CUBA : quand le « BLOCUS » sert d’excuse à la faillite communiste
ll s’en faisait une telle joie ! Miguel Díaz-Canel, le glorieux « líder maximo » cubain qui a succédé aux frères Castro en 2018, devait se rendre à Kazan en Russie pour le sommet des BRICS, à l’invitation du non moins glorieux président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine. Une malencontreuse panne générale d’électricité affectant Cuba et ses 10 millions d’habitants, compliquée par la tempête tropicale Oscar depuis dimanche soir, l’oblige à y renoncer.
En dirigeant responsable et proche de son peuple, Díaz-Canel se devait de rester à Cuba tant que l’électricité n’aurait pas été rétablie partout. Mais quelle malchance, quand même ! Se voir accueilli aux côtés de titans de l’humanisme universel comme l’Iran et le Venezuela, et ce, par l’aimable volonté de la Russie qui s’emploie ainsi à contrer l’hégémonie destructrice des États-Unis et du dollar, ne peut signifier autre chose qu’une reconnaissance en bonne et due forme du prestige international dont jouit la révolution cubaine depuis plus de 65 ans !
Il faut dire que personne n’est mieux placé dans le monde que Cuba pour savoir ce que signifie « hégémonie américaine ». Cela tient en un seul mot, « bloqueo », c’est-à-dire ce blocus pernicieux que les États-Unis imposent à la petite île caribéenne depuis 1962. Blocus dont les dirigeants cubains viennent à nouveau de prendre prétexte pour expliquer l’effondrement total de leur réseau électrique. « Levez le blocus et il n’y aura plus de coupures d’électricité », s’est exclamé sur X (ex-Twitter) le ministre des Affaires étrangères Bruno Rodríguez, ajoutant : « De cette façon, le gouvernement américain pourrait aider le peuple cubain… s’il le voulait. » Sous-entendu, il ne le veut pas.
Une explication avancée à chaque crise – on se rappellera par exemple le traitement des grandes manifestations de juillet 2021, mais qui peine de plus en plus à convaincre. Il suffit de lire les commentaires sous le tweet du ministre pour s’en rendre compte. Certains mettent en avant la nécessité d’élections libres, d’autres font allusion aux hôtels de luxe qui fleurissent dans le pays malgré le terrible blocus et d’autres encore se demandent ce qu’est devenu le prêt de 1,2 milliard d’euros consenti par la Russie en 2015 dans le but spécifique de construire des centrales thermoélectriques.
Il n’y a aucun blocus à Cuba !
En réalité, il n’y a pas de blocus à Cuba, un blocus signifiant qu’un pays est totalement empêché de commercer avec le reste du monde. Il y a un embargo américain qui fait que l’île peut commercer avec tous les pays qu’elle veut sauf avec les États-Unis et dans toutes les monnaies qu’elle veut sauf en dollars américains. C’est amusant : ne dirait-on pas la préfiguration de l’ordre mondial qu’aimerait instaurer la Russie ?
Toujours est-il que Cuba entretient bel et bien des relations commerciales avec de multiples pays : d’après les chiffres de notre Direction générale du Trésor, ses échanges avec le reste du monde se sont montés en 2022 à l’équivalent de 12 milliards de dollars (10 milliards d’importations et 2 milliards d’exportations), ses cinq premiers partenaires étant le Venezuela, la Chine, l’Espagne, le Canada et la Russie.
Et encore l’embargo s’est-il fortement allégé depuis le début des années 2000 puisque le commerce des aliments et des médicaments avec Cuba est maintenant autorisé. Il en résulte qu’aujourd’hui, ce que mangent les Cubains provient à 80 % des États-Unis. Un intéressant article du quotidien Libération nous indiquait que déjà en 2009, Cuba importait 84 % de ses denrées alimentaires et que les États-Unis étaient devenus le premier fournisseur de nourriture du pays.
