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Pourquoi la convention démocrate à Chicago lance idéalement Kamala Harris vers la Maison Blanche

C’est ce que l’on appelle un sans-faute. Depuis le retrait de Joe Biden, le 21 juillet, les États-Unis, et une bonne partie du Monde, n’ont d’yeux que pour elle. Et la “Kamalamania” ne donne aucun signe d’essoufflement.En moins d’un mois, l’ancienne procureure générale de Californie a réveillé le parti démocrate, renversé les sondages en sa faveur et donné un sacré coup de vieux à Donald Trump, orphelin de “sleepy Joe”, qui se voyait déjà de retour à la Maison Blanche.

"Comme si Trump pédalait dans le vide"

« C’est comme s’il avait perdu la chaîne de son vélo et qu’il pédalait dans le vide, image Jean-Éric Branaa, maître de conférences à l’université Panthéon-Assas. Par contraste, alors que derrière Biden, c’était le vide absolu avec des gens qui traînaient les pieds, elle réunit les jeunes, les femmes, les minorités ethniques qui trouvent d’un coup une nouvelle source d’inspiration et une nouvelle raison d’aller voter. Elle incarne aujourd’hui la justice sociale, les droits des femmes, le changement climatique. Autant de thèmes qui catalysent ses partisans. »

Dans une mise en scène très soignée, avec la présence de guest stars de la trempe des Obama et des Clinton, la convention démocrate, qui se déroule jusqu’à jeudi à Chicago (Illinois), va prendre les allures d’un plébiscite.« Elle arrive à ce grand rendez-vous comme si elle avait déjà fait une campagne d’un an, passé les primaires. La chose la plus importante est qu’il n’y a aucune voix discordante. Le parti est totalement uni derrière elle. Cela fait penser à Obama en 2008 ou Trump en 2016 en termes d’engouement. La fête est donc complète », campe le spécialiste des États-Unis, qui publie le 10 septembre Kamala Harris, l’Amérique du futur (édition Nouveau).

"À gauche toute"

Cette convention sera, en premier lieu, l’occasion de braquer les projecteurs sur la complémentarité d’un ticket Harris-Walz qui ratisse large. « Tim Walz étant ancré au centre, cela permet à Kamala Harris de se déporter sur la gauche pour aller chercher les progressistes et la base rurale de Trump, analyse Jean-Éric Branaa. C’est exactement ce qu’elle a fait avec son programme économique qui est “à gauche toute”. Elle leur parle au porte-monnaie avec des mesures très concrètes : une aide de 25.000 dollars pour les primo-accédants dans l’immobilier, la promesse de limiter à 2.000 dollars le reste à charge dans les frais de santé ou encore une réduction d’impôts de 6.000 dollars lors de la naissance d’un enfant. Et puis surtout, le blocage des prix dans l’alimentaire. Enfin, elle a même récupéré la promesse phare de Trump de défiscaliser les pourboires dans les métiers de bouche. »

"Passage de témoin symbolique"

Dès lors, que peut attendre la vice-présidente sortante de cette grand-messe au bord des grands lacs. « Cette convention a d’abord vocation à cimenter l’unité du parti, détaille le spécialiste des États-Unis. C’est aussi un immense coup de projecteur puisque 15.000 journalistes sont accrédités et tous les médias du monde entier seront présents. Cela va permettre à tous les Américains de mieux la connaître. Le passage de témoin entre Joe Biden et elle sur la scène de la convention prévu lundi soir est extrêmement symbolique. »Après les différentes interventions, notamment de Tim Walz, Bill Clinton et Barack Obama, mardi et mercredi, la clôture jeudi s’annonce comme le moment-clé de la mise sur orbite de la candidate démocrate.

"Le triomphe de Kamala"

« Ce sera le triomphe de Kamala Harris qui va faire cette proposition à l’Amérique de se battre ensemble pour réussir. Il y aura beaucoup d’optimisme, de gaîté. Cela tranchera avec la noirceur et la peur qu’instrumentalise Donald Trump, dont le mandat a été marqué par le Covid. La candidate démocrate entend sortir des ténèbres et aller vers l’Amérique du futur. Elle va pouvoir marteler ce message autour du rêve américain qu’elle incarne parfaitement. Fille d’immigrés venus d’Inde et de Jamaïque, elle va proposer de devenir la première présidente d’origine afro-américaine et asiatique. Bref, un renversement de table, comme celui proposé par Trump en 2016, mais cette fois au service de la diversité américaine », poursuit Jean-Éric Branaa.

"Un ou deux points de plus"

La grande question est de savoir si cette convention peut lui offrir l’impulsion nécessaire pour distancer le candidat républicain à un peu plus de deux mois de l’échéance. « La convention rapporte toujours un à deux points de plus. On l’a vu avec Trump dont on disait, après la convention de Milwaukee, qu’il avait partie gagnée, du fait de la force dégagée par le paquebot républicain. Le retrait inattendu de Joe Biden est venu briser sa dynamique une semaine plus tard. Mais nous allons avoir exactement le même phénomène à la sortie de cette convention idéalement placée au début de la vraie campagne », insiste l’auteur de Kamala Harris, l’Amérique du futur.

L'inflation sous les 3 %

Dans un étonnant mouvement de balancier, comme si tout lui souriait désormais, même l’inflation, boulet du bilan de Biden, vient de passer sous la barre des 3 %. « Kamala Harris peut aussi mettre en avant l’effet des grandes réformes entreprises sur la réduction drastique des prix des médicaments. Or, certains malades du cancer ont perdu leur maison pour payer leur traitement », complète Jean-Éric Branaa.Dans le camp d’en face, Donald Trump semble, pour l’instant, relégué dans l’ombre de sa rivale qui capte toute la lumière. « Trump va devoir changer très rapidement de stratégie sinon, les donateurs risquent de l’abandonner en rase campagne », prévient le spécialiste des États-Unis.

Le vote arabo-musulman

Reste qu’à un peu de plus de deux mois de l’échéance, si la balance penche aujourd’hui en faveur de Kamala Harris, les jeux sont loin d’être faits. Pour l’emporter, la candidate démocrate aura notamment besoin du vote arabo-musulman dans des États clés comme la Pennsylvanie. Or, le soutien de l’administration Biden à Benjamin Netanyahu est jugé, par beaucoup, comme aveugle. Sans désavouer le président sortant, l’ancienne avocate a commencé à se démarquer par petites touches. « Cela reste du 50-50, pronostique Jean-Éric Branaa. La question de l’immigration demeure un atout pour Trump et sa campagne de manipulation des médias et des réseaux va s’intensifier avec l’aide d’Elon Musk. »

Dominique Diogon

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