"On ne peut pas isoler une façade maintenant et les trois autres l'an prochain" : dans le Cantal, ces métiers pâtissent de la météo changeante
« Sur les douze derniers mois (du 1er octobre 2023 au 30 septembre 2024, 3.710 mm de pluie sont tombés au Falgoux (alors que la moyenne annuelle de 2.081 mm), 3.797 mm à Mandailles et 3.392 mm au Lioran. Pour moi c’est de l’inédit dans le Cantal une telle quantité d’eau. Du moins sur les reliefs. » Laurent Garcelon, président de l’association Infoclimat et Cantalien passionné de météo, a constaté l’excédent d’eau sur tout le département, mais particulièrement marqué en altitude. « Le contraste est d’autant plus marqué qu’on alertait sur la sécheresse ces dernières années », poursuit-il. Il s’agit là de la variabilité naturelle de la météo. Pour lui, même dans un climat changeant, les tendances, elles, ne changent pas de direction. Et celle qui nous occupe s’inscrit bien, à long terme, « toujours dans une modification du climat qui tend à être plus chaud et un peu plus sec ».
Des métiers extérieurs impactésRésultat, sur le terrain, plusieurs corps de métier y laissent des plumes. Chez Colas, entreprise de BTP qui travaille en extérieur, « la pluie est un frein », lâche Sébastien René, chef d’agence à Aurillac. Pour lui, le problème est double. « Quand il pleut trop longtemps, ça a aussi un impact sur le bien-être des employés, travailler sous la pluie, même si on les équipe, ça pèse, ce n’est pas agréable. » Deuxième conséquence, comme Colas travaille des produits vulnérables à l’humidité, le planning doit être très souple...« Les revêtements gravillonnés, les enduits, sont plus sensibles à l’eau que les enrobés à chaud, mais ces derniers sont sensibles au froid. Il faut que le produit fasse rupture, comme on dit, s’il pleut, ça dilue, parfois ça provoque des coulures. » Colas est donc particulièrement tributaire de la météo.
Aujourd’hui, nous avons recours à des outils précis pour surveiller avec les prévisions météo. Quand elles sont trop mauvaises, on reporte. Parfois, on essaie d’y aller et on se trompe. On prend des risques calculés.
Car la saison hivernale modifie les rendements. « J’ai connu des hivers où pendant un mois on ne sortait pas. »
Comme Colas, l’entreprise cantalienne Roques, forte d'une cinquantaine de salariés, dépend des précipitations. « Nous faisons du ravalement de façade, de l’isolation par l’extérieur, du crépi... En juillet et en septembre cette année, la météo nous a fait prendre beaucoup de retard, explique Emilie Roques-Malard, présidente. « Le temps incertain complique tous les travaux, car on ne peut pas commencer une maison, faire une façade maintenant et les trois autres l'an prochain. » Elle a donc dû décaler les chantiers de trois maisons au printemps prochain.
« Nous travaillons en extérieur d’avril à octobre, si le temps le permet. L’hiver, on fait du second oeuvre en intérieur. Cette semaine, il devait faire beau, finalement il pleut jeudi et vendredi. Cela rend le planning très compliqué à organiser. De plus, dans le Cantal, même s’il fait beau et sec, la rosée empêche de poser une isolation par l’extérieur. Cela enfermerait l’humidité entre la finition et l’isolant, et les murs intérieurs seraient humides... »
En agriculture aussi, la météo peut modifier le calendrier. À la ferme du Puy de Coujoule, à Lespinasse (Coren), Jean-Jacques Sarraille a décalé ses semis de céréales. « Nous sommes sur un terrain sableux, qui filtre vite l’eau, et se réchauffe très vite. Les terrains argileux sont plus compliqués par ces météos humides. Nous n’avons pas pu semer comme d’habitude début octobre, nous avons décalé de quinze jours, explique ce producteur de céréales, également éleveurs de moutons et de vaches.
Mathieu Brosseau et Anna Modolo