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Jeux paralympiques : l’impossible défi de l’accessibilité des transports

Beaucoup d’anticipation… et beaucoup de frustration. Recrutée par l’association APF France Handicap en tant que bénévole pour les JO de Paris, Chloé a rapidement dû faire face aux difficultés d’accès aux transports dans la capitale pour les personnes à mobilité réduite (PMR). Victime d’une hémiplégie qui paralyse le côté gauche de son corps, la jeune femme ne peut marcher que "très lentement", et s’épuise vite dans les pentes ou les escaliers.

"Le tramway, c’était parfait. Mais à partir du moment où mes arrêts n’ont plus été desservis à cause des compétitions, j’ai dû prendre le métro, monter et descendre des centaines de marches, faire face aux escalators en panne et constater l’absence d’ascenseurs presque partout", regrette-t-elle. Même constat du côté de Marianne, quadragénaire en fauteuil roulant qui a fait face à plusieurs déconvenues.

En voulant rejoindre la flambant neuve station Saint-Denis Pleyel, cette Bourguignonne est stoppée par la panne des deux ascenseurs de la gare de Lyon qui lui auraient permis de rejoindre la ligne 14, seule adaptée à 100 % aux PMR. La même semaine, en voulant monter à bord d’un RER après avoir assisté à une épreuve de beach-volley, elle ne trouve pas d’assistance afin de déployer la rampe adaptée sur son train. "On m’a dit que j’aurais dû réserver vingt-quatre heures à l’avance pour bénéficier d’une telle aide, et qu’on ne pouvait rien faire pour moi", raconte-t-elle.

Ces malencontreuses expériences résument parfaitement le quotidien des usagers en situation de handicap dans les transports franciliens : malgré de nombreuses adaptations du réseau, notamment en amont des JO, l’impossibilité pure et simple de voyager sur certaines lignes s’additionne aux complications inattendues d’ordre technique ou humain rencontrées sur le parcours.

Un métro inadapté

Alors que la capitale accueillera les Jeux paralympiques du 28 août au 8 septembre, de nombreux investissements ont pourtant été mis en place par Ile-de-France Mobilités (IDFM), la RATP et la mairie de Paris pour accueillir les touristes et les athlètes en situation de handicap - et ainsi léguer aux Franciliens cet "héritage" concernant les transports publics, tant réclamé pour les PMR. IDFM rappelle ainsi à L’Express que "2 milliards d’euros" ont été consacrés à la mise en accessibilité du réseau ferré en Ile-de-France, permettant par exemple la rénovation complète des gares de Saint-Denis et de Saint-Quentin-en-Yvelines. Selon l’organisme, "240 gares RER et ferroviaires sur 268 sont accessibles depuis cet été aux PMR, soit 95 % du trafic voyageur", tout comme "100 % des lignes du RER A et B" et "100 % des lignes de tramway". L’accessibilité des bus est également mise en avant : en Ile-de-France, "540 lignes" sont aujourd’hui accessibles aux PMR, dont "la totalité des 65 lignes parisiennes".

Lamia El Aaraje, adjointe à la mairie de Paris chargée de l’accessibilité universelle et des personnes en situation de handicap, rappelle que 22 millions d’euros ont ainsi été investis pour la mise en accessibilité, en avril, de 1 785 arrêts de bus sur les 2 200 que compte la capitale. Mais pour que ces lignes soient considérées comme "accessibles", le site de la RATP précise qu’il suffit que 70 % des points d’arrêts soient utilisables par les utilisateurs de fauteuil roulant. "Cela veut dire qu’il faut descendre un arrêt plus tôt ou plus tard et se débrouiller. Sans compter qu’il arrive que les bus ne puissent pas se garer correctement à cause des automobilistes ou que des stations ne soient pas desservies pour cause de travaux", résume Annette Masson, présidente de l’association Tourisme et handicaps.

Interrogée, Lamia El Aaraje précise que le parcours "a été réfléchi de sorte que n’importe quel usager puisse accéder à un arrêt de bus adapté à moins de quinze minutes de son domicile". A Paris, "entre 74 % et 92 % des arrêts" seraient ainsi accessibles aux PMR, en fonction des lignes.

