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Hezbollah, l’ennemi éternel d’Israël… mais pas seulement ! Par Frédéric Encel

Autant la cause défendue par l’Autorité palestinienne (du moins quand son quasi-nonagénaire président à vie ne tient pas de discours négationnistes ou diffamatoires au siège de Ramallah) est juste, légitime et légale en droit international, autant celle défendue par le Hezbollah est injuste, moralement illégitime et illégale. Un Etat palestinien souverain au côté de l’Etat d’Israël et non en lieu et place demeure la perspective préconisée par l’ONU et l’esprit des accords d’Oslo, la gauche israélienne, les Palestiniens modérés, les femmes et hommes d’Etat et les simples citoyens épris de paix à travers le monde, ainsi que par l’auteur de ces lignes.

Créé ex nihilo par la fanatique République islamique d’Iran, en 1982, le Parti de Dieu n’a jamais cessé de prôner la destruction d’Israël. Non seulement, il ne reconnaît pas son droit à l’existence (ni même, simplement, l’existence du peuple juif, la marque suprême des antisémites forcenés), mais guerroie-t-il contre lui sous deux motifs fallacieux. Le premier, ce sont les fermes de Chebaa, cet arpent de terre inhabité qui appartenait à la Syrie avant la guerre des Six Jours, en 1967, et la conquête du plateau du Golan par Tsahal, et que donc seul Damas pourrait revendiquer, ce qu’il se garde bien de faire…

Second massacre de Sabra et Chatila

Le second prétexte est la cause palestinienne à laquelle il s’est converti opportunément. En fait, la République islamique d’Iran ne reconnaît même pas le culte sunnite sur son sol (tous les Palestiniens sont sunnites), et son féal le Hezbollah instrumentalise la "cause" de ceux qu’il massacra par centaines à Sabra et Chatila en 1985, soit trois ans après la tuerie de 1982 perpétrée par les phalangistes chrétiens en zone israélienne.

Las, on se souvient infiniment moins de la seconde que de la première… Depuis le terrible pogrom du 7 octobre 2023 perpétré par le Hamas en Israël, le Hezbollah mène un harcèlement quotidien au prétexte de soutenir ici Gaza, là la "libération d’Al-Quds" (Jérusalem). Que Hassan Nasrallah, son chef, soit prêt à sacrifier ses nervis pour les Palestiniens est fort touchant mais masque mal sa double contradiction totale : même lors du meilleur du processus d’Oslo, de 1993-1996, et après le retrait total d’Israël de la zone de sécurité, en mai 2000, l’appel au meurtre collectif demeura, l’Etat juif devant disparaître.

Cette posture obsessionnellement anti-israélienne et antisémite – la justice argentine a désigné cette année le Parti de Dieu comme auteur du massacre d’une centaine de juifs à Buenos Aires, en juillet 1994 – doit permettre d’occulter plusieurs réalités gênantes. D’abord, il n’a jamais respecté l’accord de Taëf, signé en 1989 sous l’égide de l’Arabie saoudite pour mettre fin à la guerre civile libanaise enclenchée en avril 1975. Cet accord imposait à toutes les factions et partis de se désarmer : tous obtempérèrent sauf le Hezbollah et, un tiers de siècle plus tard, il dispose de plusieurs dizaines de milliers de missiles, de milliers de soldats aguerris dont beaucoup ont sauvé in extremis le pouvoir du despote sanguinaire syrien pro-iranien Bachar el-Assad, ainsi que de drones modernes en quantité. Ensuite, il n’a jamais respecté la résolution onusienne 1701 lui imposant, à la suite du conflit de l’été 2007, de maintenir ses forces au nord du fleuve Litani. Nombre de Libanais l’accusent d’importer indûment la guerre pour servir ses propres postures et intérêts.

D’ailleurs, représente-t-il au moins le Liban ? Non, il le vampirise, via ses trafics internes et externes et, non content de favoriser sa propre communauté (à l’instar des autres formations, hélas), il impose sa prédominance dans les zones portuaire et aéroportuaire de Beyrouth, rendant plus exsangue encore la vie socio-économique de millions de Libanais, qui attendent toujours l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth, en août 2020, ainsi que sur la mort ou la disparition de centaines d’élus et de simples citoyens.

Idem pour la vie institutionnelle. Bien que prétendant représenter la plupart des chiites du Liban, ceux-ci ne constituent qu’une minorité parmi les autres : le Hezbollah ne détient que 41 des 128 sièges que compte la Chambre des députés libanaise. Avec force chantages et menaces, il entrave ainsi la tenue d’un scrutin présidentiel qui ne lui serait sans doute pas favorable (seul un maronite peut devenir président, nombre d’entre eux rejetant l’inféodation au mouvement armé chiite). Enfin, on ne rappellera jamais assez sa responsabilité dans l’assassinat de 58 soldats français venus protéger les civils libanais, en 1983. L’ennemi universel…

PS : On lira avec profit de Christophe Ayad Géopolitique du Hezbollah, PUF (coll. "Géopolitiques"), 2023.

Frédéric Encel, essayiste et géopolitologue, est professeur à la Paris School of Business et maître de conférences à Sciences Po.

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