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La chanteuse Aïcha Koné, d'"Africa Liberté" aux louanges des putschistes du Sahel

Son dernier opus, posté le 26 août sur la plateforme chinoise de vidéos en ligne - où elle compte plus d’un demi-million d'abonnés -, commence par ces mots: "AES, la marche vers la liberté! AES, c'est toi qui as raison!"

AES est l'acronyme de l'Alliance des Etats du Sahel: l'union des régimes putschistes du Mali, du Burkina et du Niger, respectivement arrivés au pouvoir en 2020, 2022 et 2023, dans ces pays confrontés à des violences jihadistes récurrentes.

Les trois juntes qui ont tourné le dos à l'ancienne puissance coloniale française entretiennent des relations tumultueuses avec certains de leurs voisins, dont la Côte d'Ivoire, accusée d'être trop proche de Paris.

Dans une chanson écrite en 2022 à la gloire du leader malien, le colonel Assimi Goïta, Aïcha Koné célèbre également le président russe Vladimir Poutine, devenu en quelques années le principal soutien des juntes sahéliennes, à mesure que la France, les Etats-Unis et d'autres pays occidentaux étaient mis à la porte.

"Les Fama (Forces armées maliennes), force à vous", fredonne sur le même titre la star ivoirienne, après de premières mesures aux allures de marche militaire.

"Mama Africa", comme nombre de ses fans l'appellent, a fait ses débuts il y a plus de 45 ans sur les plateaux de la RTI, la télévision d'Etat ivoirienne, où l'animateur vedette de l'époque, George Taï Benson, sera touché par son timbre de voix, "pur, limpide" et sa "diction".

D'abord choriste, puis chanteuse soliste, elle a côtoyé les plus grands artistes africains de l'époque: son "modèle" la Sud-africaine Miriam Makeba, le Camerounais Manu Dibango, le Congolais Tabu Ley Rochereau, les Sénégalais Youssou N'Dour et Ismaël Lô...

La voix des hits "Aminata" et "Africa liberté" est notamment reconnaissable à sa douceur et son lyrisme. Ses morceaux issus de la musique mandingue - un peuple d'Afrique de l'Ouest - en utilisent une langue, le dioula, mais abandonnent les instruments traditionnels comme les balafons pour les guitares, le piano et les cuivres.

"C'était une chanteuse moderne" à ses débuts, qui a "étonné", et "une personnalité musicale qui ne passe pas inaperçue", dont le succès a touché "tout le continent", analyse Boncana Maïga, son arrangeur, très réputé.
"Je leur dis bravo"
Dès le début de sa carrière, Aïcha Koné était proche des chefs d'Etat, bien avant le retour des régimes militaires en Afrique de l'Ouest.

Dans la maison de l'artiste âgée de 67 ans, de nombreuses photos encadrées la montrent aux côtés de présidents ivoiriens - Félix Houphouët Boigny (1960-1993), Henri Konan Bédié (1993-1999) qui l'ont tous deux aidée financièrement assure-t-elle, ou Laurent Gbagbo (2000-2010).

Trente ans plus tard, plus de costume ni de cravate: ce sont des hommes en uniforme, devenus chefs d'Etat par la force, qui la reçoivent.

En août, c'est le général nigérien Abdourahamane Tiani qui l'accueillait à Niamey, après avoir donné une série de concerts dans la capitale.

Quelques semaines plus tôt, le président du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré - qu'elle appelle affectueusement "mon fils" -, lui faisait la bise à Ouagadougou.

La séquence, filmée et postée sur Tik Tok par la chanteuse, dépassait fin août plus d'un million de vues.

"Ils étaient tous contents de me recevoir, je leur ai apporté mon soutien", explique-t-elle à l'AFP lors d'une interview à son domicile d'Abidjan.

"On a tous envie d'avoir notre indépendance", justifie-t-elle, en vantant le "noble combat" des juntes au Mali, au Burkina et au Niger, trois anciennes colonies françaises qui ont "affirmé haut et fort qu'elles veulent prendre leur destin en main".

"Moi je leur dis bravo. Il leur faut des soutiens et je fais partie de ces soutiens-là", ajoute-t-elle.

Autre artiste ivoirien, la star de reggae Tiken Jah Fakoly, porte-drapeau des luttes anticoloniales et panafricanistes, avait affiché son soutien à l'AES avant de dénoncer cet été la répression brutale des voix discordantes.

Ces dernières années, des dizaines d'opposants, journalistes, magistrats et défenseurs des droits humains ont disparu, sont détenus, ou ont été enrôlés de force au Burkina Faso, pour être envoyés au front contre les groupes armés jihadistes, tandis qu'au Mali, l'armée est accusée par l'ONU, Human Rights Watch ou Amnesty International d'exactions contre des civils.

"J'ai toujours chanté pour la paix", assure quant à elle Aïcha Koné.

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