Mais malgré ces avancées, un obstacle majeur continue d’être pointé par les usagers : le métro parisien, vieux de plus d’un siècle, n’est que très peu adapté aux personnes en situation de handicap. Seules 29 stations sont actuellement 100 % accessibles aux PMR sur les 320 que compte le réseau - soit 9 % d’entre elles, concentrées sur la ligne 14 et une partie de la ligne 11, selon les données d’IDFM. D’ici à 2030, la construction des lignes 15, 16, 17 et 18 devrait gonfler ce maigre pourcentage, avec 39 nouvelles stations adaptées.

Mais en attendant, les associations ne cachent pas leur frustration. "Le métro est l’énorme point noir du réseau", lâche Nicolas Mérille, conseiller national accessibilité pour APF France Handicap. Las, il compare le travail d’autres villes européennes sur le sujet. "Lorsque Londres a accueilli les JO en 2012, la ville est par exemple arrivée à 18 % de stations accessibles, y compris sur le réseau historique, alors même que le métro londonien date de 1873 et qu’il est beaucoup plus profond que celui de Paris", rappelle-t-il. "Pourquoi la France n’en est-elle pas capable ? Et pourquoi ne profite-t-on pas des travaux réalisés sur les trois ou quatre stations rénovées chaque année pour les adapter aux PMR ?", interroge le référent.

"Les ascenseurs, c’est l’enfer"

Bien conscient de cette faiblesse, le conseiller régional délégué au handicap et administrateur d’IDFM Pierre Deniziot évoque l’ancienneté du métro, l’état "extrêmement dense" de la ville en surface, le respect des normes de sécurité et les coûts qu’engendreraient de telles rénovations. "Nous avons réalisé une étude sur la ligne 6 : l’estimation s’élève à près d’un milliard d’euros, pour une durée de travaux comprise entre six et dix ans", illustre-t-il.

Malgré ces obstacles, IDFM communique sur son souhait de "faire avancer les choses pas à pas" notamment sur les stations historiques du métro parisien. "Le travail est colossal, mais nous pouvons faire évoluer les choses. Nous tendons la main en ce sens à la mairie de Paris et à l’Etat", indique Pierre Deniziot. Du côté de la municipalité, Lamia El Aaraje assure qu’une demande sera faite "à la rentrée" afin d’enjoindre la région Ile-de-France à rendre publiques "les études qui ont été faites dans le cadre des JO sur le métro parisien", pour envisager de nouveaux travaux.

En attendant l’officialisation de tels projets, les PMR franciliens continuent de se rabattre sur les rares stations accessibles… Sous condition que les ascenseurs qui y mènent ne soient pas en panne. Le 13 août au matin, L’Express a ainsi décompté sur le site d’IDFM 80 machines hors service sur la totalité du réseau. Dans certaines stations, comme la gare de Gif-sur-Yvette (Essonne), d’Esbly (Seine-et-Marne) ou de Porte des Lilas (Paris intra-muros), la totalité des ascenseurs étaient même hors d’usage. "Des PMR se retrouvent ainsi bloquées dès le début ou à la fin de leur trajet, faute de machines en état de fonctionnement. Parfois, il faut quatre ou cinq jours pour les remettre en service, ce qui a d’énormes conséquences sur leur quotidien", regrette Annette Masson. "Les ascenseurs, c’est l’enfer", admet Lamia El Aaraje, qui indique contacter les ascensoristes "très régulièrement" pour "les sommer" de réparer leurs machines. "On est au maximum des pénalités qu’on peut leur imposer sur le sujet, mais cela reste très compliqué", explique-t-elle.

A tel point que certains visiteurs PMR, comme David, préfèrent tout simplement éviter de se déplacer en transports dans la capitale. Venu en tant que bénévole pour les JO, ce Strasbourgeois a emporté avec lui sa roue électrique, qu’il monte sur son fauteuil. "Sans ça, c’était mort", confie-t-il à L’Express. "Entre les trajets de deux heures en bus ou en tram et les ascenseurs bloqués, j’ai préféré rouler."

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