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OpenAI : ce que cachent les départs en série des fondateurs

C’est l’hémorragie. OpenAI voit ses fondateurs partir les uns après les autres depuis quelques mois. En août, John Schulman a annoncé son départ pour Anthropic, grand rival de l’entreprise de Sam Altman. Ce chercheur avait pourtant beaucoup œuvré à la sécurisation de ChatGPT, vérifiant que son fonctionnement était "aligné" avec les valeurs humaines. Au même moment, le président d’OpenAI, Greg Brockman, a annoncé qu’il prenait un congé sabbatique pour le reste de l’année. "Je m’accorde une pause pour la première fois depuis la création d’OpenAI […] J’ai fait passer OpenAI devant tout, y compris mon mariage, depuis neuf ans. Le travail que l’on mène est important pour moi, mais d’autres pans de ma vie le sont également", écrit-il sur X. Brockman est un des grands soutiens de Sam Altman – il avait d’ailleurs été comme lui abruptement démis de ses fonctions en novembre dernier, avant que le conseil d’administration ne rétropédale devant l’ire que ce "coup" avait provoqué. Sur X, il insiste sur le caractère temporaire de son congé. Mais l’annonce tombe mal, après une série de départs.

En mai dernier, une autre figure clef de l’entreprise avait déjà fait ses valises : Ilya Sutskever, le directeur scientifique d’OpenAI. Ce dernier avait justement soutenu le "coup" contre Altman fin 2023 avant de changer de position et d’appeler à son retour, en s’excusant platement. Il est parti monter Safe Superintelligence, une nouvelle entreprise visiblement très axée sur la sécurité de l’IA générative.

Andrej Karpathy n’aura, quant à lui, pas tenu bien longtemps. Ce chercheur avait déjà quitté une premier fois OpenAI en 2017, afin de prendre un poste chez Tesla. Mais il était revenu au bercail en 2023. Dès février 2024, il en est cependant reparti afin de monter une start-up d’IA appliqué à l’éducation, Eureka Labs.

Des fondateurs d’OpenAI, il ne reste décidément plus grand nombre aujourd’hui. Certes, plusieurs avaient quitté l’aventure entre 2016 et 2018, à une époque où OpenAI n’avait pas encore le succès qu’on lui connaît aujourd’hui. Mais cette récente vague de départs a fait drastiquement chuter le nombre de ceux encore à bord. Des onze ayant participé à la création d’OpenAI, il n’en reste aujourd’hui plus que… deux. Sam Altman, aux manettes de l’entreprise, ainsi que le chercheur Wojciech Zaremba. Il y a, du reste, eu d’autres départs remarqués, en dehors du cercle de cofondateurs, en particulier celui de Jan Leike, un des responsables sécurité d’OpenAI. Une surprenante fuite de cerveaux pour une entreprise censée être au faîte de sa gloire. Elle révèle deux choses.

Les tensions au sein d’OpenAI se révèlent

La première est que la manière dont OpenAI sécurise ses produits est loin de faire l’unanimité. Lors de son départ, Jan Leike n’a pas mâché ses mots, assurant que depuis plusieurs mois, son équipe avait "du mal à se faire entendre" et à obtenir la puissance de calcul nécessaire pour mener les travaux qu’il jugeait nécessaire. "Construire des machines plus intelligentes que l’homme est une entreprise par essence risquée. OpenAI assume une immense responsable au nom de l’humanité tout entière. Mais développer des produits tape-à-l’œil a pris le pas sur notre culture de la sécurité ces dernières années", a-t-il affirmé dans un post véhément sur X. Jan Leike a d’ailleurs rejoint Dario et Daniela Amodei, deux anciens d’OpenAI qui ont monté Anthropic, un concurrent direct de ce dernier, censé être plus investi dans la sécurité de l’IA.

Ces départs en série montrent aussi qu’Altman est pris à son propre jeu. Le dirigeant d’OpenAI ne s’est pas contenté d’exhiber les prouesses - bien réelles - de ses grands modèles de langage. Il a fait miroiter au monde l’arrivée imminente d’IA surpuissantes, bien plus intelligentes que l’humain. Une stratégie questionnable qui a participé à créer un prodigieux engouement autour de l’IA générative. Et a déclenché une intense guerre des cerveaux. Les talents de l’IA se font débaucher à coups de gros chèques. Et voient des investisseurs effrayés de rater le train de l’IA leur offrir les yeux fermés des financements généreux pour monter leur start-up. Pas simple de retenir ses employés dans ces conditions.

Dans les mois qui viennent, la frénésie autour des start-up IA devrait s’atténuer. Il devient de plus en plus clair que seule une fraction d’entre elles a de réelles chances de passer un jour le mur de la rentabilité. Les investisseurs ne signeront pas éternellement des chèques en blanc aux jeunes pousses. Et une concentration s’opérera. Elle a d’une certaine manière déjà commencé, comme le montrent les accords qu’Amazon, Microsoft et Google ont respectivement passés avec Adept, Inflection AI et Character AI.

OpenAI doit cependant rester sur ses gardes. Ces dernières années, le rouleau compresseur Microsoft a aplani sa route, en mettant à sa disposition de considérables ressources (puissance de calcul, financements, etc.). En tout, le géant tech a investi 13 milliards de dollars dans la pépite de l'IA en échange de 49% de ses parts. Depuis le mélodrame de novembre dernier, Satya Nadella a toutefois compris qu’il ne devait pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Microsoft a depuis investi dans le français Mistral AI ainsi que dans la start-up émiratie G42. Le groupe développe aussi ses propres IA (les mini-modèles Phi mais aussi MAI-1 un modèle de bien plus grande envergure selon The Information). En août, dans une déclaration à la SEC, Microsoft a d’ailleurs pour la première fois désigné OpenAI comme "un concurrent". La lune de miel est finie.

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