Nicolas Barberon, croqueur de concerts
Le live ça se vit. Le quinquagénaire n'est pas du genre à s'asseoir loin de la scène. Il est dans les premiers rangs et tant pis, ou tant mieux à l'entendre, si ça remue.
"Quand je suis assis, je ne capte pas l'énergie. Debout dans le public, de près, on est toujours en tension. Ce qui est intéressant, c'est aussi les accidents, les gens qui te bousculent", brosse-t-il pour l'AFP.
Des giclées de champagne venues de musiciens ou de bière émanant du public finissent parfois intégrées au résultat final. "En fait, tu te dis que ça raconte le concert", philosophe celui dont le vrai métier est graphiste dans une maison d'édition de BD et qui a occasionnellement croqué le Hellfest ou la Fête de l'Huma pour le journal Le Monde.
"Plein de gens me demandent +mais tu profites du concert ?+, mais oui je suis vraiment comme n'importe quel fan". L'AFP l'a vu, en bord de scène à La Maroquinerie à Paris, vibrer entre deux coups de crayon, petite lampe entre les dents pour éclairer son trait, au concert de Delgres.
"Tronche"
La barbe épaisse du dessinateur n'a pas échappé à ce groupe de blues-rock tellurique. "C'est bien ce qu'il fait, en plus il a une tronche, t'as envie de le croquer lui", s'amuse pour l'AFP le guitariste et chanteur Pascal Danaë.
"C'est intéressant de voir ce qu'il fait, bon, il m'a fait prendre un peu de poids sur son dessin", s'esclaffe à ses côtés le batteur Baptiste Brondy, charpenté au naturel.
Le plaisir du croqueur transpire dans ses dessins, comme on peut le voir sur son site web qu'il a créé en 2012 et sur ses réseaux sociaux, sous le nom de "Croque and roll live". Des comptes qui vivent grâce à une tribu de neuf passionnés: un autre croqueur, des rédacteurs, rédactrices et correctrices pour les textes.
Et quand le croqueur principal se fait "chier à un concert, bah, les dessins sont ternes". S'il est "dans le truc", Nicolas Barberon couche des choses "qu'on ne ferait jamais chez soi, tranquillou, sur sa table à dessin". "Je me souviens, pour FFF (rock intense, NDLR), j'entends l'intro du morceau +Barbès+, et là, c'est la fulgurance" salive-t-il encore.
La musique est arrivée avant le dessin. Gamin, il vit son "premier choc électrique avec AC/DC". "J’entends +Highway to hell+ et là, tout à coup, c'est +que se passe-t-il dans mon corps ?+".
"Dans le métro"
Il avait d'ailleurs acheté son billet pour leur passage à Paris la semaine dernière. Des spectateurs coiffés des célèbres cornes de diablotin, produit phare du merchandising du groupe de hard rock, ont évidemment fini dans ses carnets.
Puis sont venues, enfant, les premières BD que son grand frère achetait, "Michel Vaillant, Ric Hochet, tous les classiques". Pendant sa scolarité, le dessin le démarque. "T'es pas forcément le beau gosse, t'es pas forcément le mec qui a tout dans la tête, mais t'as ce truc-là, tu te dis, +bon, on va le cultiver+".
"Plus tard, aux arts appliqués, les profs nous disaient souvent de dessiner tout le temps, n'importe quoi. Bien sûr, c'est ce qu'on ne fait pas quand on fait ses études, mais une fois qu'on en sort, on se dit +bon, c'est pas si con que ça+", lâche-t-il. "Comme je prenais les transports, j'ai commencé à croquer dans le métro".
Le livre "De lignes en ligne, l'art discret du croquis dans le métro" (éditions Eyrolles) compile certains de ces instantanés.
Un soir, à voir "s'agiter" un groupe sur scène, le dessinateur se dit que "ce serait pas mal d'essayer de capter le mouvement". Mot qui résume bien son trait.