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Violences conjugales : cinq ans après le Grenelle, "on continue à compter nos mortes"

A la rentrée 2019, une série de tables rondes avait rassemblé pendant trois mois associations et responsables politiques autour de ces violences physiques, économiques, psychologiques dont sont victimes plus de 240.000 personnes, à 86% des femmes, selon les derniers chiffres du ministère de l'Intérieur.

Au total, 46 mesures avaient été annoncées et une partie d'entre elles rapidement mises en oeuvre, dont les téléphones "grave danger", les bracelets anti-rapprochement, l’extension des horaires du numéro d’urgence 3919, l’ouverture de nouvelles places en hébergement d’urgence, la délivrance accélérée d'une ordonnance de protection ou encore la formation des policiers et gendarmes.

"Le Grenelle a provoqué une véritable mobilisation et une sensibilisation autour du sujet des violences conjugales, cela a été très positif et on a pu le constater très vite", se rappelle auprès de l'AFP Ernestine Ronai, responsable de l'Observatoire des violences faites aux femmes en Seine-Saint-Denis.

"En 2020, avec le Covid et le confinement, on avait très peur pour les femmes victimes mais il y a eu au final une hausse du nombre d'interventions des forces de l'ordre à domicile", ajoute-t-elle.
"Quoi qu'il en coûte"
"On a des retours plutôt positifs de la manière dont un certain nombre de commissariats prennent désormais au sérieux ces sujets, mettent des moyens sur les enquêtes, convoquent beaucoup plus fréquemment les mis en cause", abonde la présidente de la Fondation des femmes, Anne-Cécile Mailfert.

Mais toutes ces "bonnes volontés" se heurtent aujourd'hui à un budget alloué "largement insuffisant", déplore-t-elle.

Le budget de l’Etat contre les violences conjugales a augmenté de 44,9 millions d’euros, passant de 126,8 millions d'euros en 2019 à 171,7 millions d’euros en 2023. Mais cette augmentation (+35%) "masque une baisse des dépenses par victime", de 1.310 euros à 967 euros entre 2019 et 2023, soit -26%, relève la Fondation des femmes.

"C'est là (dans la lutte contre les violences conjugales) qu'il faut faire le +quoi qu'il en coûte+", estime Sandrine Bouchait, présidente de l'Union nationale des familles de féminicides (UNFF), en référence à la stratégie économique mise en place par le gouvernement pendant le Covid.

"Des choses ont été faites certes mais la montagne qu'il reste à gravir est immense", poursuit-elle. "Les années passent et on continue à compter nos mortes. Ma soeur a été assassinée il y a 7 ans et aujourd'hui j'ai des familles de victimes qui m'appellent et qui vivent exactement la même solitude. Rien n'a changé".
"Découragement"
Même "colère" au sein du collectif féministe #Noustoutes qui dénonce "la complicité du gouvernement et des pouvoirs publics" qui font preuve d'un "laxisme apathique qui tue", estime auprès de l'AFP une de ses membres, Maëlle Noire.

Pour Mine Günbay, directrice générale de la Fédération nationale Solidarité Femmes, qui gère le 3919, il y a une forme "de message contradictoire" de la part de l'Etat.

"D'un côté, on nous dit +c'est important, on va le faire+, de l'autre on a des associations de terrain qui nous disent subir des baisses de financement", relève-t-elle. Or, "si les femmes qu'on oriente au bout du fil doivent attendre deux semaines avant d'avoir un rendez-vous, le risque est de créer une forme de découragement chez elles, c'est un vrai obstacle à leur départ du foyer".

De la même manière, "on ne peut pas lutter contre les violences conjugales si, paradoxalement, on ne met pas en place la prévention dès le plus jeune âge", ajoute-t-elle, déplorant l'enseignement, encore trop rare, de l'éducation à la vie sexuelle et affective, pourtant obligatoire depuis 2001.

Contacté par l'AFP, l'entourage de la ministre démissionnaire chargée de l'Egalité femmes-hommes Aurore Bergé met en avant le fait qu'une grande majorité des mesures issues du Grenelle sont "effectives".

"Il nous appartient d'aller plus loin", ajoute-t-on de même source, citant notamment l'importance d'"intégrer dans la loi la notion de contrôle coercitif", soit les divers moyens utilisés pour maintenir une domination sur une personne ou encore de "systématiser la délivrance des ordonnances de protection".

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