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Contrôle des IDE : le projet de législation européenne ciblant les nouvelles technologies pourrait manquer son but

Lemoci 

Alors que Bruxelles souhaite mieux contrôler les investissements directs étrangers (IDE) en Chine dans des secteurs aussi sensibles que l’IA et les biotechnologies, les entreprises européennes voient d’un mauvais œil la perspective d’un système de filtrage des IDE sortants. Par ailleurs, s’il venait à être mis en place, ce dernier pourrait manquer sa cible et ne pas empêcher Pékin de développer ses capacités militaires.

L’Union européenne (UE) emboîterait-elle le pas des Etats-Unis ? C’est en tout cas l’esprit du projet sur « la sécurité économique » que la Commission a dévoilé en janvier dernier. Objectif : éviter que des technologies sensibles servent à nourrir le complexe militaro-industriel chinois et ainsi fragiliser un peu plus la sécurité du monde.

Cette démarche s’est déjà concrétisée outre-Atlantique où, depuis août 2023, un décret présidentiel impose une notification à l’administration américaine des investissements privés dans les semi-conducteurs, l’informatique quantique et l’intelligence artificielle (IA).

Sans surprise, la perspective de la mise en place d’un système de contrôle a provoqué une levée de boucliers parmi les entreprises européennes du secteur des nouvelles technologies. Pour l’Association française des entreprises privées (Afep), qui représente les 100 plus grandes entreprises tricolores, « les problèmes de fuites technologiques relèvent de la responsabilité pleine des entreprises », relaye un article des Echos. Principaux arguments de ce lobby : ces entreprises se sont déjà prémunies contre les possibilités de fuites technologiques, et un contrôle ne devrait concerner que les technologies à double usage civil et militaire et les investissements minoritaires ne donnant pas de droit de vote.

Des IDE majoritairement réalisés avec des partenaires chinois

 

Qu’en est-il concrètement de ces IDE dans les nouvelles technologies en Chine ? L’Institut français des relations internationales (Ifri) les a passés au peigne fin sans quatre secteurs (IA, biotechnologies, semi-conducteurs et quantique) et comparés avec les investissements américains, dans une étude parue en juillet. Il en ressort qu’un système de filtrage pourrait bien ne pas atteindre son but. Premier constat : européennes ou américaines, les entreprises investissent rarement seules (17 cycles d’investissement « 100 % européens » sur un total de 93 entre 2019 et 2023.

« Même les cycles de financement avec d’autres investisseurs, américains (4) ou autres (3), mais sans la Chine, sont très rares, constate l’Ifri. Dans la grande majorité des cas, les investisseurs européens sont présents aux côtés d’investisseurs chinois, parfois uniquement (26) et parfois avec également des investisseurs américains (20) ou d’autres nationalités (23). »

Deuxième observation : si le secteur de l’IA domine ces IDE (64 transactions sur la période, majoritairement dans l’automobile), les investissements dans les biotechnologies et les semi-conducteurs sont beaucoup plus modestes, avec respectivement 25 et 11 transactions.

Cartographier les risques avant de légiférer

 

Bien que mentionné dans le Livre blanc de la Commission européenne sur le sujet, les chercheurs de l’Ifri n’ont répertorié qu’un seul investissement européen dans le quantique chinois entre 2003 et 2023 (l’investissement de la filiale italienne du fond britannique Amber Capital dans Siliang Intelligence Technology en 2022).

Enfin, troisième conclusion de cette étude : américaines ou européennes, 75 % des transactions sont réalisées aux côtés de partenaires chinois et plus de 75 % des transactions sont réalisées par un investisseur chinois. « L’impact concret de toutes restrictions sur les investissements européens ou américains sur le développement de ces technologies en Chine sera donc nécessairement limité », estime l’Ifri.

Par ailleurs, alors que les Etats-Unis poussent Bruxelles à légiférer et à leur emboîter le pas, la situation des IDE européens apparaît différente, selon les conclusions de cette étude qui « met en avant la réalité d’une intrication entre les investisseurs américains et certaines entreprises chinoises étroitement liées à l’armée ou aux efforts de surveillance de masse du gouvernement, qui semble effectivement contraires aux intérêts américains ».

Surtout, les chercheurs de l’Ifri soulignent « la complexité et l’opacité de ces flux internationaux ». Et ils préconisent, avant de mettre en place un système de restriction, d’aller vers plus de transparence de la part des entreprises afin de dresser un cartographie précise des risques.

Sophie Creusillet

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