"Crash", une autofiction pour parler d'un deuil : celui d'une famille creusoise disparue dans le crash d'un avion en Algérie

Il y a dix ans, la famille Gineste disparaissait dans le crash du vol Air Algérie 5017 au Mali. Deux parents et leurs trois enfants qui vivaient sur la commune de Sainte-Feyre et bien connus, notamment des Guérétois, puisque très impliqués dans la vie locale. Ce drame, Sophie Graves l’a vécu de près. Pour cette voisine et amie de la famille, le deuil a été long. Douloureux. Bouleversant.C’est ce qu’elle raconte dans un livre, Crash. « C’est un livre sur le deuil et la résilience, dit-elle. J’ai commencé à remplir des pages et des pages un mois après ce crash. Comme une thérapie. Il y avait toutes ces émotions qui se succédaient… Mais l’idée d’en faire un livre n’a germé qu’un an après. J’ai eu beaucoup d’hésitation : qui pourrait avoir envie de lire une histoire aussi dramatique ? Mais un livre qui n’est pas lu, ça ne sert à rien. J’avais fait lire quelques extraits à des amis communs parce que j’avais la crainte aussi qu’on me dise que je “profitais” d’un malheur. Mais leurs retours ont été très émouvants et pleins de gratitude. Alors, j’ai fait appel à Fabien Bouvier, qui anime un atelier d’écriture. On a épuré le texte. Et à un moment, on s’est dit, on y va. Et dix ans après le drame, j’ai auto-édité ce livre qui s’est imposé à moi finalement. »

« Chahutée entre sidération, tristesse et colère »

Dans Crash (*), les noms ont été changés et Sophie Graves insiste, c’est une autofiction. « C’est l’histoire de Swaz, une kiné de 39 ans, installée en Creuse avec son mari et leurs deux enfants. Cette femme qui a l’habitude de tout contrôler va être confrontée à une épreuve stupéfiante. Elle va vivre l’année la plus invraisemblable de sa vie, chahutée entre sidération, tristesse, colère et questionnements existentiels. Il lui faudra apprendre à se plier aux exigences du destin et à puiser dans ses ressources pour pouvoir reprendre sa route. Ce livre parle de la vie quand elle nous jette à terre mais aussi de ces choses qui peuvent nous aider à nous relever. »

Une famille creusoise victime du crash de l'avion d'Air Algérie

On le comprend vite : au-delà du crash de l’avion, il y a tous ces crashs intérieurs qui vont secouer la narratrice. Et au-delà du deuil de ses amis, il y en aura d’autres à faire pour Swaz, à commencer sans doute par celui de ses illusions. Mais il y a aussi la résilience.Certes, ce n’est pas sans quelques larmes qui pointent encore aux yeux que l’auteure évoque ses amis aujourd’hui.

Des gens exceptionnels, accueillants, ouverts d’esprit, soutenants. Ils me manquent encore et ils manquent à bien d’autres. Dans certains moments, joyeux ou pas, on se dit : s'ils étaient là…

Elle n’a pas oublié ce moment où elle a appris le crash. Cette impossibilité « d’y croire ». Cette sidération. Ce deuil si particulier. Le lâcher de ballons, la marche blanche et puis l’enterrement cinq mois plus tard : « On était tous effondrés. Entre femmes, quand l’une était à terre, les autres la remontaient. C’est aussi l’histoire de cette solidarité, de cette sororité que j’ai voulu raconter dans ce livre. Mais surtout, j’ai voulu écrire pour ne pas oublier ».

« Un jour, tu iras mieux »

Rien oublier de ces moments si douloureux, surtout ne rien oublier de cette amitié.

Mon émotion, quand j’ai eu ce livre, l’objet livre entre les mains… Je me suis dit : ils sont là pour toujours.

Et puis ce livre, c’est aussi un beau message d’espoir. « Un encouragement à mettre un pied devant l’autre. À un moment, il faut s’en sortir. Aller chercher au fond de soi le courage de reprendre sa route. Oui, c’est ça l’intention du livre. Que je vais vous résumer avec une petite anecdote. Dans ces moments où j’étais persuadée que j’étais fichue pour le bonheur, une amie m’a dit : “Je sais que tu ne vas pas me croire mais un jour, tu iras mieux et tu pourras penser à eux avec le sourire”. ». Et ce jour est arrivé.

Séverine Perrier

(*) Disponible pour l’instant à la Maison de la presse et à la librairie Au fil des pages à Guéret et au Mag Presse de La Souterraine. Ou directement auprès de l’auteure par mail à traitunion@orange.fr