Les trésors des grottes inaccessibles du Quercy s'exposent à Brive
Il y a 30 000 ans, des hommes se sont installés à Roucadour et Puyjarrige. Ces sites sont interdits au public, alors l'exposition Roucadour et Puy Jarrige, un art pariétal, du 17 juillet au 18 août, donne à voir les gravures uniques de la Préhistoire.
Lion, mammouth, mégacéros...Au milieu des vitraux de « L'Ouvroir » de la Providence, les photographies des gravures sont exposées, juxtaposées aux travaux de Michel Lorblanchet qui a traduit ces traits. Le travail du préhistorien a permis de révéler tous les dessins, alors que les néophytes n'y verraient que des gribouillis. Sur les parois de Roucadour, à Thémines dans le Lot, des animaux comme le lion, le mammouth, le mégacéros ou le lièvre sont représentés. L'exposition Roucadour et Puyjarrige, un art pariétal de 30 000 ans, se tient dans la salle de la Providence à Brive jusqu'au 18 août. Photo Fabrice Combe
« Il n'y a pas cet effet waouh comme à Lascaux, mais d'un point de vue archéologique, c'est un site exceptionnel, il y a plus de 500 figurations pariétales sur une toute petite surface », s'émerveille Pierre-Yves Demars, préhistorien.
Après Lacapelle-Marival, Cahors ou Martel, l'exposition a posé ses valises à Brive. « Autour du bassin briviste, il y a la plus grande concentration paléolithique, les populations nomades remontaient du Périgord vers les plateaux limousins en se protégeant dans des cavernes et abris », rappelle le spécialiste du paléolithique supérieur.
Une plongée dans les grottes inaccessiblesLa cité gaillarde était une évidence quand on sait que les inventeurs de la grotte de Roucadour sont deux spéléologues amateurs brivistes : Jean-Paul Coussy et Pierre Taurisson en 1962. « L'entrée était obstruée, nous sommes descendus dans cette grande caverne, et dans une faille à 5 mètres de haut, nous avons vu une première gravure, et on a découvert une immensité de motifs », se souvient Pierre Taurisson.
Je me souviens encore du cheval sur lequel j'avais posé la main, gravé dans la roche, il était magnifique.
La grotte, rachetée par l'État en 1992, a été étudiée par Michel Lorblanchet, spécialiste de l'art pariétal et directeur de recherche au CNRS. Il lui aura fallu plus de deux ans avec son équipe pour étudier l'ensemble de la grotte. Roucadour fait partie des plus grands sites pariétaux du Quercy et même d'Europe avec la grotte de Pech Merle et Cougnac. Une étude que le spécialiste partagera lors d'une conférence le 10 aout dans la salle de l'Ouvroir. Complétée par une deuxième conférence, le 17 août, de Brigitte Delluc sur l'art archaïque d'Aquitaine, contemporain de Roucadour. « Ces deux conférences permettent de replacer la découverte et l'étude de ces grottes dans l'ensemble des recherches mondiales sur l'art pariétal », explique Pierre Taurisson.
L'abri du Puy Jarrige, situé dans les environs de Brive, n'a rien à envier à Roucadour. Un lieu exceptionnel dont la position géographique exacte est cachée du public pour le préserver : « Il n'y a plus que deux grottes dans le monde dans lesquelles des figurations pariétales existent encore sur le gré qui s'effrite », indique Pierre Taurisson. Pour les deux grottes, l'ouverture au public est risquée. Au-delà de mettre en péril les gravures, les sites sont difficiles d'accès, voire dangereux pour le grand public.Les visiteurs profitent des explications de Michel Lorblanchet pour découvrir les mystères de Roucadour et Puyjarrige. Photo Fabrice Combe
Cette exposition fait sortir de l'ombre deux grottes méconnues, mais pas seulement. André et Jean Bouyssonnie, Henri Breuil, André Glory, Amédée Lemozi sont autant de préhistoriens du Quercy que l'exposition met en avant. Les notes biographiques montrent l'apport de chacune de ces personnalités dans l'étude préhistorique.
La poignée de passionnés s'émerveille du travail accompli par ces hommes avec leurs moyens de l'époque, comme l'inventeur de la grotte de Roucadour devant la gravure d'un cheval : « C'est incroyable, la liberté intellectuelle dont ils ont fait preuve, la réflexion et la pensée complexe dont ils ont été capables. »
Marie Chazelas