Alors que les habitants sont privés d’électricité depuis 4 jours(*), ils déplorent aussi les pénuries de médicaments, la raréfaction des ressources en eau ainsi que la dégradation des aliments et l’impossibilité de communiquer, du fait de la non-alimentation électrique des réfrigérateurs et des téléphones. Les établissements d’enseignement et les commerces sont fermés et l’inquiétude monte quant à la capacité des hôpitaux, alimentés par groupes électrogènes, à tenir encore longtemps dans un contexte d’hygiène dégradée et de système sanitaire défaillant.
Ah, oui, la médecine cubaine… Délabrée est le mot, du moins pour les gens ordinaires. Rien à voir avec ce paradis de solidarité et de techniques de pointe que la légende castriste a forgé. En ce domaine comme dans tous les actes de leur vie quotidienne, les Cubains luttent pour leur survie. Du reste, s’agissant de la fourniture en électricité, cela fait des mois, des années, qu’ils doivent s’accommoder de coupures quotidiennes pouvant aller jusqu’à huit heures d’affilée.
Cuba soufre du « blocus interne », c’est-à-dire l’échec économique, social et bureaucratique
Après l’effondrement de l’URSS, le Venezuela théoriquement si riche de son pétrole avait pris le relai afin de subvenir aux besoins de la révolution socialiste castriste. Mais ce pays, empêtré de son côté dans sa révolution socialiste bolivarienne, n’est plus que l’ombre de lui-même. Ses livraisons d’hydrocarbures à Cuba ont considérablement chuté, ce qui explique une bonne partie des déboires actuels de l’île. En affectant tous les fonctionnements, le manque de combustible réduit inéluctablement la production et pèse en conséquence sur le développement humain.
L’autre partie, et pas des moindres, c’est ce que les Cubains eux-mêmes appellent le « blocus interne », c’est-à-dire l’échec économique, social et bureaucratique qui ponctue dramatiquement toutes les expériences de « socialisme réel » sans exception. La planification centralisée de tout, mise en œuvre par un pouvoir plus intéressé à faire durer l’illusion idéologique de la révolution que par le bien-être de ses citoyens, se traduit au fil du temps par des infrastructures vieillissantes, mal entretenues et perpétuellement en manque de pièces de rechange.
En cette année 2024, l’économie du pays s’enfonce dans la précarité. Le tourisme s’étiole, l’inflation s’incruste (30 % en 2023 selon des chiffres officiels contestés du fait de leur minoration), les pénuries de carburant sont de plus en plus fréquentes et le petit secteur privé ouvert en 2021 est soumis à de multiples contrôles qui l’empêchent de se développer. Lassées de se battre pour survivre, environ 450 000 personnes, soit 5 % de la population, ont quitté le pays en deux ans en direction des États-Unis.
Face à cette nouvelle crise absolue, les Cubains seraient bien tentés de protester comme ils l’ont fait en nombre en 2021. Quelques manifestations ont eu lieu à La Havane et l’on a entendu à nouveau le bruit des casseroles dans les quartiers populaires du pays. Mais dans le noir et en pleine tempête Oscar, c’est plus difficile. Dimanche, pour étouffer tout cela dans l’œuf, Miguel Díaz-Canel a endossé son uniforme militaire vert olive, mettant en garde quiconque envisagerait de trahir la révolution :
« Quelques personnes, la plupart en état d’ébriété, ont tenté de troubler l’ordre public, appuyées par les opérateurs de la contre-révolution cubaine depuis l’étranger. La révolution ne tolérera jamais ce type de comportement, et tous seront poursuivis en conséquence avec la rigueur prévue par les lois révolutionnaires. »
Pour faire bonne mesure, Internet a été interrompu, non pas du fait de la panne électrique, mais volontairement, politiquement, pour empêcher la diffusion des vidéos des manifestations lorsque le courant est temporairement rétabli ici ou là.
En substance un régime bien sympathique, où l’on chercherait vainement la moindre trace de liberté ou de prospérité.
(*) L’électricité a été rétablie le 22 octobre 2024 pour 70 % des habitants du pays.