Qui est Michèle Boudoin, cette éleveuse passionnée et engagée patronne du hall 5 du Sommet de l'élevage ?
Les yeux rivés sur son téléphone, Michèle Boudoin affiche un large sourire. “C’est une photo des brebis. Tout va bien.” Car même à 6.000 km de distance de son exploitation d’Allagnat, l’éleveuse puydomoise n’oublie jamais ses 550 brebis, en estive dans la Chaîne des puys. Elle en a confié la garde à son salarié, le temps d’un voyage au Kazakhstan au sein de la délégation du Sommet de l’élevage.
Aux côtés d’éleveurs bovins, Michèle Boudoin porte la voix des moutonniers. Son parler franc et concret est devenu sa marque de fabrique au niveau régional, national et international, depuis 2015 qu’elle préside la Fédération nationale ovine. Un investissement de tous les jours pour celle qui n’est pas issue du monde agricole. “J’ai passé mon enfance à Volvic. Mon père travaillait à la Société des eaux”, sa mère femme au foyer.
ScolaritéMichèle Boudoin suit une scolarité classique jusqu’au brevet. Elle souhaite poursuivre ses études au lycée de Marmilhat afin de travailler avec les animaux et dans la nature. Mais sa mère préférant la voir prendre une autre voie, elle rejoint le lycée Sidoine-Apollinaire à Clermont-Ferrand puis la faculté de droit. “J’ai travaillé dans l’immobilier sur Clermont. Puis j’ai passé les concours administratifs et rejoint les services de l’Equipement, au Brézet”, retrace-t-elle.
Compliqué alors pour cette femme d’extérieur de se sentir bien dans des bureaux.
J’étais secrétaire. Je ne m’y suis pas faite. Je regardais ce puy de Dôme, je me faisais chier... Je me sentais contrainte, sans aucune initiative. Ce n’était pas mon truc...
Suit un licenciement “abusif”. Six mois plus tard, le tribunal administratif ordonne sa réintégration. Trop tard. Michèle Boudoin a déjà rebondi. Cette fois, chez “un patron extraordinaire”, dans un bureau d’études. Il l’encourage à suivre ses envies et s’engage à l’aider à faire quelque chose qui l’intéresse.
Reprise d’étudesMichèle Boudoin reprend des études agricoles à Marmilhat en 1984 et décroche un brevet professionnel agricole deux ans plus tard. Elle achète son premier troupeau, 50 têtes, et rencontre Jacques Chazalet, éleveur ovin et actuel président du Sommet de l’élevage. Il est à la tête des Jeunes agriculteurs du Puy-de-Dôme que Michèle Boudoin rejoint, et où elle rencontre les responsables professionnels.
En réunion, elle entend parler d’accords libres échanges, etc. “Jacques s’est retourné vers moi et m’a demandé “Qu’est-ce que t’en penses ?”. Je lui ai répondu “J’en sais rien, je n’ai rien compris”. L’intervenant a tout repris pour moi. L’élevage ovin c’est ça, cette ouverture par rapport aux nanas !”, martèle l’éleveuse.
Aventure syndicaleSa première aventure syndicale, elle la vit en 1991, lors de la finale nationale de labour à Marmilhat, aux côtés de Fabrice Berthon, commissaire général du Sommet. Une découverte qui la passionne. Elle intègre la fédération départementale ovine, écrit les discours de Jacques Chazalet - “Je le connais par cœur et j’adore écrire” -.
En 1992, elle intègre le conseil d’administration de la FNO. Elle préside l’Association de développement, d’aménagement et de services en environnement et en agriculture (ADASEA) Auvergne et Puy-de-Dôme. “Je me suis passionnée dans ce réseau. Je manageais 17 personnes, c’était très enrichissant.”
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MandatsEn parallèle, elle poursuit son chemin à la FNO : administrateur, membre du bureau, secrétaire générale adjointe, secrétaire générale. Jusqu’à cette annonce :
On était en Chine avec Interbev. Serge Préveraud avait fait six ans à la présidence. Il m’a dit “Je transmets mon exploitation. On a un an pour faire le tuilage”.
