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« Papa, un élève a poignardé un prof » : un an après l'attentat d'Arras, la résilience des élèves et des familles

« Papa, un élève a poignardé un prof, c’est grave. Il y a du sang. » Il est environ 11 h, ce 13 octobre 2023, quand Frédéric Alexandre reçoit un SMS de sa fille Victoria, en seconde au lycée Gambetta, à Arras (Pas-de-Calais). Dominique Bernard, 57 ans, vient d’être poignardé à mort par Mohammed Mogouchkov, un ancien élève fiché pour radicalisation islamiste.Un an après, le souvenir de ce jour reste intact, précis, gravé. « J’ai essayé de l’appeler, mais elle m’a dit qu’il ne fallait pas faire de bruit, qu’il fallait communiquer par texto, poursuit le père de famille. Elle était dans un couloir, perdue avec sa classe. Je lui ai dit de suivre le protocole d’alerte-intrusion qu’ils avaient appris depuis 2015. » En route pour le lycée, Frédéric Alexandre voit les véhicules du SAMU passer en trombe. « Là, j’ai compris qu’il se passait quelque chose de vraiment grave. »À l’intérieur de l’établissement, Victoria, avec ses camarades, s’organise. « Ils ont mis des tables devant la porte, tout ce qu’ils pouvaient. Mais ils entendaient des bruits dans les couloirs, sans savoir ce qui se passait. C’était une longue attente. »

Vers 15 h, les élèves finissent par sortir par groupes de dix. Frédéric retrouve sa fille, qui paraît d’abord calme. « Mais dès qu’elle a vu deux de ses profs, elle a couru vers eux. Elle était inquiète pour eux, même si elle venait d’arriver au lycée. »

« Ils ne se sont pas laissés pas atteindre par les discours de haine »

L’attentat a renforcé les liens entre Victoria et ses amis, estime Frédérix Alexandre. « Ce drame a soudé les élèves. Ça les a rapprochés. Ce qui m’a frappé, c’est qu’ils ne se sont pas laissés pas atteindre par les discours de haine. Pour eux, il n’y avait que cette question : comment un élève a pu faire ça ? Ils ne se posent pas de questions sur les origines, la religion, rien de tout ça. Je pense que ce qu’a dit le proviseur après l’attaque, que l’école était leur chance et qu’un prof était mort pour ça, qu’ils devaient tout faire pour réussir, ça l’a touchée. Elle travaille sans relâche. »

Moi, tout de suite, ce que j'ai fait le lendemain avec Victoria, c'est d'aller au lycée, bien qu'il soit fermé. On y va. On ne reste pas enfermé. On y va. On verra bien. "Si tu croises des profs, tu seras peut-être contente de les voir", ai-je dit. "Et puis, on ira prendre un café. On ira au Furet du Nord acheter un livre". Voilà, on a fait ça.

« Ils n'auront pas notre peur »

Un an après, la vie a repris ses droits au lycée Gambetta. « Tout est reparti très vite. J’ai accompagné ma fille pour la rentrée au collège ; personne n’a fait d’allusion à ça. Aujourd’hui, je vois toujours plein d’enfants dehors devant le bâtiment. Et c’est tant mieux. C’est comme ça qu’on arrive à vaincre les choses. En montrant qu’ils n’auront pas notre peur, que celle-ci ne s’installera pas. »Frédéric Alexandre participera à la cérémonie d’hommage ce dimanche place des Héros à Arras. « C’est important. J’avais déjà fait ça pour Charlie en 2015. En plus, ma compagne est prof de français. »

Cérémonie ce dimanche - Une cérémonie d’hommage aura lieu ce dimanche 13 octobre en présence des ministres de l’Intérieur Bruno Retailleau et de l’Education Anne Genetet à Arras. Une cérémonie pensée avec l’épouse de Dominique Bernard et ses proches comme une « séquence mémorielle culturelle », selon le maire d’Arras, Frédéric Leturque. « Nous avons tous été blessés, dit l'élu. Je me souviens qu’au lendemain de ce geste tragique, je croisais des jeunes arrageois qui me disaient : “Monsieur le maire, est-ce qu’on va pouvoir encore vivre à Arras ? Et j’ai répondu : “Bien sûr que oui”. On va se battre pour cela. La ville a été blessée, et depuis un an, nous avons travaillé ensemble pour réparer cette blessure, mais elle restera marquée. »

 

Nicolas Faucon

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