Quand l'État ne paie plus les loyers des gendarmeries : déjà 854.000 euros de retard dans le Puy-de-Dôme
C’est, de mémoire du maire Alain Espagnol, une première depuis la construction des bâtiments qui abritent la brigade de gendarmerie, il y a une vingtaine d’années : la commune de Combronde, propriétaire, n’a pas reçu le paiement des loyers de juillet, août et septembre. Montant dû par l’État : « 40.500 €, chiffre Alain Espagnol. Et on craint de ne rien recevoir jusqu’à la fin de l’année, ce qui fera un trou de 81.000 € dans notre budget. »
Or le temps presse : la commune doit payer en janvier l’emprunt contracté pour construire, justement, les locaux de la gendarmerie. « Quand tout va bien, on a un petit matelas de 100.000 € dans notre trésorerie mais ce n’est pas grand chose, s’inquiète le premier édile. Si on ne reçoit pas les 81.000 €, ça peut nous mettre en difficulté. »
Et inévitablement impacter les autres lignes du budget de la commune. Pour donner une idée de ce que représente cette recette à Combronde, la commune dispose d’un budget annuel consacré à la voirie de 70.000 € et verse chaque année 25.000 € à ses associations. 81.000 €, c’est, aussi, plus d’un dixième de la masse salariale de la mairie (700.000 €).
Les loyers de septembre suspendusCombien de collectivités sont concernées dans le Puy-de-Dôme ? Si l’affaire a été révélée par la presse, le ministère de l’Intérieur joue désormais la transparence : il affirme à La Montagne que 49 collectivités et onze bailleurs sociaux, qui possèdent parfois les locaux des gendarmeries, seraient impactés dans le département, pour un montant respectif de 723.385 € et 131.547 € de « loyers suspendus », soit un total conséquent de 854.932 €.
Il s’agit, toujours d’après le ministère, des loyers du mois de septembre, ce qu’ont constaté plusieurs maires puydômois interrogés. Pour les autres, qui reçoivent parfois un paiement décalé au trimestre, la découverte ne saurait tarder.
Les JO et la Nouvelle-CalédonieA l’échelle nationale, le montant total des loyers impayés s’élèverait à près de 200 millions d’euros, assurait il y a quelques jours le ministère de l’Intérieur. « La gendarmerie s’est retrouvée à court de trésorerie pour deux grandes raisons : les mesures de sécurité qui ont coûté beaucoup d’argent pour les Jeux olympiques et pour le rétablissement de l’ordre républicain en Nouvelle-Calédonie, a justifié le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau face à la presse, à l’Assemblée nationale. Dans l’année 2024, il y a eu des événements exceptionnels. Ces éléments-là ont été très consommateurs de budget. Il n’y a pas de mauvaise volonté des uns ou des autres. »
Selon le ministre, tout sera rentré dans l’ordre au plus tard « au mois de décembre ». En attendant, le trou « pèse » sur la trésorerie de Combronde, à l’heure qui plus est de bâtir le prochain budget 2025 de la commune.
Des pénalités de retard ?La sénatrice du Puy-de-Dôme Marion Canalès (Parti socialiste) s’est aussi fait le relais de ces inquiétudes, en écrivant jeudi dernier un courrier au ministre de l’Intérieur. « De façon récurrente et encore plus ces derniers mois […], les collectivités sont pointées du doigt alors qu’elles garantissent près de 70 % de l’investissement en France et qu’elles s’astreignent à voter des budgets en équilibre », écrit-elle, déplorant que « ces mêmes collectivités semblent apparaître comme des variables d’ajustement budgétaire pour pallier des erreurs d’anticipation. On ne saurait se satisfaire d’un tel constat ». Et la sénatrice d’appeler à une forme de compensation : « J’espère que l’État saura a minima honorer le versement de pénalités de retard »
Arthur Cesbron