Venezuela: Gonzalez Urrutia, candidat malgré lui, prix Sakharov
Selon l'opposition vénézuélienne, qui dit s'appuyer sur les procès-verbaux des bureaux de vote, le "président élu", c'est lui.
Elle assure qu'il a remporté le scrutin avec au moins 67% des voix face à Maduro proclamé vainqueur avec 52% des voix par le Conseil national électoral, considéré aux ordres du pouvoir, qui n'a pas donné le décompte exact des voix par bureaux se disant victime d'un piratage informatique.
M. Gonzalez Urrutia, 75 ans, racontait avant la présidentielle qu'un de ses plaisirs était de parler depuis sa terrasse des hauteurs de Caracas à ses quatre petits-enfants qui habitent dans un appartement voisin.
Mais, vivant dans la clandestinité depuis l'élection, harcelé par le pouvoir qui l'insultait régulièrement et visé par un mandat d'arrêt, accusé notamment de vouloir usurper le pouvoir, il a dû se réfugier en Espagne en septembre.
Figure respectée de l'opposition et travailleur de l'ombre, il avait accepté de sortir de sa retraite pour devenir candidat, la cheffe de l'opposition Maria Corina Machado, co-lauréate du prix Sakharov, étant inéligible.
"Un samedi on m'a appelé pour signer une lettre au Conseil national électoral (...) j'entends alors une déclaration dans laquelle ils mettent mon nom comme +couvercle+ (expression pour signifier le provisoire). Ils ne savaient pas que le couvercle allait devenir la bouteille", avait-il raconté, en riant, expliquant avoir accepté "pour ne pas laisser l'opposition sans candidat".
"serviteur de la République"
Né à La Victoria, à une centaine de kilomètres de Caracas, Edmundo González Urrutia a effectué toute sa scolarité dans cette petite ville, théâtre d'une des batailles décisives (1812) de l'indépendance lorsque, selon la légende, une poignée de soldats et de séminaristes ont résisté aux forces royalistes cinq fois supérieures en nombre et assoiffées de sang...
Le jeune homme s'installe à Caracas pour son cursus universitaire à la prestigieuse Université centrale du Venezuela (UCV) avant d'entrer au ministère des Affaires étrangères.
Il passe notamment par la Belgique, où il apprend le français, et les États-Unis, où il est diplômé de l'American University de Washington.
C'est de cette époque que lui vient la devise en latin qu'il avait accrochée dans le petit bureau de son domicile: "Verba volant, scripta manent" (Les paroles s'envolent, les écrits restent), près de sa bibliothèque abritant de grands classiques de la diplomatie: "L'anatomie du pouvoir" de John Kenneth Galbraith, "Le choc des civilisations" de Samuel Huntington ou "De la Chine" de Henry Kissinger.
Homme de dossiers, il a longtemps travaillé sur les sommets internationaux, occupant aussi des postes d'ambassadeur en Algérie (1994-99) ou en Argentine (1999-2002). Il répète souvent qu'il "a été l'étranger longtemps mais qu'il connaît très bien le Venezuela".
En revanche, peu à l'aise sur le devant de la scène, il lisait ses discours d'un ton monocorde et n'improvisait que rarement. Il préférait laisser les projecteurs à Mme Machado, bien plus charismatique.
"C'est un homme cultivé, honnête, familier, inflexible, sans aucun soupçon de populisme", écrit l'analyste José Toro Hardy.
"Un démocrate et un serviteur de la République", assure Ramon Guillermo Aveledo, ancien secrétaire de la coalition Plataforma Unitaria Democratica (PUD), qui regroupe les principaux partis d'opposition.
Critique du pouvoir, il avait pourtant adopté un ton plus modéré que Mme Machado avec des appels à la conciliation et l'évocation d'une amnistie. Il avait signé une très remarquée lettre ouverte à l'armée - considérée pro-pouvoir - lui demandant de "respecter et faire respecter" le résultat de l'élection.
Jeudi remerciant l'Europe de le récompenser par le prix Sakharov, il a estimé: "La lutte n'est pas terminée (...) face à un régime qui viole systématiquement les droits humains".