Venezuela: inflexible, le pouvoir prépare une "loi contre le fascisme"
"M. Nicolas Maduro, respectez ce que tous les Vénézuéliens ont décidé (...) Vous et votre gouvernement devez vous mettre de côté (...) Je suis prêt au dialogue", a lancé sur les réseaux sociaux Edmundo Gonzalez Urrutia, discret diplomate qui a remplacé la cheffe de l'opposition Maria Corina Machado, déclarée inéligible, comme candidat à la présidentielle.
"Chaque jour où vous entravez la transition démocratique, les Vénézuéliens souffrent d'un pays en crise et sans liberté. S'accrocher au pouvoir ne fait qu'exacerber les souffrances de notre peuple. Notre heure est venue", a dit M. Gonzalez Urrutia, qui n'a pas été vu publiquement depuis le début du mois.
Mme Machado, qui est apparue samedi lors d'une manifestation de l'opposition, et M. Gonzalez Urrutia vivent dans la clandestinité alors que le parquet a ouvert une enquête pénale contre eux, notamment pour "incitation à la désobéissance aux lois, incitation à l'insurrection, association de malfaiteurs".
Le procureur général Tarek William Saab a menacé lundi de les inculper.
L'annonce de la réélection de M. Maduro pour un troisième mandat a provoqué des manifestations spontanées, brutalement réprimées. De source officielle, 25 personnes sont mortes, 192 ont été blessées et 2.400 arrêtées.
"Force de Dieu"
Le Conseil national électoral (CNE) a ratifié début août la victoire de M. Maduro avec 52% des voix, sans fournir le décompte exact ni les procès-verbaux des bureaux de vote. Il assure en avoir été empêché par un acte de piratage informatique, dont l'opposition et de nombreux observateurs mettent en doute la réalité.
Selon l'opposition, qui a rendu publics les documents électoraux obtenus grâce à ses scrutateurs, M. Gonzalez Urrutia a remporté plus de 60% des voix.
M. Maduro ne cesse, lui, de répéter qu'il fait face à une tentative de "coup d'Etat".
"Ils ne pourront jamais nous vaincre, parce que nous portons en nous la force de l'histoire, la force de la patrie, la force de Dieu. Nous avons gagné", a-t-il lancé dimanche à ses partisans.
Le Parlement monocaméral, où le pouvoir dispose de 256 des 277 députés (l'opposition ayant boycotté les législatives de 2020) examine mardi un projet de loi "contre le fascisme", deuxième texte d'une série que prépare le pouvoir dans le sillage de la réélection contestée de Maduro.
Il s'agit officiellement de mieux "défendre le peuple", mais de nombreux observateurs y voient des mesures liberticides destinées à réprimer.
La semaine dernière, l'Assemblée nationale avait adopté une loi sur les ONG, également très critiquée par les défenseurs des droits humains.
"Phase d'offensive"
La "loi contre le fascisme, le néofascisme et les expressions similaires" reprend "le meilleur des lois européennes relatives au phénomène du nazisme et du fascisme et nous l'adaptons au Venezuela", assure le président Maduro.
"Nous ne permettrons pas que le fascisme prenne le pouvoir au Venezuela", a-t-il juré lundi, clamant: "nous sommes dans une phase d'offensive et d'expansion de nos forces".
Le pouvoir promet aussi dans les jours qui suivent une loi sur les réseaux sociaux, alors que le réseau X a été suspendu dix jours et que le président a lancé un boycott de la messagerie WhatsApp, tous deux accusés d'incitation à la haine.
Le haut-commissaire de l'ONU aux droits humains, Volker Türk, a appelé la semaine dernière les autorités à ne pas "adopter ces lois et toute autre loi qui porte atteinte à l'espace civique et démocratique".
"Dans un climat de peur, il est impossible de mettre en œuvre les principes démocratiques et de protéger les droits humains", a ajouté sa porte-parole, Ravina Shamdasani.