Course au large : Le pari fou d’un IMOCA en bois EP1.
IMOCA bas carbone, possible ou impossible ? L’équipe de Gildas Plessis nous a soumis ce projet très documenté qui tend à prouver qu’une course au large alternative est possible et qu’elle ne serait pas un frein à l’innovation. C’est même tout le contraire ! - Partie 1 Texte : Gildas Plessis et F.-X. de Crécy
à l’image de Hublot © F. Van Malleghem[/caption]
Sommaire :
- IMOCA Bois, Partie 1
- IMOCA Bois, Partie 2
- L'équipe de travail
- Comment sont faits nos calculs ?
- Biosourcer, c'est tout naturel
- Course au large 2030 : un sport à réinventer ?
On peut le construire demain !
Mais il pourrait très bien être construit et son armateur ne manquerait pas de se faire remarquer. Dans cette logique, et pour fonder le projet sur des bases techniques solides, nous l’avons documenté et calculé comme un vrai projet de construction. L’objectif est donc de créer un démonstrateur bas carbone à très haute performance, pour le comparer aux meilleurs IMOCA du moment. Jusqu’où pouvons-nous aller vers les fibres naturelles à très faible impact environnemental en sacrifiant le moins possible de capacité de vitesse ? Afin d’être le plus sérieux possible dans l’approche scientifique et architecturale, nous n’avons travaillé que sur des critères CE, ADEME ou préalablement publiés. L’ensemble des données est à la disposition de tous et toutes. Sur ces bases reconnues, nous avons conçu un IMOCA à la jauge (formes, dimensionnement, stabilité, sécurité) avec dérives, puis avec foils. [caption id="attachment_182152" align="aligncenter" width="500"] COURSE AU LARGE : Le pari fou d’un IMOCA en bois © Voile Magazine[/caption] Ce voilier de 18,28 m est équipé avec le mât « de série » et la quille basculante de série. Comme en 2012 pour le projet de Ronan Guérin dessiné pour le Vendée Globe 2016 (qui ne vit pas le jour hélas), nous sommes partis du cahier des charges suivant : scow, pont totalement fermé avec espace de vie sous la « bulle »,idéalement contreplaqué de série certifié CE et découpé numériquement, plutôt orienté budget raisonnable (pas de foil dans un premier temps, mais deux dérives et aucun moule nécessaire) et un objectif « rêvé » avant calculs qui serait comparable à ce que nous avons réussi à faire sur le Greenscow 40 en projet et le Kaori 550 produit et dévoilé au Grand Pavois 2021 : réduire par 9 à 10 le taux de CO2 émis pour la construction d’une unité de course au large radicale. Un véritable défi ! Pour cela, une fois notre dessin réalisé, nous avons dimensionné et calculé chaque surface, défini la masse et le mode opératoire constructif de chaque pièce de l’IMOCA et comparé les données (masse et émission de CO2) entre les deux procédés de construction : peaux carbone et âme mousse (une PET) d’un côté et fibres naturelles (autant que possible) de l’autre. [gallery columns="2" size="medium" ids="182139,182138"]L’impact carbone de l’IMOCA en contreplaqué de bouleau est réduit de moitié, voire plus, par rapport à un IMOCA foiler en carbone malgré les éléments monotypes (quille et mât). L’essentiel des gains provient de l’absence de moule, de la coque elle-même, et de l’absence de foils (appendices).
Un bateau aux normes CE
L’ensemble de la structure répondant à la norme CE, aucune possibilité de sous dimensionnement n’est possible, donc pas de possibilité de minorer l’impact CO 2 du démonstrateur. Autre dimension essentielle pour la démonstration : estimer gains et pertes en vitesse, et les rapporter en jours de mer gagnés ou perdus. En clair, est-ce qu’un bateau conçu avec le plus de fibres naturelles est gagnant ou perdant dès sa phase de conception ? S’il l’est, quelle est la perte ? Pour cela, l’équipe de Gildas Plessis a travaillé sur un outil de VPP complexe développé en interne. Cet outil numérique nous permet de récupérer des vitesses en agissant sur les paramètres hydro & aéro suivants : masse, traînée, surfaces de voiles selon les configurations, stabilité selon angulation de la quille, remplissage des ballasts ou non, réglage des voiles selon les allures, mer plate, variables hydrostatiques du flotteur selon les angles de gîte (0 à 35°), performance des dérives, plage de variations d’efficacité de la quille, coefficient de fardage en fonction de la gîte et du vent apparent pour coque, pont, rouf et gréement complet. Là aussi, pour réduire au maximum les zones d’incertitude et affiner au mieux les données de performance entre l’IMOCA carbone et l’IMOCA bas carbone. [caption id="attachment_182153" align="aligncenter" width="500"] COURSE AU LARGE : Le pari fou d’un IMOCA en bois © Voile Magazine[/caption] La filière nautique, plaisance, régate ou course au large, a plus de 150 ans. Nous avons un choix de matières testées et validées depuis G. Caillebotte , N. Herreshoff ou G.H. Duggan au XXe siècle, qui s’étend de l’acier à l’aluminium, en passant par les bois massifs (résineux et feuillus) lamellés, strip planking, les panneaux additionnés de fibres diverses (verre, carbone, lin, basalte, kevlar…) et les résines (polyester, époxy, vinylester)… Un catalogue connu et reconnu qui permet de fixer des masses, des résistances, des ruptures, de la fatigue. À cela s’ajoutent les aspects normatifs et les certifiats qui permettent de connaître la résistance des matériaux et leurs origines. 88 % des unités de l’agence de G. Plessis, one-off ou petite série, ont été produites en composite bois (dont trois premiers prix « Bateau bois » du Grand Pavois). Les chiffres sont donc éclairés par une expérience sérieuse. D’emblée, nous avons écarté pour notre démonstrateur tous les matériaux peu connus, peu fiables ou fragiles, ceux pour lesquels nous n’avions pas assez de données. Les données ADEME sont par ailleurs très intéressantes car elles sourcent aussi, par exemple, les besoins en eau de telle ou telle fibre naturelle et donnent des critères objectivés pour réduire au maximum l’impact environnemental de la construction d’un voilier de performance sur la planète. Rapidement, le contreplaqué s’est à nouveau imposé pour éviter les phases de moule (émettrices aussi de matières « jetables » et de CO2), associé aux fibres de basalte. [caption id="attachment_182133" align="aligncenter" width="500"] Les IMOCA, en particulier les foilers, encaissent d’énormes contraintesà l’image de Hublot © F. Van Malleghem[/caption]