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Antisémitisme : aux grands maux les grands mots

L’attentat contre la synagogue de la Grande-Motte a suscité dans la classe politique les habituelles rodomontades, généralement annonciatrices de renoncements. Certes, la gauche et les macronistes, qui ont pactisé avec LFI et pactiseront encore demain si cela sert leurs intérêts, dénoncent sa responsabilité dans la recrudescence des actes antijuifs. Mais tous refusent avec constance de voir que dans une grande partie de la jeunesse musulmane, l’antisémitisme est devenu tendance.


Pour commencer la saison, j’aurais préféré vous entretenir de ce courriel m’annonçant que septembre est « le mois de la prostate », matière à réflexion sur la rage contemporaine de tout montrer qui se déploie paradoxalement derrière l’étendard de la transparence – paradoxalement, car en théorie ce qui est transparent ne se voit pas. Mais me voilà encore une fois requise par un phénomène aussi récurrent à la une des magazines que la misère de l’hôpital public (ou de l’école, ou de l’armée…) : l’antisémitisme. Que dire encore sur la haine des juifs, qui ne l’ait été d’innombrables fois ? Son transfert de l’extrême droite à une frange significative de la société musulmane, le soutien sans participation de l’extrême gauche, le déni de nos dirigeants, l’alibi palestinien, le silence ou l’euphémisation du Parti des médias, l’entourloupe consistant à sonner le tocsin contre l’extrême droite : tout cela est connu de qui veut connaître.

Bien entendu, nous ne verrons rien

On ne sursaute plus quand Gérald Darmanin indique que les actes antisémites ont augmenté de 200 % depuis le 7-Octobre. On devrait pourtant méditer cette funeste contagion qui fait que, quand un juif est frappé quelque part, cela donne envie à certains d’en frapper d’autres. La plupart des êtres humains, doués d’empathie, s’identifient plus volontiers aux victimes qu’aux tortionnaires. Cette définition simple de l’humanité ne fonctionne plus. Pour pas mal de monde, le pogrom du Hamas a agi comme un encouragement, sinon à molester ou tuer des juifs, à les vomir haut et fort, ceci avant que la première balle israélienne ait été tirée. À cela aussi, on s’habitue.

Après l’attentat (raté) du 24 août contre la synagogue de La Grande-Motte, ce qui enrage presque autant que le crime (par chance sans victime, sinon un policier légèrement blessé), c’est le torrent de mots creux qu’il a déclenché. Ainsi a-t-on pu entendre Gabriel Attal déclarer que « s’attaquer à un juif, c’est s’attaquer à la France » (ou à la République, les deux variantes existent), ritournelle psalmodiée après chaque attentat[1]. Tous ces beaux esprits qui ne peuvent pas se passer des juifs, on en pleurerait.

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En décembre 1981 après le coup d’État de Jaruzelski en Pologne, notre ministre des Affaires étrangères Claude Cheysson faisait scandale en déclarant « Bien entendu nous ne ferons rien ». Cette sincérité un brin cynique est infiniment plus respectable que les « Nous ne céderons pas » de nos dirigeants, vaines rodomontades qui annoncent rituellement de nouveaux renoncements.

Car bien entendu, nous ne ferons rien. Conformément au théorème de Péguy, avant d’agir, il faudrait nommer et avant de nommer, il faudrait voir. Certes du PS au RN, il y a désormais unanimité contre les Insoumis et leur dégoûtante complaisance. Des hiérarques socialistes, écolos et communistes qui se sont acoquinés avec le parti de Rima Hassan ont leurs vapeurs. Ils prennent leurs distances. Au moins le temps de pleurnicher devant les caméras. Quant aux macronistes, maintenant qu’ils ont sauvé quelques dizaines de sièges grâce à leur carnaval antifasciste, ils prétendent désormais sauver leur âme avec des trémolos. Il y a deux mois, pour les uns comme pour les autres, l’antisémitisme n’était pas un motif de rupture, mais un point de détail. On n’a pas oublié.

L’antisémitisme, tendance dans une large partie de la jeunesse

Tous ont ouvert un œil – qu’ils refermeront dès que leurs intérêts électoraux seront en jeu. L’autre reste désespérément clos. Si les Insoumis instrumentalisent les sentiments antijuifs, c’est bien que ces sentiments existent. Où donc, au fait ? On le sait depuis 2002, le feu antisémite couve dans nos territoires perdus, là où les expressions les plus radicales de l’islam sont devenues la culture dominante. Toutes les enquêtes en attestent : pour une grande partie de notre jeunesse musulmane, l’antisémitisme n’est pas honteux, il est tendance. Seulement, pour l’admettre, nos admirables sauveurs de République devraient renoncer à leurs illusions multi-culti et à l’image flatteuse d’eux-mêmes qui va avec. Bien entendu, nous ne verrons rien. On continuera à se raconter des fadaises sur le vivre-ensemble perturbé par une infime minorité qui n’a rien à voir avec l’islam. Et à importer des antisémites au nom des droits de l’Homme.

Le Parti des médias nous enjoindra encore et toujours de regarder ailleurs. Il accueille en fanfare le « roman » d’Aurélien Bellanger. Le gars a dégoté une niche originale dans l’antifascisme. Pour lui, l’urgence, c’est de combattre la (fantomatique) gauche laïque. L’ennemi, c’est Philippe Val, c’est Manuel Valls, et même (la classe) feu Laurent Bouvet, fondateur du Printemps républicain qui ont, accrochez-vous, « réinventé un racisme à gauche ». Son hypothèse est résumée par Le Nouvel Obs : « Et si c’était au cœur de la gauche qu’était né l’esprit réactionnaire et raciste qui menace notre époque. » Tant de sottise laisse sans voix.

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Le 26, pour sa grande rentrée sur France Inter, Sonia Devillers reçoit ce Bellanger en majesté. Deux jours après qu’une synagogue a été attaquée au nom de l’islamo-palestinisme, cet inutile marquis des lettres ose déclarer : « Une islamophobie extrêmement forte travaille la société française. » Ce n’est pas l’islamisme qui travaille la société française, ce n’est pas l’antisémitisme, c’est l’islamophobie. Ravie de la crèche islamo-gauchiste, son interlocutrice ne songe pas à lui rétorquer que l’islamophobie, comme la critique de toute religion, est un droit. Sa bonne volonté progressiste vaudra à notre duo les félicitations de l’ex-CCIF dissous en France pour propagande islamiste.

Le même jour, un ami me raconte que son fils de 9 ans, scolarisé dans le public à Paris 14e, dans un coin plutôt bobo, a compris spontanément, sans la moindre consigne parentale, qu’il devait taire qu’il était juif. Comme son grand-père est un juif turc, le gamin brode sur ses origines turques. Des ondes nationales aux cours de récré, tout le monde a intégré l’avènement de la nouvelle France dont parle Zemmour.

Je n’aurais pas dû. Je me suis surprise à penser tout haut (sur CNews) que je ne finirai peut-être pas ma vie dans mon pays. Il ne s’agit pas d’un choix, encore moins d’une décision, plutôt d’un constat. L’idée qu’un jour, ce ne sera plus tenable. Pour les juifs et, un peu plus tard, pour les autres Français, ceux qui n’ont pas d’Israël. Alors peut-être qu’à quelques-uns, pour rester ensemble et pas trop loin, on fera notre alyah en Italie.


[1] Manuel Valls l’a aussi appliquée aux catholiques après des attentats contre des églises, ce qui est bien le moins.

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