Pourquoi les frais de scolarité des grandes écoles de commerce ont autant augmenté
Les frais de scolarité dans les grandes écoles de commerce ont fortement augmenté depuis dix ans. Etudiants et familles s'interrogent. Selon le site spécialisé Planète grandes écoles, en 2011, les grandes écoles de management figurant dans le top 15 affichaient des frais de scolarité entre 30.000 et 40.000 euros. 17 écoles proposaient leur Programme Grande École entre 20.000 et 30.000 euros ; Institut Mines-Télécom Business School et EM Strasbourg proposaient même des frais de scolarité inférieurs à 20.000 euros pour les trois années.
Treize ans plus tard, les coûts ont explosé. Les grandes écoles du top 3 ont dépassé le seuil des 60.000 euros pour les étudiants suivant l’intégralité du Programme Grande École. Onze affichent des frais de scolarité compris entre 40.000 et 50.000 euros ; 5 entre 30.000 et 40.000 euros et seulement 2 proposent des frais inférieurs à 30.000 euros. "En treize ans, les frais de scolarité de HEC Paris ont augmenté de 80,67 % alors que la moyenne nationale est de 83,68 %", écrit Planète grandes écoles.
Compétition internationale et quête de prestigePourquoi cette inflation ? « Nous sommes confrontés à la concurrence internationale. Pour attirer les meilleurs talents, que ce soit parmi les professeurs, les élèves ou les chercheurs, il faut proposer une expérience de très haute qualité", explique Emmanuel Métais, directeur général de l'Edhec et représentant de Conférence des directeurs des écoles françaises de management (CDEFM).
La course aux classements mondiaux, comme ceux du Financial Times ou du QS World University Rankings, pousse les écoles de commerce à investir massivement dans leurs programmes, infrastructures et services. Des efforts qui permettent non seulement de maintenir leur compétitivité, mais aussi d’attirer des étudiants issus du monde entier. "Cela a un coût, que nous devons répercuter en partie sur les frais de scolarité", indique Emmanuel Métais.
Investissements dans l’innovation et la rechercheLes écoles de commerce investissent aussi de plus en plus dans l'innovation pédagogique pour répondre aux exigences des nouvelles générations d’étudiants et des entreprises. "il faut investir dans les salles connectées,dans le matériel informatique, dans l'intelligence artificielle,dans le cloud… Tout cela représente des investissements substantiels", note Emmanuel Métais. De plus, les écoles doivent s’adapter en permanence aux nouveaux enjeux de la transformation numérique et de la durabilité, ce qui nécessite des programmes et des ressources coûteuses. "Il faut aujourd'hui travailler sur le bilan thermique, le bilan carbone. L’innovation est clé, et cela se ressent dans les frais".
Quand on est confronté à la concurrence internationale, on veut les meilleurs talents, les meilleurs profs, les meilleurs élèves, les meilleurs chercheurs... Ce sont des ressources humaines qui sont rares et donc pour lesquelles il faut payer. Il faut rendre nos campus les plus attractifs possibles.
Baisse des subventions publiquesUn autre facteur essentiel de la hausse des frais de scolarité réside dans la réduction des subventions publiques, nombre de business school rattachées aux CCI (Chambre de commerce et de l’industrie) ayant vu ces dernières se désengager. "On reçoit une subvention de quelques centaines d'euros par étudiant ; ça ne représente même pas 2 % de notre budget. Ça pose la question du modèle économique. Comment faire pour financer ces investissements ? Si je prends le cas de l'Edhec, on arrive à monétiser la recherche assez bien", souligne Emmanuel Métais.
Ce qui fait la différence entre les écoles du haut de tableau et les autres, c'est la philanthropie, c'est-à-dire la recherche de dons, la capacité à aller chercher de l'argent auprès des diplômés, ce que font à merveille les grandes écoles américaines, comme Harvard Business School
Retour sur investissementToutefois, Emmanuel Métais insiste sur le fait que le retour sur investissement est réel pour les étudiants. "Certes, les frais de scolarité ont augmenté sensiblement sur quinze ans pour faire face à la concurrence internationale et proposer une expérience toujours meilleure aux élèves. Mais à l'Edhec, les salaires à la sortie progressent plus vite pour ce qui nous que les frais de scolarité."
Reste, conclut le représentant de la Conférence des Directeurs des Écoles Françaises de Management (CDEFM), que les frais de scolarité ne doivent pas être un obstacle à l'accès aux grandes écoles pour les plus défavorisés. "C'est pour cela que des écoles se bagarrent pour lever de l'argent, pour que l'État ne nous abandonne pas sur l'apprentissage, qui vraiment permet l'ouverture sociale. On n'a pas envie de voir les frais exploser. Mais on est dans une concurrence mondiale qui nous oblige à investir."
Nicolas Faucon