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Transition écologique : le BTP à l'heure de l'action ?

" Quand le bâtiment va, tout va. " Énoncé par le député, et ancien maçon, Martin Nadaud au 19e siècle, cet adage populaire mériterait sans doute une reformulation à l'heure de l'impératif climatique. Tentons l'exercice : " quand la transition écologique du bâtiment va, tout va ? " Si la reformulation perd en rythmique, elle témoigne du rôle clé du secteur pour la transformation de notre économie. Jugez plutôt : avec 43,8 millions de tonnes équivalent CO2 (CO2e) en 2021 (source Insee), le bâtiment dans son ensemble représente 23 % des émissions nationales de gaz à effet de serre, ou GES, d'après l'ADEME. Une estimation qui englobe l'ensemble du cycle de vie du bâtiment, incluant donc sa construction, son utilisation et sa fin de vie (déconstruction). Conscient de cet enjeu, le législateur a créé un cadre favorable à l'évolution du BTP vers des pratiques plus durables, à travers - entre autres - la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) et la Réglementation Environnementale 2020. De la conception à la réalisation, en passant par la rénovation thermique des bâtiments, des possibilités d'innovation écologique sont aujourd'hui possibles à toutes les étapes du processus de construction. De quoi inciter les entreprises du secteur à s'adapter, à l'image du travail mené par plusieurs entreprises membres de la communauté du Coq Vert comme Mazaud ou Everest Isolation. 

Améliorer les procédés de construction 

Au premier rang des émissions de GES durant la construction, les matériaux. Le béton, en particulier, concentre l'attention, car sa fabrication nécessite des quantités importantes d'énergie - parfois d'origine fossile. C'est le cas également de l'acier ajouté au premier pour réaliser le béton armé. Travailler sur ces matériaux est une étape qui s'impose après la réalisation d'un bilan des émissions de gaz à effet de serre, ainsi que témoigne Cécile Mazaud, présidente de l'entreprise Mazaud, groupe multi-activités dans le domaine de la construction en région AURA (130 collaborateurs, 30 millions d'euros de chiffre d'affaires). " Nous avons engagé, dès 2020, un partenariat pour développer le béton bas carbone. Il est aujourd'hui employé sur 100 % de nos chantiers dans la métropole lyonnaise. En parallèle, nous avons expérimenté des biomatériaux comme le béton de chanvre, le béton de bois ou la brique de terre crue qui contribuent au stockage du carbone et à la préservation des ressources naturelles. Par exemple, nous venons d'achever le gros-oeuvre du centre de formation des Compagnons du Devoir et du Tour de France à Brignais. L'utilisation combinée de plus de 4 000 m3 de béton bas carbone et de plus de 1 200 m3 de béton de chanvre sur cette opération a permis la réduction des émissions de GES de 337 tonnes. " 

En phase de construction, la réduction des émissions passe donc par l'utilisation de matériaux biosourcés, dont la production est moins émissive. D'autres procédés contribuent à améliorer le bilan carbone, comme " le recours à la construction hors-site, l'optimisation des transports, la réduction des emballages, le tri et le recyclage des déchets et la collaboration en grande majorité avec des partenaires locaux ", décline la présidente du groupe Mazaud. " Nous prenons également en compte les impacts en fin de vie de nos bâtiments avec le réemploi et le recyclage des matériaux ainsi que la gestion des déchets de déconstruction. Par exemple, sur un chantier à Seynod, nous avons réutilisé sur site les bétons de déconstruction. " 

L'enjeu de la rénovation énergétique 

La construction neuve ne concerne qu'une petite partie du parc immobilier. Or, pour atteindre les objectifs de neutralité carbone de la France en 2050, ainsi que fixés par la SNBC, la mise aux normes thermiques des bâtiments existants est une priorité. Henri Casella est économiste au CSTB, spécialiste du marché de la rénovation énergétique, appuie ce point : " Le bâtiment est un secteur intéressant sur les sujets de transition, d'abord parce qu'on travaille sur un parc de logements déjà existant. Les objectifs 2050 portent sur la rénovation des 90 % de ce type de logements. " Dans la RE2020, de nombreuses mesures portent sur le confort d'été. " Mais pour la rénovation des bâtiments, les possibilités sont nombreuses : changement des huisseries, du système de chauffage, l'isolation thermique par l'extérieur, etc. Entre les gestes isolés et la rénovation globale, la performance de ces travaux est accrue lorsqu'ils sont conçus et réalisés de façon globale. " L'ambition du CSTB est de décrire finement les combinaisons de travaux qui sont efficaces par catégorie de bâtiment, en intégrant le sujet du coût important de certaines opérations comme l'isolation thermique par l'extérieur (ITE). Henri Casella complète : " Il s'agit de mettre en regard le coût de l'adaptation par rapport aux coûts de l'inaction. Les bénéfices sont principalement des coûts évités, en termes d'habitabilité des logements mais aussi de santé des occupants, comme le risque de maladie plus important ou les effets sur le sommeil. " 

Cécile Mazaud, pour le groupe éponyme, confirme l'importance de la rénovation, avec la création d'une offre dédiée aux dirigeants d'entreprises, Cézam : " Le défi le plus important reste l'amélioration du bâtiment déjà existant, nous avons développé un service global et innovant pour accompagner les chefs d'entreprise dans l'éco-rénovation de leur patrimoine tertiaire et industriel. Cézam améliore la performance environnementale et économique des bâtiments en intégrant des pratiques durables à chaque étape. " 

Prévenir les nouveaux risques pour les compagnons sur le chantier 

Quelles formes peuvent prendre ces pratiques durables ? Philippe Million, fondateur et dirigeant d'Everest Isolation dans le Vaucluse, donne des éléments de réponse. " L'ITE (isolation thermique par l'extérieur) représente un très bon compromis, car on a l'avantage de travailler à l'extérieur, on redonne un coup de neuf au bâtiment et on coupe tous les ponts thermiques. En revanche, on ne peut pas empiéter sur l'espace public, donc l'application de peintures réfléchissantes est une bonne alternative : applicable sur murs ou toits plats, elle offre des résultats impressionnants, de l'ordre de 5 à 6 degrés d'écart. Mais notre solution privilégiée est le soufflage, une technique d'isolation très performante, possible avec des matériaux biosourcés, ne produisant pratiquement pas de déchets et avantageuse en termes de coût de main d'oeuvre. "

Ces travaux d'isolation améliorent le confort thermique du bâtiment et permettent à ses occupants d'affronter les épisodes de forte chaleur de plus en plus nombreux. Les travailleurs du BTP y sont tout autant exposés, et de nouvelles mesures de prévention doivent être mises en place pour les protéger. Philippe Million se remémore la canicule de 2017 avec " des collaborateurs coincés dans des combles à plus de 45 degrés. " Passé le choc, l'entrepreneur a mis en place un plan d'action pour éviter que la situation ne se reproduise, avec des équipements supplémentaires (camels bags, gilets réfléchissants, bracelets de prévention des coups de chaleur) et des aménagements des horaires pour éviter de travailler aux heures les plus chaudes de la journée. " Les équipes rentrent de bonne heure et peuvent se reposer l'après-midi. " Le BTP en action pour s'adapter au changement climatique, à tous les niveaux.

Cet article a été publié initialement sur Big Média Transition écologique : le BTP à l'heure de l'action ?

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