Crise de l'hôpital : les raisons de la colère des internes en médecine
Les hôpitaux français devront compter avec environ "un millier" d’internes en moins à l’automne, selon Lucas Poittevin, président de l’Association nationale des étudiants en médecine (Anemf). En cause, une réforme du concours - visant à mieux évaluer les compétences pratiques et le parcours - est entrée en vigueur cette année et "deux cohortes d’étudiants" cohabitaient : ceux concernés par les nouvelles modalités d’examen et d’autres étudiants "affiliés à l’ancien système", qui ont redoublé après avoir échoué en 2023.
Les internes sont des étudiants de fin de cycle de médecine, exerçant à plein temps à l’hôpital ou en ambulatoire, sous la responsabilité d’un médecin senior. Pour accéder à l’internat, les étudiants passent un concours en sixième année. Le classement y joue un rôle déterminant, car il leur permet de choisir, en fonction du rang obtenu, la future spécialité et la ville dans laquelle ils effectueront l’internat. Selon le Journal officiel, 7 974 postes ont été ouverts pour la nouvelle promotion d’internes qui commencera à exercer en novembre, contre 9 484 l’année dernière, soit 1 510 de moins (-16 %). Ces derniers seront affectés via "une procédure distincte".
Note éliminatoire
Le gouvernement "n’a pas fait le choix de diminuer" le nombre de postes, a expliqué mardi dans Ouest-France le ministre délégué à la Santé démissionnaire, Frédéric Valletoux. Ce nombre a baissé proportionnellement au nombre d’étudiants inscrits au concours.
Raison de ce décrochage : la fameuse réforme, qui introduit pour la première fois une note éliminatoire à l’écrit, et une épreuve orale. Une partie de la promotion (7 % contre 3 % habituellement selon la Conférence des doyens de médecine) a stratégiquement décidé de redoubler sa cinquième année, pour ne pas essuyer les plâtres du nouveau concours. Selon le gouvernement, environ 2 % des candidats ont échoué aux épreuves. Un chiffre similaire aux autres années.
Plus de charge pour les médecins en poste
Une pétition en ligne lancée par Hélène Hérubel, étudiante parisienne, et signée par près de 20 000 personnes, dénonce une "profonde injustice" pour la promotion 2024. Ces étudiants, qui rêvent d’une spécialité depuis des années (chirurgie, cardiologie, ORL…), estiment avoir été insuffisamment préparés aux nouvelles modalités, modifiées au milieu de leur cursus, et demandent au gouvernement de rouvrir des postes dans les spécialités très prisées.
Selon plusieurs syndicats, les internes représentent 40 % de l’effectif médical hospitalier et leur diminution risque encore d’alourdir la charge de travail et les gardes des praticiens en poste. Les professionnels "se demandent comment ils vont faire tourner leurs services" alors que "les internes travaillent 59 heures/semaine en moyenne", explique Guillaume Bailly, président de l’Intersyndicale nationale des internes (Isni). "Cette baisse peut inquiéter mais ce n’est pas un effondrement", ce chiffre "va normalement se rétablir" dès l’an prochain, avec l’arrivée des redoublants, a estimé mardi sur France Inter Arnaud Robinet, président de la Fédération hospitalière de France (FHF).