En 2015, la Puydômoise prend donc son relais à la tête de la fédération et devient la première femme à accéder à la présidence d’une association spécialisée en élevage. En 2016, elle a une idée originale lors du congrès national : “On avait quatre ministres : wallon, flamand, fédéral et Michel Barnier, que je suis allée chercher à la commission européenne. J’avais pris une compagnie de clowns, Les bataclowns. Personne ne le savait. Ils suivaient les invités et intervenaient avec un nez de clown. Ça permettait d’attirer l’attention des services publics et de faire passer les messages d’une autre façon. C’était génial !”, se souvient en riant la sexagénaire.Le Sommet de l’élevage est LE rendez-vous politique, avec un passage obligé dans le Hall 5, comme ici le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau en 2023, aux côtés de Michèle Boudoin (photo Franck Boileau)
Patronne du hall 5 de CournonChaque année en octobre, elle est aussi la patronne du Hall 5 du Sommet de l’élevage de Cournon, en tant que présidente de l’Association régionale ovine d'Auvergne (AROA). Une entrée plus syndicale où le monde ovin discute avec les politiques, déploie son programme national Inn’ovin pour l’installation des jeunes, son concours des Ovinpiades... “Le rendez-vous politique, c’est vraiment le Sommet”, rebondit l’éleveuse, qui doit parfois jouer des coudes pour se faire entendre.
Une femme est autoritaire, alors qu’un homme c’est l’autorité. Mais ça, je ne le ressens pas chez les éleveurs de moutons, c’est d’égal à égal. C’est une force pour un petit secteur comme le nôtre.
Un petit secteur qu’elle représente aussi en Europe au sein du groupe ovin Copa-Cogeca : “J'ai fait deux fois deux ans en tant que présidente et je suis actuellement vice-présidente. On est élu par acclamation, c’est une sorte de reconnaissance”.
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Passage de relaisMalgré toutes ces casquettes, Michèle Boudoin a tout prévu : “Je vais arrêter la FNO en 2026 parce que je pense qu’il faut que ça tourne”. Mais son combat pour l’élevage ovin comme la place des femmes n’est pas près de s’éteindre !
Des souvenirs d'enfance. Michèle Boudoin s’est installée en 1988. Elle a construit une bergerie à Allagnat où elle élève aujourd’hui 550 brebis au milieu de 88 hectares (23 en pastoralisme), entre 850 et 1.110 m d’altitude. C’est dans ce village du Puy-de-Dôme qu’elle passait ses vacances chez ses grands-parents. “Il y avait Lily Planchat, une bergère qui gardait ses brebis. Je filais l’écouter et je passais des heures sous son parapluie à écouter ses histoires. J’avais 7 ou 8 ans, pas plus.”
Une ouverture aux autres
Michèle Boudoin s’est engagée dans des mandats parce qu’elle avait besoin de repères dans le monde agricole, dont elle n’est pas issue. Les représentants tels que Jacques Chazalet, Fabrice Berthon... lui ont ouvert les portes et l’ont aidée. “J’avais besoin de comprendre au-delà de la ferme. Et sans eux, je n’aurais pas eu la Commission départementale d’orientation agricole.” L’éleveuse s’est aussi battue pour “foutre un coup de pied dans la fourmilière”. Bien que cheffe d’exploitation lorsqu’elle s’est installée, elle n’était pas reconnue comme chef de famille. “J’ai milité pour changer ça.” Pour que les femmes soient également remplacées lors de leur grossesse.
Où et quand ? Le 33e Sommet de l'élevage a lieu du mardi 1er au vendredi 4 octobre à la Grande Halle d'Auvergne de Clermont ; mardi au jeudi, de 8 h 30 à 19 heures ; le vendredi, de 8 h 30 à 17 heures. Tarifs : adulte, 14 € ; groupe, 7 € ; gratuit pour les -14 ans, visiteurs internationaux et DOM-TOM et pour les personnes en situation de handicap.
Gaëlle Chazal