World News in French

Lucie Castets veut être "le trait d'union" du NFP : "Les électeurs veulent une gauche unie en mesure de gagner"

Elle est la figure consensuelle de la gauche pour Matignon. Malgré la nomination de Michel Barnier, Lucie Castets continue « de travailler » au programme de la gauche et à incarner le NFP. « Ce que les électeurs veulent, c’est une gauche unie en mesure de gagner. »

Comment jugez-vous le choix de Michel Barnier ? Déni de démocratie ou pas ?

Je fais toujours attention aux mots que je choisis. Mais il est évident qu’il y a une forte incompréhension de la part des électeurs. Lors de notre rencontre avec Emmanuel Macron, nous avions insisté sur deux enseignements de la période électorale : les électeurs ne voulaient plus de la politique menée depuis sept ans, que ce soit à gauche et même au RN. La seconde leçon, c’était le rejet massif du RN.

Or, Emmanuel Macron a choisi un Premier ministre issu d’un bloc ultra-minoritaire à l’Assemblée, sur lequel le RN a un droit de vie ou de mort. C’est à rebours des enseignements électoraux.

Sur le fond et sur la forme, comment analysez-vous l’annonce d’une nouvelle loi immigration ?

Sur la forme, c’est un nouveau gage donné au RN. Sur le fond, on a déjà eu des dizaines de lois, avec comme objectif principal de reconduire plus de personnes sans-papiers et d’exécuter plus d’OQTF. Mais on voit bien que ça ne marche pas. je remarque que la droite sur ces sujets possède une présomption de crédibilité, alors que la politique migratoire qu’elle propose n’a aucun sens et aucune efficacité.

Emmanuel Macron, lui-même, a qualifié la gauche d’immigrationniste. 

Je ne sais pas ce que ça veut dire, « gauche immigrationniste ». Ce que je sais en revanche, c’est quand le RN a proposé d’interdire certains emplois aux binationaux et de restreindre considérablement la politique migratoire, beaucoup de patrons ont rappelé que certains secteurs, comme le bâtiment ou la restauration, ne fonctionneraient pas sans immigration. 

Il faut avoir une approche intelligente sur ce sujet pour régulariser et notamment tenir compte de critères d’insertion : quand ça fait dix ans qu’on vit en France, qu’on travaille, on doit pouvoir être régularisé.

Comment jugez-vous le budget ?

Il pose beaucoup de questions. Politiquement, il est intéressant de noter que le Premier ministre propose (timidement) d’augmenter les impôts, alors qu’une partie du camp présidentielle le réfuse. Cela légitime les propositions du NFP. Il n’était pas moins crédible de désigner un Premier ministre du NFP, qui aurait proposé des accords texte par texte.

Est-ce un budget austéritaire ?

Ce budget propose un effort de 60 milliards. L’effort aurait pu être plus graduel, y compris en tenant compte des procédures pour déficit excessif de l’UE. Ça va avoir des conséquences majeures sur le fonctionnement des collectivités, le service public, la transition énergétique.

Sur le sujet, le rapport Pisani-Mahfouf parlait de 30 milliards par an. 

Des rapports plus récents proconisent encore davantage. Il faut faire attention aux effets récessifs de ce budget sur l’économie. Les collectivités, par exemple, investissent beaucoup, ça stimule l’économie, ça crée de l’emploi. Il ne faut pas casser cela…

Sur le SMIC à 1.600 €, la gauche aurait-elle dû mieux expliquer sa mesure? Est-ce faisable ?

Je reste persuadée qu'il est absolument nécessaire d'augmenter les salaires. Peut-être n'avons-nous pas suffisamment expliqué, même si je ne faisais pas campagne à l'époque, les mécanismes de compensation que nous voulions mettre en place. Dans les discussions avec les électeurs, beaucoup me demandent "Comment allez-vous faire ? Je ne veux pas mettre mon patron et mon entreprise en danger". Mais il y a aujourd'hui des exemples où ça a marché. En Espagne, une hausse significative des salaires a été décidée et l'économie se porte bien...

"On peut agir de manière plus graduelle, tout en respectant la procédure européenne pour déficit"

Quel était l’objectif de la présentation de dix mesures fiscales la semaine dernière ?

Montrer qu’il est possible d’être plus rigoureux et plus ambitieux. Nous avons travaillé tout l’été et sur près de 50 milliards de recettes que nous proposons, environ quinze seraient affectés à la réduction du déficit. Contrairement à Michel Barnier, qui veut faire 60 milliards d'économies sur une année, on peut agir de manière plus graduelle, pour redonner à l’Etat les moyens d’agir et être en mesure de préparer l’avenir.

Récemment, Yanis Varoufakis, l’ancien ministre grec de l’économie, reprochait au NFP, dont il soutient le programme, de ne pas avoir assumé la confrontation nécessaire avec l’UE. Est-ce le cas ?

À court terme, je pense qu’il est possible, dans le cadre actuel de l’UE, d’envisager 15 à 20 milliards d’efforts par an sur quatre ans, plutôt que 60 milliards d’un coup. Sur le long terme, le pacte de stabilité et de croissance est loin d’être parfait. Je ne parlerais pas forcément de bras de fer, mais de dialogue. Ça ne sera pas facile, car tous les gouvernements ne partagent pas nos idées. Mais il est possible de trouver des soutiens, comme avec l’Espagne. Et sur la transition écologique, même des gouvernements qui ne sont pas alignés avec nous, pourraient être intéressés.

Comment éviter que les tensions au sein du NFP ne le poussent vers le sort de la Nupes??

Aujourd’hui, cette union existe toujours, comme le montre la conférence de presse de la semaine dernière. Je pense qu’il faut plutôt parler de différences que de tensions. J’essaie de rester en dehors de ça, d’être un tiers de confiance. Il faut que la société civile joue un rôle également. Les électeurs, le plus souvent, s’en fichent de ces querelles. Ce qu‘ils veulent, c’est une gauche unie en mesure de gagner.

Serez-vous candidate dans l’Isère aux prochaines législatives partielles?? Avec l'étiquette LFI comme le souhaitent les insoumis ?

Je continue à me mettre au service de la gauche. Pour l’Isère, on ne me l’a pas formellement proposé. Mais si je peux être utile et que les militants souhaitent ma venue, on l’envisagera… Mais je souhaite rester le trait d’union de la gauche unie et il faudra que l’étiquette en tienne compte.

Lucie Castets, candidate de la gauche à Matignon, en visite chez Duralex, dans le Loiret

Propos recueillis par Sébastien Dubois

Читайте на 123ru.net