Pic du Midi d'Ossau ... double dose
Durée : 22 et 23 août 2024
Discipline : alpinisme
Lieu : Pic du Midi d’Ossau
Voie : Pointe Jean Santé : Flipp matinal (250m/TD+) / Eperon Est (400m/TD+)
Encadrants : Jordi CHINAUD / Alexis COURNET
Participants : Antoine.
Conditions météo : chaud.
Lien photos :
https://photos.app.goo.gl/BruZZaqDyARh2gPy8
Descriptif général :
A la suite d’une sublime voie historique ancrée dans la face nord du Pic du Midi d’Ossau gravie au cours du mois de juillet (éperon nord intégral du Petit Pic), le motif de cette deuxième visite estivale de la muraille de Pombie est de porter notre choix sur une voie davantage moderne et sportive en face sud.
Plus précisément, l’objectif de cette sortie est de se mesurer à deux belles lignes toutes deux abritées dans la pointe Jean Santé, la voie Flipp Matinal et la voie Eperon Est.
Notre cordée est constituée de trois grimpeurs, Jordi, Antoine et Alexis. La confiance et la connaissance mutuelle de chacun autorise de postuler raisonnablement à la répétition de ces deux lignes classiques mais toutefois ambitieuses.
Nous édifions le bivouac sur les pentes confortablement enherbées de l’espace dédié autour du refuge de Pombie. Nous yeux parcourent avec un mélange aigre doux d’impatience et d’appréhension l’itinéraire à suivre perdu dans les infinis méandres de la face sud du Pic. Le terme de « face » est un qualificatif qui pourrait s’apparenter comme impropre et dépréciatif. Il s’agirait plutôt d’un vaste chaos formé par de larges fissures dantesques, des toits abrupts et saillants, des blocs géométriques colossaux, formes sévères et magnifiées par une palette de couleurs fauves allant de l’impressionnant orange ocre à l’acide jaune moutarde.
Aux premières lueurs de l’aube, nous nous dirigeons vers le pied de la citadelle de rocs rendus incandescents par un soleil matinal pur et déjà intense. Nous devons nous atteler à la résolution du premier problème, celui du franchissement d’une double fissure (6b) atypique et athlétique qui a probablement inspiré l’ouvreur empreint d’une certaine crainte lors de ce passage. Le ton est donné. La paroi incorruptible force désormais le corps à l’effort. Si l’esprit comprend où passer, c’est bien aux mains et aux pieds de saisir durement les prises afin de se hisser, tout en plaçant, à bon escient, ses protections (friends) prodigieusement salutaires. Ce corps à corps minéral ne faiblit guerre d’intensité. Soudain, une difficulté fait jour concernant un point de choix dans l’itinéraire. Des contradictions incompréhensibles dans nos guides-parchemins (topo) nous orientent vers des impasses angoissantes. S’il est peu conseillé de s’égarer de l’itinéraire lorsque l’on évolue, comme c’est le cas ici, au sein d’une paroi raide et exempte d’emplacements pour poser ses points, il est encore plus funeste de tenter de désescalader ces mauvais pas exécutés. L’aventure en paroi raide n’est pas une affaire de symétrie. L’ascension erratique n’autorise pas nécessairement de revenir en arrière. Nous tentons de rechercher au mieux les passages les plus faciles suggérés par nos papiers. C’est peine perdue hélas. Nous décidons d’éviter la fuite en avant dans ce dédale vertical austère et lorgnons sur les lignes de rappel décalées mais néanmoins accessibles pour nous ramener sur la terre ferme. C’est chose faite. Sur le retour, nous tentons de comprendre les raisons de notre échec. Comprendre en vue de réitérer cette même ascension un jour prochain ? Comprendre afin d’interroger nos compétences de lecteur de terrain ? Comprendre pour amadouer le sentiment de s’être trompé ? Après des recherches ultérieures, nous apprendrons que de nombreuses cordées ont buté ici, au début de la quatrième longueur.
Le lendemain matin, faisant table rase de notre intense ascension écourtée, nous nous dirigeons vers le début de la grande vire de Pombie Suzon. Cette imposante ligne de faiblesse nous permet de prendre pied à l’attaque de l’éperon Est de la pointe Jean Santé. Un soleil radieux illumine les feux multicolores du sommet de la Main de Pombie. Nous évoluons avec joie et mus par l’envie de parvenir à la fin de notre deuxième projet. L’itinéraire est, à l’inverse d’hier, plus clair et jalonné de quelques précieux pitons, bienfaisant pour le cœur. En effet, la présence ponctuelle et raisonnée de ces clous d’acier patinés prodigue une forme de soulagement et d’encouragement. L’itinéraire est habile et lisible, comme si les forces telluriques de la Nature s’étaient miraculeusement abaissé à satisfaire le curieux désir de l’homme de gravir les montagnes et de s’élever vers le ciel.
Puis, nous voilà au pied de la septième et dernière longueur. Une longue et intransigeante ligne brisée défigure la platitude de la face minérale qui s’oppose à notre progression. En dehors de cette fracturation imposante, point de salut. La face est à la fois raide et pourvue d’un lichen incompatible avec l’adhérence de nos chaussons. L’esprit pactise déjà avec les variations de cette ligne, l’œil depuis le bas tente de dénicher les défauts si précieux de ce fin espace de vide. Nous décidons d’empoigner sans plus attendre ce chef d’œuvre minéral. La ligne de fracture impose des positions du corps extrêmes et des improvisations subtiles de chaque geste. La jubilation interne de parcourir cette ligne ne pourra éclater que lorsque toutes les difficultés auront été franchis, que lorsque le corps aura rétabli subtilement son équilibre sur le dernier rocher, lorsque le baudrier sera enfin solidaire de la chaîne libératrice du relais tant convoité. Quelle ligne ! Quelle grâce ! Quelle ivresse !