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Hausse des tarifs de l'électricité : "La volatilité des prix va tout changer pour les Français"

A l’avenir, quel élément influencera le plus les factures d’électricité des Français ? La hausse des prix ou bien la volatilité accrue sur les marchés ? Alors que le gouvernement s’apprête à présenter, ce jeudi 10 octobre, ses arbitrages budgétaires destinés à combler le déficit de la France, de nombreux ménages craignent un relèvement de la fiscalité sur l’énergie. Un sujet particulièrement sensible alors que les prix de l’électricité ont augmenté de 40 % ces deux dernières années.

"Cependant, une autre tendance, tout aussi importante pour les consommateurs, est à l’œuvre : avec l’intégration grandissante des panneaux solaires et des éoliennes dans le réseau national, les variations de prix dans la journée vont s’amplifier sur les marchés", prévient Mathieu Horn, le dirigeant de triPica, une société française dont le but est d'accélérer le développement de nouveaux modèles économiques dans le secteur de l'énergie, grâce à une plateforme reposant sur l’intelligence artificielle. La bonne nouvelle ? Les ménages peuvent en profiter pour réaliser des économies substantielles. A condition que les contrats de tarification dynamique se développent suffisamment en France.

L'Express : Pourquoi la volatilité des prix va-t-elle devenir un élément clé ?

Mathieu Horn : Nous entrons dans un monde où la production d’énergie est décentralisée avec de plus en plus d’énergies renouvelables, des panneaux solaires sur les toits, des batteries personnelles de voitures permettant de restituer de l’énergie dans le réseau électrique… Cela crée de l’intermittence bien entendu mais aussi de la volatilité sur les marchés. Par exemple, l’électron en plein après-midi un jour de beau temps ne coûte presque plus rien. Il peut même y avoir des périodes durant lesquelles les prix de l’énergie restent négatifs !

Tout cela préfigure une évolution forte chez les fournisseurs d’énergie. Avant, les clients s’abonnaient, payaient la même chose tous les mois et recevaient une facture de régularisation à la fin de l’année. Ce monde-là touche à sa fin. Désormais, pour tenir compte de l’autoconsommation et de la réinjection dans le réseau, les fournisseurs d’énergie vont vers de nouveaux types de contrats prenant en compte l’évolution des prix sur les marchés. En France, il reste encore un long chemin à parcourir en la matière. Mais dans les pays du Nord de l’Europe, cette tarification dynamique est déjà la norme. Souvent, je discute avec des acteurs qui souhaitent s’installer en France. Ils s’étonnent et ne comprennent pas pourquoi ce genre de modèle ne s’est pas encore développé chez nous. Nous avons la technologie pour le faire.

La volatilité est souvent considérée comme quelque chose de négatif. Quels peuvent en être les bénéfices pour les ménages ?

L’idée est de consommer de l’énergie quand l’énergie est la moins chère afin de réduire les factures et de l’envoyer dans le réseau lorsqu’elle a de la valeur ce qui suppose de la stocker au préalable dans une batterie. Il y a quelques jours, Renault et Mobilize Power ont lancé une offre de ce type. Les propriétaires d'une R5 électrique peuvent souscrire à un contrat d’électricité. Quand ils branchent leur véhicule le soir, celui-ci peut se décharger lorsque de réseau en a besoin, par exemple à 18 heures au moment du pic. L’électricité stockée dans le véhicule, qui a énormément de valeur à ce moment-là, est revendue sur le marché. Cela génère une marge qui est partagée entre le fournisseur d’énergie et le possesseur de la R5.

La revente d’électricité peut-elle vraiment avoir un impact sur les finances des ménages ? N’y a-t-il pas un mythe à déconstruire sur ce point ?

Au contraire, il y a toute une histoire à construire. Nous n’en sommes qu’au début. En France, à peine 5 % des foyers sont équipés de panneaux solaires. En Australie, ils sont déjà 30 % à réduire les factures de cette manière et 20 % des maisons sont équipées d’une batterie. Comment va se passer le partage de la valeur entre l’utilisateur et le fournisseur ? Au départ, les fournisseurs essayeront sans doute d’en garder l’essentiel chez eux.

Mais cela ne durera pas en raison de la concurrence. Regardez ce qu’il s’est passé dans les télécoms. On a commencé par des forfaits de 50 mégas à 15 euros par mois. Maintenant, pour 10 euros, on dispose de 150 gigas. Donc, il faut faire confiance au marché. Celui-ci finira par se structurer. Le but final est d’arriver à une baisse de 30 % à 50 % par rapport au prix standard. Si les ménages n’économisent pas autant, ils ne feront sans doute pas l’effort de s’équiper en panneaux solaires ou en batteries.

Concrètement, les ménages vont devoir surveiller l’électricité comme l’huile sur le feu à l’avenir ?

Oui. Le modèle actuel de facturation basé sur un tarif réglementé ne va pas disparaître. Mais ce n’est pas là où les ménages feront les meilleures affaires. A l’avenir, il faudra regarder l’ensemble des options disponibles pour espérer payer moins cher : les batteries, les panneaux solaires, les véhicules électriques de type R5 équipés de chargeur bidirectionnel, la consommation en heure creuse… Récemment, le danois Barry a tenté de s’implanter en France avec une offre de tarification dynamique. Le prix de l’électricité de ce contrat variait toutes les 30 minutes. C’était peut-être excessif.

Les utilisateurs n’ont pas vocation à regarder en permanence les évolutions du marché. C’est pourquoi l’automatisation ira sans doute de pair avec les futures options de tarification dynamique. Avec les compteurs Linky, on est déjà capables de mesurer - moyennant une manipulation - la consommation des différents équipements d’un foyer. L’étape suivante sera de les piloter pour éviter de payer le prix fort. Par exemple, en période de tension sur les marchés, on peut imaginer un chauffage qui fonctionne pendant 15 minutes puis qui s’arrête pendant 15 minutes et ainsi de suite.

Combien de temps ces changements vont-ils prendre ?

Nous avons en France le syndrome du village gaulois qui résiste encore et toujours à l’envahisseur. Dans les télécoms, il a suffi de vingt ans pour franchir de nombreuses étapes : l’arrivée des mobiles, de la data, la 3G, la 4G puis la 5G. Dans l’énergie, nous sommes encore au début de cette évolution. Et le cycle sera sans doute plus long car il n’est pas entièrement lié au besoin des consommateurs. Le changement climatique rend en effet nécessaire de décarboner l’énergie et de changer nos pratiques ce qui provoque quelques réticences. Mais in fine, rien n’arrêtera cette tendance à l’innovation.

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