Arbitre menacé, bagarre générale, un jeune violent... Début de saison hors-jeu sur les terrains de foot de l'Allier
Cartons rouges et colère noire... Le coup d’envoi de la saison de football 2024-2025 vient tout juste d’être sifflé, que le District de l’Allier, chargé des compétitions de niveau départemental, se retrouve déjà avec des incivilités plein ses filets.
Insultes et menaces de mortLa première entorse au règlement est intervenue dès le deuxième week-end du calendrier. C’était le dimanche 15 septembre, entre le Sporting Club Cusset et Montluçon Médiéval, au premier tour du Challenge Jean-Vidal, le nom donné à la Coupe d’Allier.
Furieux des décisions de l’arbitre, un éducateur adjoint du Montluçon Médiéval l’a menacé et insulté. Voici ce qui a été consigné dans le procès-verbal de la commission de discipline :
« Tu as de la chance que je me suis calmé, sinon je t’aurais cassé les dents »?; « Espèce de petite salope […], tu as de la chance que je suis parent et que ma fille est présente, sinon je t’aurais enterré vivant sur le terrain. »
L’affaire doit repasser prochainement devant la commission, qui décidera des sanctions. En outre, l’arbitre a également déposé plainte à la gendarmerie, pour les menaces de mort. « J’ai subi un gros choc mental, ce sont des faits graves qui n’ont rien à faire sur le terrain », nous avait-il alors confiés.
"Je t'aurais enterré vivant sur le terrain" : un arbitre insulté et menacé de mort lors d'un match de football dans l'Allier [23/09/2024]
« Coup de pied, crampons en avant »Une semaine plus tard, le dimanche 22 septembre, là c’est une rencontre entre l’US Malicorne et l’AS Villebret en D5, la dernière division des seniors, qui a été définitivement arrêtée à la 77e minute. Suite à une faute sifflée par l’arbitre féminine bénévole de cette partie, un premier joueur de Malicorne a « asséné un coup de pied, crampons en avant », à un adversaire.
Puis, un second joueur de Malicorne a « frappé au visage » ce même adversaire. Et une fois le match stoppé, le premier joueur « est entré dans le vestiaire de Mme l’arbitre, en lui demandant de façon virulente ce qui avait été inscrit » sur son rapport.
La commission de discipline a infligé 22 matchs de suspension et 230 € d’amende au premier joueur?; 7 matchs de suspension et 80 € d’amende au second?; ainsi que 50 € d’amende, match perdu et un point de moins au classement pour Malicorne.
Coup de poing en U13, gifle en U11Las, les plus jeunes aussi font « comme les grands ». Le samedi 21 septembre, au cours d’un match en moins de 13 ans (U13), dans la région de Montluçon (*), un joueur a « asséné un violent coup de poing au visage, au niveau de l’œil », à un adversaire. Celui-ci « a été contraint de se présenter aux urgences pédiatriques, lesquelles ont constaté un œdème érythémateux au niveau de l’os maxillaire droit ». Quant à l’auteur du coup, en commission, il a reçu les sanctions suivantes : 10 matchs de suspension et 110 € d’amende?; ainsi que 50 € d’amende et un point en moins pour son équipe.
Ensuite, samedi 26 septembre, sur un plateau entre trois équipes de moins de 11 ans (U11), dans l’arrondissement montluçonnais, un joueur aurait mis une gifle à un autre. Aucune sanction n’a, in fine, été prise.
(*) S’agissant de mineurs, nous avons pris la décision de ne pas communiquer l’identité des clubs.
Deux équipes disqualifiées en Coupe de FranceDernier cas en date, géré cette fois au niveau de la ligue régionale, celui du match de Coupe de France entre St-Yorre-Le Vernet et Dompierre-sur-Besbre, dimanche 29 septembre. Il a été interrompu avant la fin, en raison d’une bagarre générale. Les deux équipes ont été exclues de la compétition.
Le coup de gueule du District de l'AllierN’en jetez plus, la coupe est pleine… « Des incidents comme ceux-ci, on en a malheureusement chaque saison. Mais là, ça fait beaucoup dans un laps de temps très court et en tout début de championnat », constate Guy Poitevin, président du District de football de l’Allier. « Ça nous inquiète, encore plus lorsque ce sont des jeunes », ajoute-t-il. « Les parents ont leur rôle. Combien crient au bord du terrain, persuadés que leur enfant est le futur Mbappé. »
En l’occurrence, une fois adultes, on est hélas plutôt sur des Mike Tyson… « C’est le reflet de la société », déplore le dirigeant. « On ne vient plus sur un terrain pour s’amuser mais pour se défouler. L’esprit de clocher n’existe plus. Certains sont là uniquement pour passer leurs nerfs. » Si bien que ce sont les nerfs du président du District qui sont mis à rude épreuve :
« Le dimanche soir, je garde toujours mon téléphone près de moi, de peur que l’on m’appelle pour une bagarre ou un arbitre agressé. »
Les « sanctions dissuasives » de la commission de disciplineEn effet, c’est peu de dire que les comportements anti-sportifs font un carton… « Par rapport à la même période la saison dernière, le nombre de cartons jaunes distribués est déjà en légère hausse. Mais il faut savoir aussi que le nombre d’arbitres officiels a augmenté », indique Michel Godignon, le président de la commission de discipline du District de l’Allier.
« En commission, on est intransigeant face à ces incidents. Même si on a parfois du mal à connaître la vérité, quand les versions divergent », poursuit-il. En plus du président et de la secrétaire de séance, l’instance est composée de six autres membres, dont un représentant des arbitres.
"Notre travail, c’est de faire en sorte que ces actes de violence ne se reproduisent pas, en prenant des sanctions dissuasives."
Parlons-en, justement, des leviers du District afin d’endiguer le phénomène. Déjà, le barème des amendes financières a été revu à la hausse pour cette nouvelle saison, tandis que celui des sanctions disciplinaires l’a aussi été par le passé. Ainsi, en cas « d’acte de brutalité ou coup, occasionnant une blessure dûment constatée par un certificat médical, entraînant une ITT (incapacité temporaire de travail) supérieure à huit jours », la suspension peut aller jusqu’à trente ans. Et l’amende jusqu’à 600 €.
Convention avec les tribunaux et permis à pointCe n’est pas tout. Une convention existe déjà depuis septembre 2022, entre l’Unaf 03 (Union nationale des arbitres de football de l’Allier) et les trois procureurs de Cusset, Montluçon et Moulins. Le but étant de « faciliter le traitement rapide des plaintes déposées et donner aux faits commis une réponse pénale ».
Dans la même optique, le District a instauré, depuis quelque temps déjà, un permis à points. Chaque incident ou sanction valent des points. Et si, à la fin de la saison, une équipe dépasse le quota fixé, elle écope d’une pénalité au classement du championnat. Ça peut coûter cher. En fin de saison dernière, un club du bassin vichyssois, en position de monter de D3 à D2, n’a pas pu à cause de cette punition.
Aussi des bons élèvesEnfin, signalons qu’à l’inverse, les comportements vertueux se voient récompensés. Un challenge du fair-play existe depuis plus d’une dizaine d’années au District. Idem, des formations pour sensibiliser aux incivilités sont dispensées à chaque saison aux nouveaux éducateurs, mais également aux capitaines d’équipes… « J’espère que ça ne sera pas un problème sans fin », tacle Guy Poitevin. « J’en appelle à une prise de conscience collective, après ce très mauvais début de saison. »
Texte : Luc BarrePhotos : archives Corentin Garault et Cécile Champagnat