Le foyer des Albizias fête 40 ans de service auprès des adultes atteints de déficience intellectuelle dans la Creuse
Sur des murs verts, des peintures hautes en couleur ; sur des étagères, des sculptures animalières en bois. Ce n’est pas un musée mais bien le foyer occupationnel des Albizias situé à la Courtine dans la Creuse. Derrière ces œuvres, des artistes inconnus qui ne sont autres que les résidents des lieux. Jean-François, par exemple, fait de « l’art contemporain très symétrique », en couleur ou en noir et blanc selon « les émotions [qu’il veut] exprimer ». Le sexagénaire en sweat à capuche gris, agite le poing au niveau de sa tempe. « J’ai des petits problèmes de tête. »
Comme Jean-François, les cinquante-neuf autres résidents, âgés de 22 à 78 ans, du foyer des Albizias sont atteints de déficience intellectuelle liée ou non à des maladies psychiques comme de la schizophrénie ou encore des troubles autistiques. Fondée en 1984 sous l’impulsion de Jacques Chirac, alors député de Corrèze, cette résidence est « le seul lieu de vie pour les adultes en situation de handicap mental de la fondation Jacques Chirac en Creuse », détaille la directrice, Véronique Loutrat.
« Nous accueillons des personnes majeures et vulnérables qui pourraient se mettre en danger en vivant seules chez elles. »
Dans la salle commune, assis aux côtés de la directrice, Jean-François acquiesce. « J’ai déjà vécu seul auparavant et il y a eu quelques dégâts, ricane-t-il. Là, je suis bien encadré. » Et la directrice de compléter : « on essaye de les amener vers plus d’autonomie tout en étant objectif sur leurs capacités ». Entretenir sa chambre, s’occuper de son linge, s’habiller, faire ses courses, préparer un repas… Autant de taches du quotidien qui peuvent paraître simples mais pas pour les habitants du foyer des Albizias. Avachi dans un canapé rouge, Dominique, 58 ans, en a conscience. Avant d’emménager ici en 1988 – ce qui fait de lui l’un des plus anciens résidents - il dépendait d’un centre d’aide pour le travail (CAT) dans lequel il réparait des téléphones. « C’était trop dur » confie-t-il dans une diction laborieuse. Au moins, ici il a « un peu progressé » notamment grâce à Isabelle, Pascal ou encore Jacqueline, trois éducateurs qualifiés d’un candide « gentils » par Dominique.
Des journées bien rempliesMais ils ne sont pas seuls à accompagner les résidents. Au total, c’est plus d’une soixantaine de professionnels – psychologues, médecins ou encore éducateurs sportifs - qui travaillent dans ce centre d’accueil. Il faut au moins ça pour animer les multiples activités proposées aux résidents. Sports, jardinage, théâtre, danse, musique, sculpture sur bois et arts plastiques. Ils ont l’embarras du choix et un emploi du temps très serré. « Ils ont tous un planning individuel qu’ils remplissent en fonction de leurs aptitudes et des compétences cognitives qu’ils doivent développer, précise Véronique Loutrat. Leurs envies sont évidemment aussi prises en compte. » Guidée par son déambulateur, une dame surgit dans la salle commune. Elle éclate en sanglots et baragouine quelques mots inintelligibles. Elle « revient apparemment d’un atelier qu’elle n’a pas aimé », traduit la directrice qui accueille la résidente dans ses bras pour la réconforter. « Elle ne le refera pas… »
Les résidents organisent leur emploi du temps en fonction de leurs envies et de leurs aptitudes. Photo : Bruno Barlier
Une grande partie des activités se déroulent à l’extérieur du foyer des Albizias. Pour les cours d’arts plastiques par exemple, il faut s’éloigner du pavillon principal (où se trouvent notamment les chambres et la salle commune), longer la route quelques minutes, se rapprocher du centre-ville de La Courtine et rejoindre un bâtiment de plain-pied qui abrite aussi les ateliers recyclage, couture et sculpture sur bois. Au bout d’un couloir, la salle d’arts plastiques témoigne de la créativité débordante des résidents. Portraits au fusain, dessins multicolores, guirlandes, peintures sur vitres habillent les murs.
Depuis 30 ans qu’elle travaille ici, la professeure d’art plastique, Isabelle Becouze, l’assure : « certains résidents réalisent des choses extraordinaires ». Tellement extraordinaires qu’une partie de ces œuvres a été exposée en 2019 au musée Cécile-Sabourdy à Vicq-sur-Breuilh, dans la Haute-Vienne. « C’est une belle façon de récompenser le travail des résidents », précise la formatrice qui ajoute qu’elle ne fait « jamais à la place des artistes » mais les accompagne techniquement pour les faire progresser et gagner en autonomie. Dans ses mains, une poignée de crayons de couleur qu’elle apporte à Delphine. Très concentrée, l’élève peaufine son dessin de « King-Kong rose et jaune ». Il rejoindra ensuite les murs du foyer des Albizias.
Camille Moreau