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Capote, Robbe-Grillet : les écrivains font-ils de bons personnages ?

Deux écrivains importants se retrouvent au centre de deux livres : l’auteur de De sang-froid dans Le Fantôme de Truman Capote, de la journaliste argentine Leila Guerriero, et Alain Robbe-Grillet dans Aucun respect, le texte très remarqué (présent sur la première sélection du prix Goncourt) d’Emmanuelle Lambert.

Cette dernière se souvient de son entrée à l’Institut mémoires de l’édition contemporaine (IMEC), et du travail de recherche et de classification dont elle fut chargée auprès du “pape du nouveau roman”. Ce qui l’a marquée puisqu’elle lui a déjà consacré un livre, Mon grand écrivain, en 2009.

Capote, Robbe-Grillet

Ce nouveau texte entend aussi raconter le parcours initiatique d’une femme dans un milieu intellectuel, littéraire, mais échoue – franchement, il y aurait beaucoup plus à raconter que la (trop) sage tentative d’Emmanuelle Lambert. Le ton est enlevé, léger, et se veut drôle et ne manque vraiment pas de charme, mais la vraie drôlerie, la véritable irrévérence résident chez Robbe-Grillet lui-même. Le problème étant que pour accéder aux répliques malicieuses de l’écrivain, il faut en passer par les longues pages, fastidieuses à la longue, que Lambert consacre à son travail à l’IMEC et à ses chefs.

On passe notre lecture à attendre avec une impatience insupportable les apparitions de Robbe-Grillet et son sens de la répartie. Il y est certes extrêmement bien saisi par l’autrice, mais ça ne suffira hélas pas à rendre l’ensemble du livre passionnant.

Biopics

L’enjeu du texte de Leila Guerriero, lui, s’affiche au moins dès son titre : Capote est un fantôme, donc on ne s’attendra pas à le croiser souvent. En 2023, cette autrice de narrative non-fiction s’est rendue en résidence d’écriture à Palamós, sur la Costa Brava, en Espagne, là où Truman Capote a passé une grande partie du début des années 1960 à écrire De sang-froid. Il y avait débarqué avec son compagnon, Jack Dunphy, deux chiens et un chat, et des tonnes de bagages. Guerriero a choisi une structure narrative très contemporaine : la dérive. Elle nous livre quelques informations sur l’écriture de De sang-froid, mais qu’on connaissait déjà. Elle enquête un peu sur Capote, mais tout le monde est mort, et les survivant·es qui l’ont croisé racontent toujours les mêmes anecdotes. Elle nous parle un peu d’elle-même, mais rien de profond ne se dit. Capote finit par être encore moins présent qu’un fantôme, et ça pourrait être une réflexion sur l’impossibilité de saisir les mort·es, sauf que ça ne l’est pas vraiment non plus. C’est un drôle de livre, flou, effiloché, qui, comme celui de Lambert, ne manque pas de charme non plus.
Au fond, c’est peut-être le cinéma qui a le plus profondément montré Truman Capote, et une série, Feud : Capote vs The Swans.

À quand un biopic Alain Robbe-Grillet ? Mieux vaut, pour connaître l’un et l’autre, relire leurs propres textes (à l’occasion du centenaire de la naissance de Capote le 30 septembre, ses lettres et ses entretiens ressortent d’ailleurs en poche). Car la présence d’un écrivain·e, si grand soit-il et elle, dans un livre ne garantit en rien la qualité de celui-ci.

Aucun respect d’Emmanuelle Lambert (Stock), 225 p., 20 €.
Le Fantôme de Truman Capote de Leila Guerriero (Rivages), traduit de l’espagnol (Argentine) par Delphine Valentin, 128 p., 13 €.
Quatre meurtres et un bal en noir et blanc de Truman Capote (Rivages poche), traduit de l’anglais (États-Unis) par Jacques Tournier, 284 p., 9,5 €
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