La recette d’une décennie de succès pour la brasserie puydomoise L'Atelier du Malt
Voilà maintenant précisément dix ans que L’atelier du Malt diffuse ses bières artisanales dans le Puy-de-Dôme, la Loire, le Cantal, l’Allier ou encore la Haute-Loire. Hugues Selvaggini, son fondateur et unique employé, a donc vécu de l’intérieur le "bouillonnement" de cette filière apparue au début des années 2020, qui a fait passer le nombre de brasseries artisanales en Auvergne de 12 en 2015, à 40 en fin d’année 2023.
Filière "en crise"Explosion de l’offre, donc de la concurrence. Hausse des coûts de production. Baisse globale de la consommation d’alcool et donc de bière. "La filière traverse une crise", affirme Hugues Selvaggini. Mais L’atelier du Malt résiste. "J’ai plusieurs années d’activité derrière moi, une clientèle fidèle. Quand la crise du Covid est arrivée, j’avais déjà remboursé mes prêts. Si j’avais commencé à ce moment-là, je n’aurais pas tenu car les trois premières années sont difficiles économiquement", retrace le brasseur.
Le changement de conjoncture a tout de même nécessité quelques ajustements pour cette entreprise basée à Courpière. "La hausse de la concurrence s’est ressentie sur le panier moyen, explique Hugues Selvaggini. Mais la perte se reporte ailleurs : je continue d’avoir de nouveaux clients, bien que cela nécessite d’être plus présent commercialement, de démarcher davantage. Le marché s’émiette et il devient plus compliqué d’aller chercher les débouchés."
Outre la vente directe à la brasserie et les événements festifs, 90 % de ses clients sont des professionnels : cavistes, épiceries, fromageries et surtout restaurants, ce qui a façonné la gamme proposée par L’atelier du Malt. "Je me suis plutôt éloigné du créneau très “craft” avec des bières de style ipa, neipa, sour [types de bières, ndlr]… Leur clientèle est plus infidèle, en recherche de nouveauté, ce qui nécessite beaucoup de R & D [recherche et développement, ndlr], une plus grosse équipe avec des graphistes à temps plein pour les étiquettes. De plus, les boutiques spécialisées en ont déjà des mètres carrés et il est difficile de se démarquer lorsque l’on est mis en concurrence avec des bières du monde entier."
Des gammes pérennes, des séries limitéesLes canettes, par exemple, qui ont connu un gros effet de mode dernièrement, sont inaccessibles pour Hugues Selvaggini. "Dans un restaurant, ça ne passe pas du tout." Il propose donc deux gammes. D’un côté, cinq bières permanentes et deux saisonnières. De l’autre, huit ou neuf bières passagères, en série limitée. Certaines sont au safran, en collaboration avec Safran d’Auvergne (Marsac-en-Livradois). D’autres aux myrtilles sauvages récoltées par Menadier et fils (Courpière). D’autres encore au miel récolté par Béatrice Peyrachon, apicultrice à Bort-l’Etang.
"Cela permet de maintenir l’intérêt sur la marque. Mais l’idée est surtout de mettre en avant les producteurs locaux, montrer que l’on est tous imbriqués. C’est plus une aventure humaine qu’économique", explique le brasseur.
Ce dernier se fournit en partie en houblon chez Cours Cocotte, première houblonnière puydomoise. Pour ce qui est du malt, "acheter localement m’obligerait à transposer toutes mes recettes, car le type que j’utilise n’est pas produit ici. Mais je compte bien en acheter à terme, pour amener au moins une touche locale".
Depuis peu, Hugues Selvaggini propose également de réaliser des bières floquées au nom d’une entreprise, comme il l’a déjà fait pour les Haras du Petit Pont à Arlanc ou pour Safran d’Auvergne. "C’est un axe de développement qui, je l’espère, va prendre de l’ampleur", se projette le brasseur.
Optimiste, il compte bien continuer à appliquer la recette qui lui a valu le succès, jusqu’à ce que le marché "se stabilise". Et puis le climat actuel n’est peut-être pas si mauvais pour les brasseurs. "Les mauvaises nouvelles s’accumulent, donc les gens ont besoin d’oublier", plaisante Hugues Selvaggini.
Louise Llavori