3 bonnes raisons de (re)voir “Du côté d’Orouët” de Jacques Rozier
L’œuvre de Jacques Rozier (disparu en 2023) est rare et précieuse. Entre 1962 et 2001, ce grand cinéaste de la Nouvelle Vague n’a réalisé que cinq longs métrages, heureusement complétés par de nombreux courts métrages. Il y est question de voyages, d’aventures, de rencontres, dans le temps suspendu des vacances. Gros plan sur le film qui en exprime pour nous la quintessence : Du côté d’Orouët (1973)
1. Un film d’été
Jacques Rozier nous emmène sur la côte vendéenne, en compagnie de Joëlle, Kareen et Caroline, trois copines qui ont décidé de s’échapper de la grisaille parisienne pour passer le mois de septembre dans une maison en bord de mer. Gilbert, le patron de Joëlle (Bernard Menez, en grand dadais hilarant) va s’incruster dans ce trio, qui va lui en faire voir de toutes les couleurs (parfois assez cruellement, il est vrai). On peut évidemment faire le parallèle avec les films de Rohmer, mais celui qui, de nos jours, assume le plus cette filiation avec Rozier, c’est Guillaume Brac avec des films comme Tonnerre, dans lequel d’ailleurs Bernard Menez joue le père de Vincent Macaigne.
2. Un film libre
Il n’y a plus de hiérarchie entre les personnages, une fois qu’ils sont sortis de leurs obligations professionnelles. Le cadre balnéaire convoque une forme de naturel et de dénuement qui impose ainsi une vérité. Cette spontanéité qui imprègne chaque plan de ce film magistral flirte parfois avec le documentaire. Des moments de grâce capturés par des kilomètres de pellicule, sans que jamais personne ne dise “Coupez”. Ce qui donne lieu à de véritables scènes d’anthologie (la scène des anguilles par exemple), nourries par des réactions spontanées, des fous rires contagieux, une répartie efficace : un cinéma sur le vif où les acteur·ices ne trichent pas.
3. Un film de sororité
Du côté d’Orouët, (1973, tourné en 1969) est dans la veine des premiers grands films féministes français comme Céline et Julie vont en bateau (1974). Rozier procède de la même manière que Rivette en laissant champ libre à ses actrices, et ça ne trompe pas. Leur complicité transparaît de manière si authentique et si réjouissante que l’on a envie, nous aussi, de s’enfourner des pâtisseries en s’essuyant les doigts sur le dessus-de-lit. Peu de films possèdent cet élan, cette vitalité tout en regroupant en même temps tous les traits d’une grande comédie. L’histoire est d’une simplicité radicale, le film dure 2h34 et pourtant l’apparition du générique provoque un grand sentiment de regret. Une fin de vacances pour les spectateur·ices aussi. On aurait aimé qu’elles durent toujours.
Du côté d’Orouët, (1973, 2h34) de Jacques Rozier, à voir en version restaurée aux côtés des trois autres films de la rétrospective, dès le 4 septembre.