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Le chant du Kazoo

Pour sa dernière carte postale de l’été, notre chroniqueur se souvient de la nostalgie au goût du curaçao de Paolo Conte.


Voilà, c’est fini. Les agapes olympiques sont un émouvant souvenir. La vasque ne fume plus, la piste violette du Stade de France attend désormais les paralympiens. La rentrée est là, à un ticket de péage, elle toque à nos portes d’un poing levé ; les ministrables n’ont jamais été aussi friables ; les cabinets se forment et se déforment au gré de la rumeur élyséenne en cette fin du mois d’août ; les grèves s’impatientent et les touristes ont la mélancolie d’un Paris couleur bleu gendarmerie. Les vacances finissent mal en général. Car la perspective d’y retourner, au boulot, dans le métro, au bureau ou sous un préau est insoutenable pour les Hommes de cœur.

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Alors, on se raccroche au bluesman d’Asti, le chanteur au kazoo à gueule de fumetti, l’avocat syllabique de la poésie italienne que l’on avait presque oublié après son succès planétaire « Via con me », peut-être son titre le moins persuasif, le moins transgressif, mélodie trop aseptisée qui effleure à peine le génie de cet artiste né en 1937. Nous n’étions pas en froid. Aucunement fâchés. Simplement à distance, je ne l’écoutais plus comme je ne lis plus les romans de Fajardie. Et puis, j’ai eu une révélation. Ce Corto Maltese des piano-bars m’était atrocement familier.  Toute mon horloge biologique s’est remise en marche. Elle se souvenait de tout. De ses mots, de ses formules, de ses emprunts à la langue française et anglaise, de son art déclamatoire éraflé, de cette écriture musicale qui retient la lente érosion des sentiments, qui raconte la complainte des gens malheureux. Tout m’est revenu d’un coup comme après une longue absence. On aime Paolo Conte pour la vie. On renage avec lui, on repédale avec lui, comme au premier jour. Tout était intact et mystérieux, là où je l’avais abandonné, il y a quarante ans. C’était hier, nous traversions une forêt du Berry pour nous rendre au lycée en voiture. L’autoradio de ma mère qui n’avait rien de philarmonique crachait des sonorités nouvelles et des aphorismes merveilleux que je ne comprenais pas. Paolo Conte distillait dans son alambic à mots les éclats d’un monde insoupçonné. Je m’amusais à prononcer à haute voix « Sparring Partner » avec l’intonation piémontaise. C’est parce que je ne comprenais pas tout, que les rébus du jazzman pénétraient si aisément dans mon cerveau. Je ne me lassais pas de les réciter dans ma tête, de les faire macérer pour qu’ils produisent des images incongrues. Paolo Conte faisait de la littérature, de la grande littérature, sans le savoir.

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Depuis deux semaines, à nouveau, je fais rouler dans ma bouche ces sortes de saillies mi-drolatiques, mi-désespérées. Mes nuits sont enchantées par des apparitions célestes. Je m’endors en rêvant à « Il nostro amico Angiolino », à un certain « Mocambo », j’ai une envie soudaine d’« Un gelato al limon », je partirai bien demain pour « Timbuktu ». Paolo Conte déplie tout son bazar, il y a Bartali, Hemingway, une Topolino amaranto, il nous parle de Parigi et d’impermeabili. Il se situe entre Celentano et Dante. Pour mieux cerner sa personnalité et revenir sur sa carrière, je vous conseille de regarder le documentaire Paolo Conte, via con me datant de 2020 depuis peu disponible en VOD sur Orange (en version sous-titrée). Il est signé Giorgio Verdelli et rend hommage durant 1 h 40 à cet interprète qui conquit l’Europe entière, notamment la France et les Pays-Bas. Ce film vaut pour la qualité des célébrités qui évoquent leur amitié et leur admiration pour le chanteur. On y croise Jane Birkin, Roberto Benigni qui surnomme Paolo Conte, le prince, Luca Zingaretti (Commissaire Montalbano à l’écran et grand fan), Isabella Rossellini, Patrice Leconte, Caterina Caselli ou encore la comédienne Luisa Ranieri. Ce parfum d’Italie vous guérira des affres de la rentrée.

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