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Mais que se passe-t-il le soir à l'internat du lycée Virlogeux, à Riom ?

Il est 18 heures à Riom, les derniers élèves poussent le tourniquet du lycée Virlogeux. Certains s’attardent encore un peu sur le trottoir. Discutent. Prennent quelques minutes avant de rentrer chez eux.

Avant le repas.

"On connaît tout le monde"

Derrière eux, il y a ces bâtiments d’une ancienne caserne, ce réfectoire tout en verrière, la cour arborée, et les linos délavés des couloirs… Et pour 130 élèves, c’est tout cela « chez eux ». Ils sont internes et vous êtes ici dans LEUR lycée. « Il y a un truc en plus par rapport aux autres élèves », avance Ydris. Trois ans qu’il est interne. Virlo, c’est chez lui. 

On est plus à l’aise dans le lycée que les autres. Tu connais les potes des autres internes, donc tu connais tout le monde. On connaît les pions. Ils nous parlent de leur vie, on leur parle de la nôtre. 

Pour la plupart, l’internat évite les heures de bus matin et soir. Un confort. Pour d’autres, plus rares, c’est parce que « je suis mieux ici, même si je n’habite pas loin » ou parce qu’« on est cinq enfants, c’est plus facile de travailler ici, et franchement je suis plus libre ».

Le lycée ne doit pas être une prison

Mais alors, c’est quoi la vie d’un internat ? Une vie rythmée et bien cadrée. Retour à la sortie de 18 heures. Pour les internes, le début d’une heure de liberté. Passée en chambres. Ils se les partagent à deux ou trois, répartis dans six dortoirs. Quatre pour les filles, deux pour les garçons. Chaque dortoir sous la responsabilité d’un surveillant. Et si l’ambiance est très sage, on trouve tout de même quelques élèves qui se courent après avec un oreiller en riant. Presque un cliché.

Prendre un peu d'avance... « Nous devons faire régner l’autorité, mais c’est aussi un accompagnement, parce que le lycée ça doit être un bon moment, pas une prison. » Yanis est en Master 2 en Staps. Depuis trois ans, cet étudiant de 24 ans passe ses journées en cours et quelques nuits par semaine ici. Décontracte dans son grand jogging. « On nous conseille de ne pas entrer dans l’intimité, mais s’ils ont un problème, je veux qu’ils puissent m’en parler. »

"On est comme une famille"

Dans la chambre voisine, Nathan, en 1re, et Louka, en term. Brisons tout de suite le suspense : tous les élèves que nous avons rencontrés sont ravis d’être interne. « C’est trop bien. On est une petite famille », s’enthousiasme Louka. « Carrément, on est une famille. On se dit bonjour le matin, petit déj, on va bosser et on se retrouve le soir », se marre Nathan. Ces deux-là, comme tous les autres, se sont choisis comme coloc. Même si Nathan ne savait peut-être pas Louka aussi maniaque sur le rangement. « Pas maniaque… J’aime bien quand c’est propre, quoi. » À 19 heures, direction le self. « Ouais, c’est un peu tôt pour manger par contre », sourit Nathan. Dans la cour, Zoé et Noélie traînent encore un peu. La première nous confirme ce que tous les garçons nous ont dit : les dortoirs des filles sont plus stricts. Noélie vient d’arriver à Virlo pour l’option théâtre et pour elle, « ça m’a l’air cool ». Allez, à table.

A table, à l'heure d'un Ehpad.

Les élèves attrapent un plateau. Salue Betty. « Je peux laisser mon sac ici ? », « Bien sûr, vas-y ». Betty assure avec ses collègues de 11 h 40 à 20 heures. D’autres seront là demain à 6 heures pour le petit-déjeuner. « Nos internes, on les connaît bien. On connaît les végétariens, ceux qui ne mangent pas de porc… Certains se livrent, parce que c’est plus facile de parler avec nous qu’avec la hiérarchie. »

Inconnues il y a deux semaines, super amies aujourd'hui

Devant elle, une table de secondes. Elles viennent de Saint-Gervais, Pontaumur ou Saint-Georges. Elles découvrent l’internat. Et elles kiffent. « On se prête nos vêtements, nos chaussures », s’amuse Juliette.

Ces filles, je ne les connaissais pas il y a deux semaines. Là, on est super amies. On dirait une colo en fait », renchérit Elijah.

Laura et Zélie sont du même avis, sauf qu’« on est dans la même classe, les mêmes options, et dans la même chambre, à la fin de la journée, on ne se supporte plus. » Éclat de rire en tapant sur l’épaule de Noé qui tente d’en placer une dans cette tablée de filles.

Ils n'ont pas l'air heureux ces jeunes. 19 h 20, il est temps de rapporter les assiettes dans lesquelles trônent encore les sempiternels épinards. « Pas terrible, mais on a amené un Burger King dans la chambre avant. Mais chut… » Direction l’étude.

