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Les 80 ans de la libération de Montluçon : 21 août 1944, le jour où la presse bascule

Le 21 août 1944 est une date bascule dans l’histoire de la presse locale. Le quotidien de Montluçon, de l’Allier et de la Creuse, Le Centre, fondé en 1848, vit son dernier jour de publication. Au même moment, Le Centre Républicain, à ne pas confondre, paraît sous la forme d’une simple " affiche ".

Ce " numéro spécial " informe la population de "la prise en main de la totalité des pouvoirs" par le comité départemental de la libération de l’Allier. Ce basculement de l’information est très facile à comprendre.

Une ligne résolument maréchaliste

Comme d’autres journaux, Le Centre a continué de paraître sous l’occupation allemande et son remplacement par une nouvelle presse issue de la Résistance sonne comme une évidence. " À partir de juillet 1940, Le Centre a adopté une ligne résolument maréchaliste ", analyse l’historien Jean-Paul Perrin.

Le journal, qui avait son siège au 11, avenue du… Maréchal-Pétain, l’actuelle avenue Marx-Dormoy, est dirigé par Henri Bouché, "un vieux Bonapartiste devenu républicain par raison", rapporte Georges Rougeron, le secrétaire du CDL. Jean Joussain du Rieu occupe le poste de rédacteur en chef. C’est lui qui imprime la ligne politique du journal."

Ses thèmes de prédilection étaient l’hostilité aux gaullistes, aux communistes et aux francs-maçons, jointe à une véritable haine de l’Angleterre et à une défense sans faille de la politique menée depuis Vichy.

 

 Avant guerre, Le Centre, qui sort dans l’après-midi, est un quotidien comme un autre qui publie de l’information sous la forme de petits échos. Il fait entre six à huit pages. "Il avait déjà une très forte coloration politique, souligne l’historien. Outre le fait d’être anti-communiste, il était un farouche opposant à Marx Dormoy et au Front populaire".

Après la débâcle de 1940, sa production se limite entre deux et quatre pages et la censure devient la règle. "Le ministère de l’information dictait les consignes. Comment il fallait couvrir un évènement, que devait être la grosseur du titre. Quand Marx Dormoy est assassiné, il n’y a que les faits bruts. Pas un seul commentaire".

Autre exemple, la bataille de Stalingrad, qui est un tournant de la guerre, ne sera pas traitée comme telle par le quotidien montluçonnais. Aux yeux du comité départemental de la libération, la poursuite de la parution du Centre ne peut pas être envisagée. C’est pourquoi, alors que les combats pour la libération de la ville ont débuté la veille, le CDL sort son premier numéro du Centre Républicain.

Le journal de la libération

Ce nouveau journal, qui fait deux pages recto verso, est publié clandestinement dans les locaux de l’école de Saint-Victor et tiré sur les presses de l’imprimerie du Centre à Montluçon. Très clairement, le CDL y appelle à un soulèvement de la population tout en donnant quelques consignes aux fonctionnaires et aux commerçants sur la marche à suivre.

En deuxième page, le quotidien titre "Salut à nos martyrs". Un premier hommage aux quarante-deux fusillés de la carrière des Grises dont "24 des assassinés du 14 août sur 42 ont pu être identifiés seulement à ce jour". Le Centre Républicain se présente dans son édito comme "Le journal de la libération".

"Les Allemands ont bu à la fontaine", se souvient Alain Bisson

"Après bientôt quatre ans de silence ou d’action clandestine, une voix libre s’élève dans l’Allier. […]. Placé sous la direction du comité départemental de la libération, il vous parlera chaque jour, dans la mesure de ses moyens, des grandes choses qui s’effectuent en ce moment et celles que nous allons faire ensemble". Les premières pensées du Centre Républicain vont vers les "soldats valeureux des FFI", les morts "tombés au combat et ceux martyrisés" et "nos compatriotes qui, bravant tous les dangers, ont apporté leur hospitalité et leur aide au travail illégal". 

Le préfet de l’Allier, Robert Fleury (au centre) s’est attiré les foudres des membres du comité départemental de la libération.  

Dans son quatrième numéro, daté du 27 août 1944, Le Centre Républicain précise sa ligne éditoriale dans un article intitulé "Ce que doit être votre journal". "C’est un journal fait pour le peuple, il doit être au peuple. Nous voulons qu’il représente l’opinion de la grosse majorité de la population"...

Lutte de pouvoirs entre communistes et socialistes

Il ne sera pas "un journal syndicaliste ou politique", assure le rédacteur. Et pourtant, très vite, deux tendances se dessinent. L’une émane du Front national (communiste), l’autre du Mouvement de libération nationale (socialiste).

Un accord est trouvé entre les deux organes politiques pour se partager les éditoriaux à tour de rôle. Un jour, le socialiste Roger Tuélais prend la plume. Le lendemain, le communiste Marceau (Pierre Berké) est à la manœuvre. Les deux partis sont "d’accord pour dire que l’épuration est trop molle à leur goût", observe Jean-Paul Perrin. D’où "une lettre ouverte" au vitriol adressée, le 3 janvier 1945, au préfet de l’Allier, Robert Fleury, accusé de faire preuve de faiblesse et dont le CDL demande carrément la démission.

 

Cette belle unité, malgré des éditos souvent contradictoires ou polémiques, vole en éclats à l’approche des élections municipales des 29 avril et 13 mai 1945 malgré la mise en garde du CDL. "Les quotidiens Le Centre républicain et Valmy (communiste) ne seront pas ouverts aux polémiques électorales". Il n’en est rien. La tension entre communistes et socialistes monte d’un cran et le CDL doit revenir à la charge, le 21 avril 1945, pour dire que le quotidien doit "s’en tenir à l’insertion des listes de candidats sans les programmes". Le 10 août 1945, Le Centre Républicain devient "l’organe de la démocratie socialiste bourbonnaise". Les communistes sont écartés, ils prendront en mains Valmy. 

Fabrice Redon

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