre quelques larcins et envisagent d’aller au-delà, en planifiant l’intrusion au domicile isolé d’une vieille dame pour laquelle ils n’ont que bien peu d’égards et de considération, pour subtiliser ses économies, dans l’intention de s’offrir des motos.

Mais c’est sans compter les troubles de conscience de l’un d’entre eux, qui se pose beaucoup de questions malgré la forte influence de ses deux compagnons de débauche.

Ira-t-il finalement jusqu’au bout ? Confiera-t-il son lourd secret à sa petite amie, au risque du désaveu et de la dénonciation ? Situation bien difficile pour un jeune garçon de quinze ans, au caractère pas encore suffisamment affirmé…

Un bon livre, plaisant à lire, qui peut, peut-être, amener les plus jeunes à réfléchir dans la construction de leur personnalité.

Bernard Clavel, Malataverne, J’ai lu, janvier 1960, 235 pages.

 

Sacajawa, de Anna Lee Waldo

Ce roman m’a beaucoup plu durant ma jeunesse et je le relirais très volontiers aujourd’hui.

Ce personnage semble correspondre à une référence importante de la culture américaine, à en juger par le film Une nuit au musée, où elle apparaît en bonne place. L’époque est celle de la conquête de l’Ouest et de la fondation des États-Unis d’Amérique. C’est l’histoire mouvementée d’une belle Indienne courageuse à la vie faite de beaucoup d’aventures et de rebondissements qui jouera un grand rôle dans l’édification de la société américaine.

Un univers passionnant qui change des récits fantastiques à la Harry Potter, tant il est bon, à mon avis, de diversifier un peu ses lectures. Ce roman mériterait, ici aussi, d’être ou de redevenir un classique.

— Anna Lee Waldo, Sacajawa, Pygmalion, 444 pages.

 

Vox, de Christina Dalcher

Ce roman, écrit par une Américaine docteur en linguistique, est surprenant du point de vue de son thème de départ, auquel j’ai un peu de mal à adhérer. Mais il se révèle ensuite très agréable à lire et parfaitement captivant, ce qui en fait finalement un bon roman.

Là où j’ai eu un peu de mal au départ – outre le style un peu à l’américaine (qu’on oublie vite ensuite) – c’est avec le thème développé. Si l’idée me séduit : le fort sentiment de révolte que l’on éprouve à l’égard de la situation qui veut que les femmes se trouvent brimées, c’est plutôt le contexte qui me dérange. Même s’il s’agit d’un roman et que, par nature, le roman étant libre, on peut tout y imaginer à loisir.

La situation est la suivante : nous sommes aux États-Unis. Un nouveau président a été élu il y a un peu moins d’un an. Son plus proche conseiller et homme d’influence, le révérend Carl, a obtenu la mise en œuvre d’un plan particulièrement pernicieux et portant atteinte aux libertés fondamentales.

Nostalgique de temps passés et révolus et extrémiste dans ses résolutions, il est parvenu à sceller le sort des femmes de manière particulièrement radicale. Celles-ci sont en effet non seulement cantonnées désormais à un rôle de femmes ou mères au foyer, ne pouvant plus exercer les professions qu’elles occupaient habituellement jusque-là, mais pour s’assurer de leur docilité et éviter leur insoumission, un bracelet électronique a été fixé, ainsi qu’à leurs filles, et verrouillé au poignet, les condamnant à un silence forcé.

Un quota de cent mots par jour est programmé, au-delà duquel elles reçoivent des chocs électriques de plus en plus puissants à chaque mot prononcé. Toute tentative de révolte ou d’insoumission les expose à des camps de travail forcé où elles finiront leurs jours avec un quota passant à… zéro mot. Le docteur en neurosciences Jean McClellan, victime comme toutes les femmes de cette situation, ne sait comment parvenir à lutter contre cette situation. Mais il se pourrait bien qu’un événement lui donne peut-être l’opportunité d’envisager d’agir…

Une situation, on le voit bien, absolument révoltante. Sauf que je ne comprends pas bien pourquoi l’auteur s’en prend dans ce roman aux chrétiens, comme si on pouvait réellement imaginer que des fondamentalistes de cette religion seraient en mesure un jour prochain de s’emparer du pouvoir et d’imaginer de telles incongruités.

S’agit-il d’un dérivatif pour éviter de parler d’une autre religion dans laquelle est développée par certains une réelle volonté de soumission de la femme, ou le roman est-il très engagé, hostile à des politiques dont on peut penser qu’ils seraient porteurs de visions régressives dangereuses (on pense à Donald Trump) ?

Autre piste : l’auteur est-elle une militante féministe qui partirait dans des délires comme savent en inventer les féministes politiques ? (Je note qu’en fin d’ouvrage, la longue liste de remerciements ne comporte que des noms féminins, à l’exception de son mari qui, soyons rassurés, ne lui a jamais dit qu’elle parlait trop).

Pour le reste, si l’on fait abstraction de tout autre considération, le roman m’a bien plu. Je le trouve rythmé et captivant. Composé de 80 courts chapitres, comme c’est dans l’air du temps, il permet de s’accorder de courtes séquences de lecture et de s’interrompre facilement à tout moment.

— Christina Dalcher, Vox, Nil éditions, 432 pages.

 

No et moi, de Delphine de Vigan

Ce roman m’a particulièrement plu et ému. Ce fut un véritable coup de cœur, qui m’a conduit ensuite à lire d’autres romans de Delphine de Vigan. Je trouverais donc dommage de ne pas le faire figurer ici. Cependant, bien que je sois certain d’avoir écrit un commentaire particulièrement enthousiaste sur ce livre, que j’ai d’ailleurs aussi offert, je n’en trouve trace nulle part, pas plus que sur les autres livres du même auteur. Étrange et contrariant.

Je renvoie donc au livre, sans plus de détails, si ce n’est que l’histoire est magnifique et la psychologie des personnages finement rendue grâce à une écriture absolument subtile et agréable. C’est incontestablement mon livre préféré de cette catégorie, et si vous cherchez à offrir un roman à un ado (ou même à un adulte), ce serait selon mes conseils celui-ci.

— Delphine de Vigan, No et moi, Jean-Claude Lattès, août 2007, 285 pages.

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