[Rentrée littéraire 2024] 8 nouvelles plumes à découvrir
Kaveh Akbar, Martyr ! (Gallimard/“Scribes”)
Difficile de croire que Martyr ! est un premier roman tant il brille par sa maîtrise, son humour et sa profondeur. Pourtant, le poète irano-américain Kaveh Akbar signe bien là son entrée en littérature avec ce conte tendre, mordant et parfois absurde sur un jeune homme paumé qui décide d’écrire sur les grands martyrs de l’Histoire. Une éblouissante fable sur l’identité, l’écriture, la filiation et le deuil. Un auteur à suivre absolument.
Eliot Ruffel, Après ça (Éditions de l’Olivier)
Eliot Ruffel n’a pas encore 25 ans et signe avec Après ça un premier roman remarquable, qui met en scène l’amitié entre deux lycéens le temps d’un été. Ils boivent, se baladent le long de la jetée et s’ennuient ensemble. Sous forme de monologue intérieur, ce texte sensible et mélancolique explore les impasses de la masculinité et les moyens de s’en extraire. Et tisse une langue très poétique et pudique autour de tout ce que les adolescents ne réussissent pas à se dire.
Safiya Sinclair, Dire Babylone (Buchet-Chastel)
Dans ce premier roman autobiographique, qui a reçu un accueil triomphal outre-Atlantique, la poétesse Safiya Sinclair raconte son enfance et son adolescence dans une famille rastafari. Elle explore surtout sa relation difficile avec un père qui attendait d’elle une totale soumission à son autorité. Son récit est particulièrement fascinant dans le portrait complexe qu’il dresse de la Jamaïque, pays gangrené par les séquelles de la colonisation et par le tourisme blanc.
Louise Bentkowski, Constellucination (Verdier/“Chaoïd”)
C’est un texte fragmentaire échafaudé à partir d’un nom. Louise Bentkowski dit vouloir “fouiller le passé et l’histoire de cette fiction de famille, chercher loin d’[elle], dans d’autres cultures, d’autres mythes et coudre ensemble tout cela”. La primo-romancière tisse ainsi des éléments disparates pour construire une réflexion particulièrement novatrice sur l’identité, en partant d’ancêtres nomades sédentarisé·es de force dans la vallée de Bentkowski et de légendes du monde entier qu’elle fait siennes.
Clément Ribes, Mille Images de Jérémie (Gallimard/“Verticales”)
La cristallisation amoureuse, chère à Stendhal, est un thème vu et revu en littérature. Pourtant, dans son premier roman, Clément Ribes réussit à en proposer une variation nouvelle et enthousiasmante. Dans ce texte en fragments, le narrateur s’évertue à recomposer l’image fidèle d’un amant fuyant à partir de souvenirs minutieusement décrits. Avec une écriture d’une grande finesse qui alterne sérieux et distance ironique, Ribes met des mots sur nos solitudes contemporaines.
Dalya Daoud, Challah la danse (Seuil/“Le Nouvel Attila”)
Dans les années 1990, une usine textile en marge d’un village loge ses employé·es dans un petit lotissement. Pour son premier roman, la fondatrice de l’édition lyonnaise de Rue89 choisit de nous restituer le quotidien de ces familles venues du Maghreb. À contre-pied des clichés sur l’immigration, elle décrit avec empathie ses personnages, particulièrement les adolescent·es, et pose un regard sociologique sur cette zone périurbaine où se côtoient villageois·es, propriétaires de villas et ouvrier·ères.
Manon Jouniaux, Échappées (Grasset)
À l’écart d’un village, une châtaigneraie abrite une communauté de femmes et leurs enfants. Elles ont fui la violence de leurs hommes et s’organisent sous la direction d’une matriarche qui les accueille. Sophie et sa fille ont atterri ici il y a longtemps, mais aujourd’hui l’adolescente veut découvrir le passé de sa mère. Ce premier roman, qui met en scène des enfants élevé·es en marge du monde, aborde des thématiques très actuelles sous une forme proche du conte.
Anouk Schavelzon, Le bleu n’abîme pas (Seuil/“Fiction et Cie”)
Être une jeune femme métisse aujourd’hui. Dans ce premier roman, une narratrice raconte son quotidien à Paris. Dès les premières pages, on est saisi·e par la phrase nerveuse de Schavelzon, qui décrit au plus près les regards, les postures, et analyse la charge érotique que ce simple mot de “métisse” transporte dans l’imaginaire de certains hommes blancs. Et ce beau texte hybride, mêlé de souvenirs d’enfance, est aussi une réconciliation de la narratrice avec elle-même et son histoire aux origines multiples.