"J'ai peur. On vient de franchir un palier..." : une commerçante du quartier Saint-Jacques, à Clermont-Ferrand, menacée
La voix chevrotante, la Clermontoise peine à servir ses clients. Choquée, elle partage ses peurs, soutenue par les paroles réconfortantes de ses clients venus en nombre. Quelques heures plus tôt, au lever du jour, elle s'est retrouvée seule face à un dealer menaçant.
"Je n'ai pas voulu lui faire cadeau de ce qu'il m'a pris. Il s'est largement servi et il lui manquait de l'argent. Il est devenu très agressif. Il m'a alors fixé droit dans les yeux, avant de me menacer. Il m'a dit que j'avais de la chance pour cette fois-ci... laissant entendre que la prochaine fois ça serait pire..."
Les larmes au bord des yeux, la commerçante avoue s'être accrochée à ce bouton de sécurité placé sous sa caisse. "Heureusement que j'ai cela et puis les caméras... Je me suis sentie bien seule."
Une nouvelle équipe de dealersInstallée depuis près de 20 ans dans le quartier, la quinquagénaire a vu la situation se dégrader depuis deux ans. "Avant, ils dealaient dans la muraille de Chine, ils ont été délogés, ils sont chez nous maintenant. Ils trafiquent devant nos portes !" Pire, depuis trois semaines, une nouvelle équipe, beaucoup plus agressive, "terrorise le quartier et ses commerçants, assure-t-elle. On sent que ce ne sont pas les mêmes. Ils ne sont pas du coin."
Et à l'heure d'aller déposer plainte, la commerçante ne se fait guère d'illusion. Son mari, lui-même agressé il y a quelque temps, non plus. "Moi, ils m'ont volé un couteau à pain et j'ai failli me faire poignarder. J'ai déposé plainte et ça a servi à quoi ?", lance-t-il, agacé. "Rien ne change ici. On est abandonné ! C'est vraiment à désespérer !"
En attendant des jours qu'elle espère meilleurs, la Clermontoise s'accroche à son commerce, à sa vie, à ce quartier où elle a passé toute son enfance. "Ça empire... Heureusement que mes enfants ne sont plus là. Mais j'estime que ce n'est pas à moi de partir."
La peur du lendemainEt demain ? "J'ai peur. On vient de franchir un palier... On va changer nos horaires avec mon mari afin que je ne sois plus seule, ni mon employée d'ailleurs", détaille la mère de famille qui se demande encore comment on est arrivé là. "J'étais étudiante rue Baudelaire. J'ai traversé le quartier des milliers de fois sans jamais avoir peur. Aujourd'hui, j'ai 53 ans, et pour la première fois, j'ai peur."
Hasard du calendrier, à quelques mètres de là étaient lancés ce samedi matin, le chantier des futurs jardins de la Muraille.
Carole Eon