Rock en Seine accorde décibels et handicaps
Dans la nuit de jeudi à vendredi, trois chansigneurs, sur un côté de la scène de Gossip, et retransmis sur grands écrans, se sont relayés pour transposer en langue des signes le show du groupe américain.
Une vraie performance: vêtus cuir et queer, ces deux femmes et cet homme se déhanchent au son des guitares, "traduisant" les chansons et les embardées de la chanteuse Beth Ditto, qui explique ainsi au public, après une gorgée de bière, qu'elle va veiller à ne pas roter pendant la chanson suivante.
"Comme la plupart des festivals avec qui on travaille, ce sont les festivals qui proposent aux artistes s'ils sont intéressés pour être chansignés. Et là, Gossip a répondu présent", explique à l'AFP avant le show Aurélie Nahon, cofondatrice et chansigneuse du collectif 10 Doigts En Cavale.
Un concert intégralement chansigné, c'est une première pour Rock en Seine, qui avait testé 10 Doigts En Cavale pour quelques chansons de Zed Yun Pavarotti l'an passé.
"Grande écoute"
Aucun trac, assure Aurélie Nahon: "Parfois les petites salles de théâtre sont plus intimidantes qu'une foule où on ne voit que des têtes, sans forcément voir les regards braqués sur nous".
Les données chiffrées des malentendants susceptibles d'avoir assisté au concert n'existent évidemment pas. Libres de se déplacer sur le festival, on ne peut les comptabiliser, contrairement à des personnes à mobilité réduite accédant aux plateformes dédiées.
Pour ce qui est du service proposé par les souffleurs d'images, deux personnes avaient réservé pour un concert dimanche (quatre bénévoles par jour sont présents sur site). "Depuis cette saison, on a lancé une nouvelle discipline, le soufflage en festival, on a formé ces bénévoles. Et c'est dans ce cadre-là qu'on a noué ce partenariat avec Rock en Seine", expose à l'AFP Victor Dobin, responsable de cette spécialité au sein de l'association Souffleurs de Sens.
Il note "une plus grande écoute des structures culturelles en général" sur les questions de handicaps, rejoignant le constat d'Aurélie Nahon, qui voit une nette évolution "depuis cinq ans".
"On remarque une appétence pour la question de l'accessibilité, notamment avec les jeunes équipes, aujourd'hui, dans les lieux culturels", développe Victor Dobin. Avec un gros coup de projecteur à la faveur des Jeux paralympiques de Paris (28 août-8 septembre), la flamme paralympique passant d'ailleurs dimanche soir par le festival.
"Pauses sociales"
"On en parle plus, on en parle aussi beaucoup plus librement et surtout on donne la parole aux personnes concernées en cette période de Jeux paralympiques, ça aide forcément le grand public à, au moins, s'interroger sur la question du handicap", synthétise Victor Dobin.
"Pour un festival, on ne chuchote pas (rires). En fait, l'expérience de souffler dans des lieux où il y a beaucoup de bruit, on l'a déjà eu avec souffleurs de sport, où on accompagnait des matches de rugby", précise-t-il.
Et cette année, Rock en Seine s'est aussi associé avec Jilu, boutique en ligne spécialisée dans les jeux et outils ludiques adaptés à l'apprentissage et la rééducation d'enfants, d'adolescents et d'adultes concernés par troubles autistiques, troubles cognitifs, déficience intellectuelle, etc.
Résultat: trois espaces de "pauses sociales", dont un dans l'enclos mini-rock ouvert au 6-11 ans. Soit des bulles de calme, coordonnées par l'association APF France Handicap, pour oublier les guitares le temps de recharger ses batteries.
"C'est destiné aux personnes en situation de handicap qui ont des besoins plus forts là-dessus mais ouvert à tous ceux, bien sûr, qui auraient envie de se réfugier un petit peu dans ces espaces quand il y a beaucoup de musique, beaucoup de bruit, une foule etc", dépeint à l'AFP Marie-Caroline Baraud, fondatrice de Jilu.