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La fourme d’Ambert AOP produite et affinée à la ferme : un fromage rare qui exige un savoir-faire pointu

Onze producteurs entre le Livradois, la Chaîne des Puys, les contreforts du Sancy et le nord du Cantal produisent et affinent de la fourme d’Ambert AOC fermière. C’est un peu plus que le bleu d’Auvergne AOP, qui ne compte que huit producteurs fermiers sur une zone d’appellation encore plus vaste. C’est beaucoup moins que le salers, le cantal ou le saint-nectaire qui en fédèrent des dizaines. À titre de comparaison, 200 exploitations produisent du saint-nectaire AOP fermier dans le périmètre du massif du Sancy. Historiquement, ce sont les laiteries qui ont porté l’essor des pâtes persillées en Auvergne. Contrairement au saint-nectaire, au salers ou au cantal, « il n’y a pas d’affineurs dédiés pour les bleus d’Auvergne. Nos producteurs fermiers affinent et commercialisent eux-mêmes leurs fromages », distingue Aurélien Vorger, le directeur du syndicat interprofessionnel de la fourme d’Ambert.

La famille Vergnol a la fibre fromagère

Durant une dizaine d’années Dominique Vergnol a navigué en solitaire. Il est le précurseur de la fourme d’Ambert fermière. Aujourd’hui âgé de 53 ans, il passe toujours cinq jours par semaine dans la fromagerie qu’il a créée il y a vingt-cinq ans au sein de la ferme familale des Croix de Chazelles, au-dessus des gorges d’Avèze.

Dominique a fait un tour de France quasi compagnonnique des écoles nationales des industries laitières (ENIL) pour convaincre ses deux aînés, Christophe et Bertrand, qu’ils pouvaient valoriser le lait de leurs montbeliardes à la ferme. « De l’idée à la réalisation, il s’est quand même passé sept ans », sourit le benjamin de la fratrie.

Dominique Vergnol n’est pas parti d’une page tout à fait blanche. En 1908, les fromages bleus de l’arrière grand-père Louis Vergnol étaient primés à Paris. Une petite fromagerie artisanale a prospéré aux Croix de Chazelles avant-guerre et durant les Trente Glorieuses. La flamme s’est éteinte durant une vingtaine d’années avant d’être rallumée par la fratrie.

Dominique Vergnol et ses fourmes d'Ambert fermières  à l'affinage  

Ces précurseurs transforment aujourd’hui les deux tiers de leur production laitière en fourme d’Ambert et bleu d’Auvergne AOP, auxquels s’ajoute un petit bleu « maison », le bleu d’Avèze. Léo Vergnol a rejoint son oncle Dominique à la fromagerie. La ferme des Croix de Chazelles, qui écoule une majeure partie de ses fromages chez des grossistes, est devenue une vitrine pour les pâtes persillées auvergnates et joue depuis plusieurs années la carte de l’agritourisme.

Le fromage plutôt que l’agrandissement du cheptel

Cette réussite a valeur d’exemple car, comme le concède Aurélien Verger, la vente directe de fourme d’Ambert n’offre pas les mêmes perspectives économiques que d’autres AOP auvergnates : « On ne consomme pas de la fourme d’Ambert comme du saint-nectaire, c’est plus dur de faire du volume ». Quand ils se rendent à la ferme, les particuliers repartent volontiers avec un saint-nectaire entier. Avec un « cylindre » de fourme de 2 kg, c’est plus rare.

Autre raison du développement mesuré de la production fermière de la fourme d’Ambert : le savoir-faire de la pâte persillée « n’est pas si évident à maîtriser et il faut atteindre une régularité », signale Aurélien Vorger. La bonne coopération entre laiteries et producteurs fermiers permet le « financement d’un accompagnement technique » au profit des fromageries artisanales, précise le directeur de l’interprofession.

Le caillé du bleu d'Aveze à la ferme Vergnol, avec les caractéristiques grains "coiffés" La famille Brugière d’Avèze livre depuis des décennies son lait à la coopérative laitière de Tauves qui en fait des fromages AOP. Frédéric Brugière a pris la suite de son père, René, en 2014, mais seul avec quarante-cinq prim’hosltein, il avait besoin de soutien. Chance, à quelques centaines de mètres de la ferme, poussait une vocation. Ses parents ne sont pas agriculteurs mais Erwan Bellot, solide garçon d’Avèze, ne s’imaginait pas faire autre chose. De coups de main en stages, un lien s’est noué avec la famille Brugière. Depuis l’an passé, Frédéric ; 45 ans et Erwan, 23 ans, sont associés.

Depuis l’an passé, Frédéric ; 45 ans ( à droite)  et Erwan, 23 ans, sont associés au sein, du Gaec d' Avèze Installé hors cadre familial et sans gros capital de départ, ce jeune  homme déterminé a misé sur l’apport de compétences nouvelles. « Plutôt que d’augmenter le cheptel, on a préféré faire du fromage », résume son associé. Les prim’holstein passent toute la belle saison au pré : « On a 17 hectares autour de la ferme », signale Frédéric Brugière. Après la traite, les laitières retournent brouter. Les prés de fauche assurent les rations hivernales quand les vaches sont rentrées. Erwan Bellot a complété son BTS en alternance par une formation fromagère à l’ENILV d’Aurillac. C’est sûr de son savoir-faire qu’il fait visiter la fromagerie flambant neuve du Gaec d’Avèze. Épaulé par Cédric Chadeyron, un fromager confirmé, le jeune agriculeur transforme un tiers du lait de l’exploitation :  « On produit deux jours par semaine, on espère monter en puissance », annonce Erwan, qui ne ménage pas sa peine pour faire connaître son « Avezoune », notamment sur les marchés (Le Mont-Dore, foire de Giat…).

Les précurseurs et les nouveaux sont voisins 

Cette fourme d’Ambert, dont le ferment a été choisi avec soin, parvient à ne céder en rien sur le caractère, tout en recherchant une certaine « douceur » qui lui permet de fondre dans tous les palais. Erwan Bellot a choisi de saler « à sec », il retourne ses fourmes sept fois et gratte les croûtes régulièrement en cave : la fourme d’Ambert nécessite de nombreuses manipulations mais cultive une certaine modestie côté tarifs. Depuis un an, Avèze, 170 habitants, peut donc s’enorgueillir d’héberger les précurseurs et les derniers arrivés parmi les producteurs fermiers de fourme d’Ambert AOP. Ce qui fait deux bonnes raisons d’aller déguster. Si Dominique Vergnol ne fait « jamais les concours », ses voisins du Gaec d’Avèze viennent de se donner un peu de visibilité en décrochant un podium aux Fermiers d’or décernés dans le cadre du Sommet de l’Élevage.

Julien Rapegno

Fourme d’Ambert fermière AOP à Avèze (63). Gaec des Croix de Chazelles, famille Vergnol. Tel : 04.73.21.19.28 et Gaec d’Avèze, Frédéric Brugière et Erwan Bellot : 06.38.83.29.19 ou 07.60.06.31.83.

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