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Vous êtes peut-être propriétaire d'un bien sans le savoir ...

Pour en retrouver l’origine, il faut remonter avant la Révolution française de 1789, et même sans doute jusqu’à l’époque gallo-romaine. Les biens de section, survivance d’une époque davantage portée sur le commun qu’aujourd’hui, conservent une existence légale.

Mais leur souvenir s’estompe dans les communes rurales, où leurs emplacements et spécificités étaient transmis de génération en génération. "Il y a eu tellement d’évolutions et de turn-over que, par endroits, ça s’est perdu", commente David Derossis, adjoint au maire de Thiers en charge de l’urbanisme.

Un lavoir, un four…

Alors, pour tous ceux qui froncent les sourcils à la lecture de ces lignes, qu’est-ce qu’un bien de section ? Selon l’article L2411-1 du Code général des collectivités territoriales, il s’agit d’un bien possédé "à titre permanent et exclusif" par les membres d’une section de commune. Pour simplifier, ce sont des parcelles de terrain qui n’appartiennent ni à un propriétaire privé, ni à la commune sur lesquelles elles sont situées, mais bien directement à tous les habitants de la zone entourant le bien (zone géographique appelée "section").

Ces parcelles peuvent être des places de village, des zones de forêt ou de pâturage. Elles accueillent parfois un ancien four, un lavoir ou encore une fontaine.

L’idée, c’est que certaines constructions réalisées sur ces biens collectifs avaient une utilité publique : tous les habitants du village pouvaient se servir du four ou du lavoir par exemple.

"C’est intéressant car cela montre le fonctionnement historique de ces villages, poursuit David Derossis. Il y avait des espaces qui étaient collectifs et partagés et qui n’étaient pas des espaces publics gérés par la mairie, mais des biens à la jouissance des habitants du quartier."

Aujourd’hui, si ces exceptions légales demeurent, nombre d’habitants ont cependant perdu l’habitude d’entretenir, de choyer ces possessions communes.

Retrouver l’amour du patrimoine

Prenons un exemple concret. Les habitants du village de Nohat, à Thiers, sont collectivement propriétaires d’un bien de section - une toute petite parcelle de terre sur la place du village - sur lequel vivotent un chêne bicentenaire et un four construit en 1902. Au début des années 2010, le four tombe en ruines, faute d’entretien, et les branches du chêne menacent la circulation faute de taille régulière.Le maire de l’époque à Thiers, Thierry Déglon, dont ce n’était pas le rôle d’entretenir cette parcelle, suggère alors aux habitants de Nohat de s’en saisir, puisqu’elle leur appartient. Une association est créée en 2012, sobrement intitulée Le Chêne et le four, dont les membres s’attellent à restaurer la parcelle, recréant par la même occasion des liens dans la population (lire ci-dessous). Ce type d’initiative est "très rare", précise-t-on à la Ville de Thiers.

C’est assez révélateur d’une société devenue plus individualiste qu’auparavant.

David Derossis

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"Nous n’avons plus le même lien, le même attachement à notre environnement proche qu’auparavant, notamment car nous sommes devenus plus mobiles", ajoute Pierre Contie.

Lorsqu’un bien de section n’est pas entretenu par ses habitants, c’est la mairie qui, par défaut, s’en charge. "La Ville fait son devoir bien sûr, mais elle n’y mettra pas autant de soin que pourraient le faire les habitants, sourit Isabelle Furegon, adjointe au maire de Thiers en charge des affaires générales et de la vie quotidienne. À nous de donner envie aux gens de retrouver de l’amour pour leur patrimoine !" 

Et de s’intéresser de plus près à ce lavoir grignoté par la mousse, devant lequel on passe chaque jour sans s’émouvoir.

Pratique. Pour plus d’informations, appeler le service urbanisme de la Ville de Thiers au 04.73.80.88.84 ou le cadastre.

Tout part d’une lettre reçue par les habitants de Nohat, petit village de Thiers, en 2011. La mairie de la cité coutelière informe les habitants que le chêne bicentenaire qui pousse sur la place principale du lieu-dit sera bientôt abattu pour des raisons de sécurité.

Incompréhension et inquiétude succèdent à l’annonce : les Bitords demandent à rencontrer monsieur le maire, Thierry Déglon. Un diagnostic de l’Office national des forêts (ONF) conclut que, malgré son grand âge, l’arbre ne menace pas la circulation : le chêne est donc sauvé.

Reste la question du four, érigé en 1902 sur cette même place, qui tombe alors en ruines. Cette parcelle étant un bien de section, l’édile explique aux habitants que ce sont eux qui en ont la charge, et leur propose de les aider financièrement à restaurer le monument s’ils acceptent de mettre la main à la pâte. L’association Le Chêne et le four est née.

Recréer du lien

"Le toit était passé à travers, la voûte s’était effondrée…, se souvient Gérard Broussegoutte, son président. On a tout refait : ça nous a pris cinq ans ! Le four a été construit collectivement par les habitants du village au début du XXe siècle, et reconstruit par les habitants du même village un siècle plus tard."Les habitants sont partis de loin. Photo d'archives Michel Guillaumon

Lors de son inauguration, en 2017, le monument est comme neuf. Et depuis 2011, la place du village est redevenue lieu de vie. 

C’était aussi le but de l’association : rassembler un peu les gens, se rencontrer. Comme le faisaient nos parents et nos grands-parents finalement ! Mais ça s’était perdu.

Le week-end du 19 et 20, le four reprendra du service pour la Fête du pain. Dans quelques semaines, les habitants se rassembleront de nouveau sur la place du village pour la traditionnelle soupe à la châtaigne. "Ça a permis de mieux se connaître : maintenant, les gens s’arrêtent et discutent au lieu de se dire bonjour de loin", sourit le président de l’association aujourd’hui forte d’une cinquantaine de membres. Encore maintenant, les Thiernois poursuivent leur investissement en récoltant chacun à leur tour du petit bois pour alimenter le four.

Ce que l'on sait sur le destinataire de cette lettre datée de 1801 retrouvée à Thiers

Si le vieil arbre a malheureusement rejoint celui de la chanson au paradis des chênes, un petit nouveau lui a succédé, gâté par les habitants de Nohat. Tout un symbole.

Louise Llavori

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