Réseau : les risques financiers à l’export au menu d’une convention internationale de Diot-Siaci
Le courtier français spécialiste de l’assurance-crédit Diot-Siaci a lancé la première édition de sa convention internationale sur les risques export, le 17 octobre à Paris. Il y a été question des incertitudes liées à l’élection américaine et de boite à outil pour permettre aux entreprises de dé-risquer leurs transactions commerciales internationales.
Ludovic Subran, l’économiste vedette d’Allianz Trade, a, comme à son habitude, dressé un panorama de la conjoncture international haut en couleur, captivant les quelque 200 participants conviés par le courtier Diot-Siaci à cette première convention internationale que son président Philippe Puigventos souhaite annuelle.
Le premier message du chef économiste d’Allianz Trade est que, souhaitable ou non, les entreprises doivent se préparer au « risque Trump », soit un retour de Donald Trump à la Maison Blanche à l’issue de l’élection du 5 novembre. D’après Ludovic Subran, ce scénario entraînera des effets en chaine dans l’économie mondiale.
Dans le détail, les mesures phares prévues au programme Trump sont « triplement inflationnistes » : hausse des tarifs douaniers généralisée de 10 % (et 60 % pour la Chine), « déportation » de 7,7 millions de migrants (impact négatif sur la disponibilité de la main d’œuvre bon marché), dévaluation du dollar. Elles entraîneront une « surchauffe » à court terme de l’économie américaine qui empêchera la Fed de continuer à réduire ses taux d’intérêt et se terminera, fin 2025, par une récession. D’ici là : les capitaux vont massivement aller aux Etats-Unis, tarissant la liquidité disponible pour certains pays émergents comme le Brésil ou encore pour la zone euro, qui ont besoin, eux, de réduire leur taux d’intérêt pour relancer leur croissance. Bref, un scénario déstabilisant. Sans compter les aspects géopolitiques.
Deuxième message : la perspective incertaine de la croissance chinoise. Les autorités de Pékin ont multiplié ces derniers temps les stimuli pour relancer la consommation intérieure, et notamment l’immobilier, à coup de dizaines de milliards d’euros alors que leurs exportations se heurtent de plus en plus aux barrières tarifaires et non tarifaires érigées par les marchés européens et américains. Si cela ne fonctionne pas, il faut craindre que Pékin ne déclenche vraiment une guerre pour Taiwan.
Troisième message : quid de l’Europe ? Pour Ludovic Subran, le rapport Draghi a tout dit. Sur le fond, ce qui plombe vraiment la compétitivité de l’Europe, c’est son décrochage sur l’innovation et les investissements alors que les Européens, plutôt vieillissants, épargnent trop. D’après lui, les entreprises américaines ont investi 3 fois plus et les Anglais deux fois et demie plus que les Européens en « capex » (capital expenditure) dans les nouvelles technologies.
Dernier message : malgré les crises que certains ont traversé, de grands pays émergents sont des « modèles de résilience » notables « qu’il faut regarder ». Brésil, Inde, Indonésie, Maroc, Mexique, pays du Golfe, Turquie… Pour les entreprises françaises, « Il y a un coup à jouer au grand export » a conclu Ludovic Subran.
« Oui il y a du business à faire à l’export »
Un point de vue pleinement partagé par Etienne Vauchez, fondateur et président du Think Tank La Fabrique de l’exportation et figure de l’écosystème privé de l’export. « Oui il y a du business à faire à l’export, le commerce international est en croissance » a -t-il indiqué. « Il faut sortir de l’idée que l’échange nous est globalement défavorable ». Et voir au-delà du commerce extérieur des biens, très déficitaires actuellement.
Rappelant les principaux enseignements de l’étude qu’il a conduite avec l’économiste universitaire Daniel Mirza sur « Une Vision à 360° des échanges économiques de la France », à laquelle Le Moci a consacré une webconférence à sa sortie, Etienne Vauchez a notamment observé que le déficit commercial français sur les biens était principalement dû aux échanges avec l’Union européenne et liés à un manque de spécialisation et de disponibilité des moyens de production en France. Mis à part avec la Chine, les échanges au grand export sont plus équilibrés, voire excédentaires.
Surtout, il est à relativiser : le déficit des échanges de la France passe de -85 à -5 milliards d’euros à peine si l’on ajoute aux biens le solde des échanges de services (tourisme + services aux entreprises) – dont les exportations ont quadruplé en 25 ans- et les revenus primaires alimentés par les filiales françaises à l’étranger réparties à 50-50 entre les secteurs industriels et de services. En l’occurrence, la France est très bien positionnée dans ce domaine : ses entreprises emploient 7 millions de personnes à l’étranger contre 6 millions pour leurs homologues allemandes. En prenant en compte ces données, la part de marché de la France dans les échanges mondiaux est de 4 %, et non plus de 2,5 %. Pour Etienne Vauchez, « l’implantation à l’étranger est le modèle le plus résilient dans le contexte d’une baisse de la démographie ».
« Trouver des garanties financières pour boucler certains contrats dans des pays émergents »
Dans ce contexte, l’intérêt d’aller chercher des relais de croissance à l’export au moment où la croissance française -et européenne- est atone est une évidence.
« Pour nous tout va bien » a déclaré à cet égard Laurent Vronski, directeur général d’Ervor, une PME industrielle francilienne spécialisée dans les compresseurs à air qui exporte 90 % de sa production. Il était l’un des invités à intervenir lors d’une table ronde consacrée aux différents outils destinés à réduire les risques des exportateurs. Se différenciant sur le marché grâce à une offre de produits « sur-mesure », adaptés aux contraintes normatives de chaque marché, Ervor ne manque pas de clients et son souci est plutôt de trouver des garanties financières pour boucler certains de ses contrats dans des pays émergents. Pour ses perspectives, « elles seront un peu moins positives en cas de hausse du protectionnisme » a indiqué Laurent Vronski.
Les autres intervenants de cette table ronde, issus du secteur public et privé, ont déroulé les outils et prestations qu’ils proposent pour réduire les risques financiers des exportateurs, de l’accompagnement en phase de prospection pour Laurence de Touchet, directrice déléguée export de Business France, à l’assurance-crédit et au recouvrement pour Besa Shkembi, directrice de l’arbitrage d’Allianz Trade, en passant par l’affacturage export pour Monika Losbar, directeur Marchés spécialités de FactoFrance & Crédit Mutuel Factoring et enfin le dispositif de financement et assurance-crédit export pour Hugues Latourette, directeur du département financement export de Bpifrance et Clément Carrié, adjoint au chef de bureau Fininter 1 (crédits export et garanties à l’international) de la DG Trésor.
Le fait que l’export soit un vecteur de croissance et d’innovation a fait l’unanimité parmi ces intervenants. Et il semble que, quoiqu’on en dise, les entreprises françaises progressent en termes de professionnalisation de leurs pratiques pour réduire leurs risques d’impayés : « Il y a 20 ans, l’exposition de nos assurés à l’export se situait entre 15 et 20 %, aujourd’hui, elle est à plus de 30 %, a notamment relevé Besa Shkembi. Nos assurés exportent de plus en plus, dans les pays européens mais aussi aux Etats-Unis et un peu partout dans le monde ».
Laurent Vronski ne l’a pas démenti, lui qui a traversé pas moins de « sept crises systémiques » depuis 2020. Pour lui, ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier est une absolue nécessité: « c’est devenu tellement risqué que plus je suis sur des marchés différents, moins je risque des impayés ».
Christine Gilguy
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