Ce livre vous fait revivre les événements de la Libération de Guéret
Pour le 80e anniversaire de la Libération de Guéret, trois membres de l’Arroc, Association pour la recherche sur la Résistance et l’occupation en Creuse, ont cosigné un ouvrage sur cet épisode historique dont la mémoire reste encore vive en Creuse. L’an dernier, un livre consacré au massacre du bois du Thouraud, était déjà sorti sous la plume de Christophe Moreigne, Christian Penot, et Guy Avizou, président de l’Arroc. Le 7 septembre 1943, sept jeunes maquisards avaient été tués par les Allemands dans ce bois, sur la commune de Maisonnisses, et six autres déportés, ainsi que deux agriculteurs qui les ravitaillaient.
Plus de 300.000 réfugiés hébergés durant l’été 1940Pour les 80 ans de la Libération de Guéret, les historiens Christophe Moreigne et Christian Penot se sont donc remis à l’ouvrage, rejoints par Philippe Béquia. Ancien journaliste à France Bleu Creuse, il a retrouvé les photos de Jacques Poudensan, pharmacien à Guéret pendant la Seconde Guerre mondiale qui a immortalisé les événements de l’époque sur la pellicule ; des photos qui ont aujourd’hui valeur de véritables documents.
« Christophe et Christian ont mené le travail historique, tandis que j’ai joué un rôle d’illustrateur à travers la reproduction de photos prises par Jacques Poudensan et la transcription de témoignages sonores que j’ai recueillis il y a plusieurs années, explique Philippe Béquia. Des témoignages de résistants, mais aussi de simples habitants qui ont vu et vécu ces faits et les racontent avec leur émotion, leur ressenti, leurs souvenirs personnels, ajoutant une dimension supplémentaire aux éléments historiques factuels. »Incendie de l'hôtel Saint François. (7 juin 1944). Fonds photo Jacques Poudensan
Pour mieux comprendre les deux libérations de Guéret – la ville a été libérée une première fois le 7 juin 1944, reprise le 9 juin, puis libérée une deuxième fois, cette fois définitivement le 25 août – les auteurs ont choisi de débuter leur récit dès l’immédiat avant-guerre, afin de comprendre la succession des événements qui conduisirent à ceux du printemps-été 44 à Guéret.
On découvre notamment le choc du bombardement du 19 juin 1940, qui fit plus d’une centaine de morts en Creuse, et l’ampleur de l’exode après la Débâche : « La Creuse a hébergé plus de 300.000 réfugiés en juillet-août 1940. La population du département avait quasiment triplé », indique ainsi Christophe Moreigne.
Des archives jamais consultéesChaque fait rapporté dans le livre est documenté, avec, à chaque fois, les références des archives consultées. Des milliers de pages ont été compulsées dans les Archives départementales de la Creuse bien sûr, mais aussi dans celles de la Haute-Vienne, Limoges étant alors le siège de la préfecture régionale, aux Archives nationales, aux Archives militaires de Vincennes, ainsi que dans des archives allemandes, notamment pour suivre le cheminement de la division Das Reich entre le 9 et le 11 juin 44.
Des recherches qui ont permis de mettre au jour des informations méconnues du grand public. « Il y a encore des documents d’archives vierges de toute consultation », souligne en effet Christophe Moreigne qui, par exemple, livre dans l’ouvrage des données inédites sur les pillages du 9 juin 1944 à Guéret par les Allemands après la reprise de la ville. Des données issues de l’analyse des dossiers de demande d’indemnisation au titre des dommages de guerre ou de remboursement des réquisitions allemandes, établis dès la Libération.
Les deux libérations et les deux mois et demi qui les séparent sont quant à eux très documentés dans le livre, avec un grand nombre d’illustrations qui donnent la mesure des événements qui ont rythmé ces quelques semaines à Guéret et en Creuse : combats, exactions, destructions, les Allemands sur la défensive, et enfin la délivrance le 25 août 1944.
Les événements de Guéret présentent au moins deux spécificités bien identifiées : les deux libérations d’une part et d’autre part la mise en place d’un Comité de Libération dès le 7 juin (l’un des premiers en France, N.D.L.R.) avec un directoire civil et les chefs militaires ; le fait également que l’École de la Garde présente à Guéret, une école militaire créée par le gouvernement de Vichy, ait basculé majoritairement du côté de la Résistance.
« Il faut aussi souligner l’absence de représailles massives envers la population civile à Guéret après la première libération, contrairement à ce qu’il s’est passé à Tulle où je rappelle que 99 personnes ont été pendues aux réverbères de la ville, relève Guy Avizou qui a préfacé La Libération de Guéret. On le doit notamment au fait que, lors de la reddition de la kommandantur et de la feldgendarmerie à Guéret, les honneurs militaires avaient été rendus aux soldats et que les blessés avaient été soignés à l’hôpital. »
« Des personnalités extraordinaires »« La Creuse a eu la chance d’avoir des personnalités extraordinaires à des moments clés », souligne par ailleurs Christophe Moreigne, à l’instar d’Adrien Arfeuillère, maire de Guéret en 1944, dont le talent de négociateur permit également à la ville d’échapper aux funestes intentions des SS arrivés le 9 juin dans l’après-midi.
L’ouvrage lui consacre plusieurs pages, ainsi qu’à deux autres acteurs et témoins des négociations avec les Allemands : Roger Brac, secrétaire général de la préfecture de la Creuse, et Eddy Oelschläger, d’origine suisse et résidant à Guéret au moment de la Libération, qui servit d’interprète entre le commandant des forces allemandes et André Arfeuillère.
Fruit d’un rigoureux travail de recherche, complété de témoignages forts qui permettent de ressentir les événements de l’intérieur, La Libération de Guéret, paru aux éditions La Geste, offre un récit passionnant de ces événements qui, 80 ans après, continuent de résonner dans les mémoires creusoises.
Nicolas Barraud