Claquettes-chaussettes

C’est la partie studieuse de l’emploi du temps. Une heure et demie. Tous les jours. « Chez moi, je fais jamais les devoirs », dit Elijah. « Ouais, on n’a pas envie de bosser à la maison », estime Zélie. Ici encore, les avis sont unanimes : ils travaillent bien plus qu’ils ne le feraient chez leurs parents. Même si, une heure et demie, quand on n’a pas de devoir, c’est un peu long. « Sauf que chez moi, je peux rester 3 h 30 devant les cahiers et ne rien faire. Ici, je fais 1 h 30 à fond », résume Nathan. Avant l’étude, quelques minutes de détente dans la cour. Le royaume des jogging-claquettes-chaussettes. Comme à la maison. Il y a trente ans, ce serait la pause cigarette. Mais l’établissement estime à trois le nombre de fumeurs chez les internes. Les temps changent.

Claquettes-chaussettes La sonnerie retentit. Comme pour un cours. Quatre salles sont allouées à l’étude, plus des devoirs accompagnés et un accès aux ordinateurs. On travaille, mais, comme un symbole, les portes restent ouvertes. Toujours cet équilibre entre autonomie et autorité. Lise est en M2 de professeur des écoles. C’est sa première année comme surveillante. Évidemment, elle aide les élèves dans leurs devoirs. « Bon, sur les maths, c’est pas gagné. L’étude, c’est le moment le plus turbulent, parce qu’ils sont obligés de travailler. Alors la dernière demi-heure je les laisse un peu discuter. » Turbulent ? On entend une mouche voler, et même elle, essaie de le faire sans bruit.

Soirée portes ouvertes Restons sur ces images de calme des premières minutes. En sortant, Gaëlle Boniface grimpe les grands escaliers. Elle est l’une des trois CPE du lycée. Chaque soir, l’un d’eux est d’astreinte à l’internat. Deux dorment même sur place. Il faut réaliser le nombre de personnes mobilisées pour la vie de ce petit village. « Ce sont des crèmes ici, de vrais bons gamins. Ils sont un peu chez eux ici. C’est comme leur deuxième maison. » En se rendant aux salles d’étude, elle interpelle une élève au téléphone. « Tu fais quoi ? », « Je dois appeler ma mère », « OK ».

Mousse à raser à deux heures du matin

Redescendre les escaliers. Traverser la cour. Entrer au Vi’Box, le lieu de vie étudiant. Sacha y organise une partie de Time’s Up. « Le lundi c’est film, le jeudi sport, mardi jeux… » Nous sommes mardi, ils sont dix à jouer et le mime à deviner était « canoé-kayak ».

Time's up Un peu plus loin, une table de cinq. Trois term, deux 1re. On retrouve Ydris. Ils n’avaient pas de devoir. Ou « la flemme ce soir ». Ils sont de vieux routards ici. Est-ce que l’internat est aussi cool que ça ? « Oui. » Et aussi sage ? Silence. L’un d’eux sort son téléphone. Les photos défilent. Des visages et des torses recouverts de mousse à raser. « C’était pour son anniversaire. On l’a surpris à deux heures du matin. » Rien de bien méchant. Nous faisons ici confiance aux autorités du lycée pour ne pas utiliser cet article à charge contre des ados de 17 ans qui n’oublient pas de vivre.

Jamais seul

À leur âge, le point noir est plutôt du côté du manque de solitude. « L’an passé, il y avait tout le temps quelqu’un dans notre chambre, c’était le repère », explique Basile et Ydris. « Ouais, parfois on demande à nos potes de nous laisser, sinon on n’est jamais seul », explique Ethan. « Si tu me demandes, jamais je pars », se marre Ydris.

Quant à savoir si, après le bac, ils retourneront chez leurs parents. Ydris, Basile, Ethan, comme Nathan, Louka, Zoé, Juliette ou Laura. Tous sont unanimes. « Difficile. » Quand on a goûté à la liberté… Il est un peu plus de 21 heures. Temps pour nous de s’éclipser. C’est l’heure de la douche. De l’intimité. À 22 heures, extinction des feux. Certains « discuteront jusqu’à 1 heure du matin, mais en chuchotant pour ne pas déranger », d’autres s’endormiront « direct après une journée avec deux interros ». Et demain débutera une nouvelle journée pour cette grande famille. 

Téléphone 22 heures, extinction des feux. Et portable posé. Enfin, dans les textes. Mais dans les faits, les internes sont seuls dans leur chambre. Comment gérer cela ? Yanis le surveillant essaie « de les sensibiliser à la santé ». En fait, CPE, surveillants, profs gardent surtout un œil attentif sur l’état de fatigue. Symptôme qui ne trompe pas. N’hésitant pas à échanger avec les parents aussi. Mais du côté des élèves, les choses sont plus simples. « Au début, il y en a qui dorment un peu en cours, mais ils se calment tout de suite », sourit Yanis. Propos confirmés par Nathan : « L’an passé, c’était la première fois que j’avais mon téléphone dans ma chambre. Le premier mois, j’étais mort de fatigue. J’ai arrêté. » « Si on regarde le téléphone, on est éclaté, et on n’a pas envie », résume Thaïs. Un élève nous avoue avoir « poncé » une série jusqu’à 3 heures du matin pendant une semaine. « Mais je ne le referai pas, j’étais vraiment trop éclaté. » En fait, « ici, c’est comme chez eux, donc on fait d’abord confiance », explique Lise en faisant un dernier tour du dortoir à 23 heures pour tendre l’oreille.

Simon Antony

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