Blaireaux : les chasseurs de l'Allier défendent la vénerie plutôt que l'empoisonnement
Animal propre, qui cache ses excréments dans des pots de terre qu’il creuse. Animal méthodique aussi, qui mange le maïs, pied par pied, sans rien écraser à la façon des sangliers. Le blaireau est avant tout un animal nocturne, alors que la chasse est interdite la nuit.
« Pour le débusquer, il n’y a pas d’autre solution que d’aller le chercher dans son terrier, le jour. Or, en période de chasse, par définition, les chasseurs sont déjà occupés. D’où l’arrêté préfectoral qui était pris chaque année pour chasser les blaireaux à partir du 15 mai. Ça s’appelle une période complémentaire. Dans l’Allier, mais aussi partout en France », détaille Jean-Pierre Gaillard,président des chasseurs de l’Allier. « C’est une chasse dure. Vous envoyez votre chien dans le trou -souvent c’est un fox- et vous ne repartez pas sans lui. Il faut creuser au fur et à mesure que le chien avance. Vous ne savez pas combien de temps ça va durer. »
« Le blaireau, contrairement au lapin, ne sort pas par un autre trou. Il faut l’acculer au fond de son terrier. Or les galeries peuvent être vastes. Une fois que vous êtes remontés jusqu'à lui, le seul moyen de l’attraper, c'est avec de longues pinces. Ce n’est pas joli, mais quand on ne subit pas les dégâts, c’est facile de juger. C’est un animal puissant avec de grandes griffes.
« Sans parler des dégâts sur les cultures, ses terriers peuvent affaisser un terrain et les tas de terre et de cailloux qu’ils déblaient peuvent abîmer les faucheuses. Ce n’est pas une population en danger d’extinction, c’est une démarche de régulation. »L’emportement du président des chasseurs a une raison :cette année, la période complémentaire a été courte : le 5 juillet, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a suspendu l’arrêté d’autorisation dans l’Allier. Pour la deuxième année de suite. La situation est diverse selon les départements : dans certains, les arrêtés sont carrément annulés. Dans d’autres, cette chasse a de nouveau cours, comme dans le Puy-de-Dôme voisin, après des années d’interdiction.
« On avait 400 blaireaux prélevés jusqu’à récemment dans l’Allier. Mais le savoir-faire de la vénerie se transmet difficilement et les complications juridiques font qu’on est tombé à 250 prélèvements l’an dernier. Cette année, ce sera sans doute deux fois moins », déclare Jean-Pierre Gaillard qui pronostique des dégâts en hausse.
Bientôt un chiffrage des dégâts agricolesAprès la décision du tribunal administratif, la fédération a cherché des solutions : « On a demandé aux experts indépendants qui chiffrent les dégâts de sangliers sur les cultures, de chiffrer également les dégâts de blaireau. Ce sera un coût pour la fédération, mais, l’an prochain, on aura le nombre d’hectares détruits écrit noir sur blanc. Quant aux propriétaires privés, ils pourront continuer à nous écrire. »« À part compter les prélèvements, il n’y a pas de méthodologie de comptage des populations », confirme Valérie Lorca.
La chasse aux blaireaux a donc été interdite cette année, toutefois les battues sont restées possibles. Les communes les plus touchées ont pris des arrêtés, comme Rongères, en date du 5 août. Mais ils ont été difficiles à mettre en application : seulement trois louvetiers, sur les quinze que compte département, sont capables de mener une vénerie sous terre. Et ce n’est pas en août par 30° qu’on a envie de creuser des trous à la pioche.
Empoisonnement ? tractopelle ?Quelles solutions reste-t-il aux propriétaires : l’empoisonnement ? La tractopelle ? « Ces deux solutions peuvent être très sales. Ce qu'il va se passer, c'est qu'on va finir par demander une véritable période de chasse aux blaireaux et la question sera tranchée au niveau national », conclut Jean-Pierre Gaillard.
N’importe qui ne chasse pas sous terre : il faut avoir une attestation de meute, délivrée par la préfecture après avis de la société de vénerie et de la fédération. Quant à la période complémentaire, l’arrêté la justifiant s’appuie sur un dossier présenté en commission départementale de la chasse et de la faune sauvage, « un dossier de plusieurs dizaines de pages reprenant les informations dont nous disposons : les prélèvements réalisés et les dégâts qui nous sont signalés l’année précédente », précise Valérie Lorca.
De son côté, la fédération nationale des chasseurs a demandé à un laboratoire d’analyser 400 estomacs de blairotins prélevés lors de la période complémentaire (« dont 20 prélevés en Allier »), pour déterminer la présence de lait : « ils étaient sevrés, à quelques exceptions près ». Le président des chasseurs s’érige donc contre cette image du petit blaiortin arraché à sa maman.
Stéphanie Menastephanie.mena@centrefrance.com