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Comment le terme de "narchomicide" a remplacé celui de "règlement de comptes"

"Ce mot était passé dans le langage courant, car il avait du sens pour tout le monde, il décrivait enfin un phénomène des violences faites aux femmes qui passait auparavant sous les radars", explique à l'AFP Dominique Laurens, procureure de la République de Marseille jusqu'à l'automne 2023.

"+Narchomicide+, c'était l'association, entre +homicide+ et +narcobanditisme+, et cela permettait de mieux montrer la réalité des victimes des trafics de stupéfiants", poursuit celle qui est aujourd'hui procureure générale à la cour d'appel de Reims.

Une réalité toujours présente à Marseille.

Mercredi, c'est un adolescent de 15 ans qui est sauvagement assassiné, poignardé à une cinquantaine de reprises puis brûlé vif, cité Fonscolombes, dans un de ces quartiers gangrénés par les trafics de stupéfiants.

Deux jours plus tard, vendredi, c'est un chauffeur de VTC de 36 ans qui perd la vie, abattu d'une balle dans la tête par un adolescent encore plus jeune, 14 ans cette fois. Celui-ci aurait perdu ses nerfs alors qu'il s'apprêtait à exécuter un contrat pour le gang de la "DZ Mafia", aller tuer un membre du clan des "Blacks", pour 50.000 euros.

Deux victimes de plus de ces "narchomicides" qui endeuillent depuis des années la deuxième ville de France. Les 16e et 17e cette année, après un niveau record de 49 en 2023.
"Qu'est-ce qu'on a loupé ?"
Il y a quelques mois, ces deux victimes de la guerre entre trafiquants de stupéfiants auraient pourtant été "invisibilisées", noyées au milieu des homicides, souligne Mme Laurens.

"Le terme de +règlement de comptes+ commençait à m'agacer sérieusement", raconte-t-elle: "Il donnait une fausse idée du narcobanditisme et de ses victimes, en sous-évaluant le phénomène".

De fait, les critères très stricts des "réglos", forgés par la police judiciaire dans les années 2010, excluaient de nombreux morts de cette guerre des gangs pour le contrôle des lucratifs points de deals: "Il fallait que l'homicide se situe dans le cadre d'un trafic de stupéfiants avéré, que la personne assassinée soit une tête de réseau et que l'arme utilisée soit une arme de guerre lourde", rappelle la magistrate.

Avec ces critères, l'adolescent de 15 ans mort mercredi aurait été "la banale victime d'une rixe entre jeunes", et l'homme tué vendredi aurait été catalogué "dans les homicides lambdas", souligne-t-elle.

C'est dans l'émission de France Culture "Les termes du débat", le 26 mai 2023, qu'elle lâche pour la première fois le mot de "narchomicide", lors d'un débat avec le sociologue Thomas Sauvadet sur la notion de "règlement de comptes".

Puis elle officialise pour la première fois ce nouveau mot dans un communiqué par mail du 1er septembre 2023, titré "narchomicide les Rosiers 31 08". La veille, deux hommes de 26 et 23 ans avaient été tués par balles, cité des Rosiers puis cité des Micocouliers, deux cités du 14e arrondissement.

Mais les victimes ne cessent de rajeunir, avec 7 morts mineurs sur 49 en 2023 et déjà 3 sur 17 en 2024.

Et les tueurs eux aussi sont de plus en plus jeunes, comme Matteo, 18 ans, interpellé début avril 2023 quelques heures à peine après avoir abattu Kaïs et Djibril, 16 et 15 ans. Ou comme cet enfant de 14 ans interpellé vendredi.

"Qu'est ce qu'on a loupé avec ces gamins là ?", s'interroge Mme Laurens, face à ces enfants utilisés comme de "la chair à canon" par les trafiquants, "comme dans le terrorisme".

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