La fièvre catarrhale décime les cheptels ovins du Puy-de-Dôme
Les traits tirés, Mathieu Brunel ne cache pas sa détresse. Cet éleveur d’Orcines a déjà perdu une trentaine de brebis à cause de la fièvre catarrhale ovine (FCO), due à de petits moucherons (culicoïdes) qui piquent les bêtes. "Ce troupeau, je l’ai créé, j’ai élevé la mère, la grand-mère, l’arrière-grand-mère…", souffle-t-il. Certaines sont malades depuis trois semaines, d’autres sont mortes en deux jours. "Il y en a que ça prend dans les articulations, d’autres bavent, gonflent de la tête ou ne peuvent plus ingurgiter leur salive. D’autres ont des abcès dans la bouche. J’ai cru que certaines allaient s’en remettre mais je n’en suis pas sûr."
Des décès tous les joursLa fièvre catarrhale ovine (FCO) décime les cheptels puydômois. Installée à Allagnat depuis 1988, Michèle Boudoin n’a jamais connu une telle tragédie. Une trentaine de ses 550 brebis ont déjà succombé.
"J’en ai fait enlever treize par l’équarrisseur mardi. Ils ont trois fois plus de demandes par jour. Le chauffeur m’a dit “Je ne sais plus quoi dire aux éleveurs. Je ne vous demande pas si ça va… Enlevez-vous, je vais vite vous enlever les brebis pour vous soulager psychologiquement”. Parce que pour nous éleveurs, c’est compliqué de passer à côté du tas de brebis mortes tous les jours", lâche la présidente de la Fédération ovine, des trémolos dans la voix.
Dès qu’on voit la brebis, c’est déjà trop tard. Je ne sais plus quoi faire, ça me rend malade de ne pas pouvoir les soulager?!
Une réunion de crise a été organisée mardi soir avec la chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme, le Groupement de défense sanitaire, la FNSEA et la Fédération départementale ovine.
La première urgence est l’obtention de vaccins, en particulier de Syvazul 8, un vaccin fabriqué par un laboratoire espagnol, "le seul économiquement et techniquement abordable pour notre secteur", soutient Michèle Boudoin. Il s’agira de voir avec les vétérinaires les bêtes susceptibles d’être vaccinées selon les préconisations et le principe bénéfice-risque.
Une campagne de PCR a été impulsée afin que tous les foyers soient déclarés. Le but est de confirmer la présence des foyers FCO et de rechercher s’il s’agit du sérotype 8 ou 3, pour donner aux pouvoirs publics une photographie précise de ce qui se passe sur le terrain.
"Si on croise sérotypes 8 et 3, ce sera l’anéantissement""L’inconnue, c’est est-ce qu’on va découvrir des foyers sérotype 3 sur le Puy-de-Dôme?? Parce que c’est déjà la catastrophe, mais si on croise sérotypes 8 et 3, ce sera l’anéantissement?! Le 3 est pire que le 8 selon nos collègues du Nord", s’inquiète Michèle Boudoin.
D’autant que le 8 n’est pas non plus celui que les éleveurs connaissaient traditionnellement, avec "des brebis souffleutteuses, une fièvre énorme, des boiteries… Toutes les articulations sont chaudes, le pis est énorme et ce matin, j’ai des brebis qui ont agnelé et qui n’ont pas de lait. Donc il faut faire des biberons suite au décès des brebis deux jours après la mise bas et des biberons parce que celles qui mettent bas n’ont pas beaucoup de lait", décrit l’éleveuse.
L'impact pour les éleveursElle s’inquiète particulièrement pour les jeunes agriculteurs, plus fragiles économiquement et psychologiquement. Leur plan de développement est fixé avec des aides ovines de la PAC (Politique agricole commune) sur un certain nombre de brebis qui, s’il est remis en cause par la FCO, leur fera de facto perdre l’aide ovine en 2025. "La profession va s’attacher à ce qu’on les joigne pour savoir où ils en sont", dit Michèle Boudoin.
Autre urgence selon l’éleveuse : mettre en place des cellules d’écoute pour les éleveurs. "Parce que quand on ne peut pas soigner ses animaux et qu’on les voit souffrir et mourir dans des souffrances comme celles-là, psychologiquement, c’est très dur", conclut-elle.
Gaëlle Chazal